Comment améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments d’ici à 2050 ?

Après s’être penchés sur le recyclage des emballages plastiques, les experts de demain s’intéressent au bâtiment, un secteur en première ligne des objectifs de neutralité carbone de la France en 2050. Dans un contexte de hausse des prix de l’énergie et de lutte contre le réchauffement climatique, retrouvez leur prise de position sur le sujet.
[Bâtiment de demain : Position Paper]

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Bâtiment de demain
©DR

Chauffage, éclairage, climatisation, fonctionnement d’outils électroniques… Sans compter l’étape préalable de la construction, qui fait d’ordinaire usage de matériaux très carbonés (ciment, verre, métaux), les différents bâtiments du parc immobilier français multiplient les dépenses énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre (GES) pour assurer un confort moderne. Or, comme l’illustre l’enjeu des passoires thermiques, la consommation d’énergie du secteur est loin d’être optimisée. Et le constat est sans appel :  le secteur du bâtiment représente 23 % des émissions de gaz à effet de serre en France et 44 % de la consommation énergétique nationale. En faisant la chasse aux gaspillages, les pouvoirs publics comptent diminuer la dépense énergétique du pays, soulager le pouvoir d’achat des ménages et, par ricochets, faciliter la transition écologique globale. Dans ces conditions, quels sont les leviers à actionner pour accélérer la transition environnementale des bâtiments ? 

400 000 nouveaux emplois devront être créés dans la construction d’ici 2050 

Dans le secteur de la construction neuve, les promoteurs, architectes et constructeurs sont guidés par des normes toujours plus ambitieuses. Conséquence : on réalise de plus en plus d'édifices basse consommation, comme les maisons passives par exemple, et autres bâtiments à énergie positive, capables de produire davantage d’énergie qu’ils n’en consomment.

Toutefois, pour le bâti existant, le taux de renouvellement annuel demeure très faible, de l’ordre d’1 % par an. A ce rythme, en 2030, moins de 10 % des bâtiments seront conformes aux normes environnementales aujourd’hui en vigueur. Pour atteindre les objectifs bas carbone de 2050, entre 500 000 et 700 000 rénovations par an sont attendues, pour un coût de 25 milliards d’euros chaque année. Avec à peine 350 000 rénovations par an, le rythme des réalisations demeure encore bien en-dessous des ambitions fixées par les pouvoirs publics.
 
Dans ce contexte, la création d’une filière industrielle de la rénovation est attendue pour accélérer la cadence. Les procédés de construction modulaire, confectionnés en usine, et la préfabrication hors-site peuvent contribuer de manière significative à diffuser des solutions respectueuses des plus hautes normes écologiques sur de nombreux chantiers en France. Celles-ci sont d’ailleurs déjà déployées à grande échelle dans les pays d’Europe du Nord.

Cependant, cette industrialisation du secteur ne peut négliger ni des considérations d’esthétisme architectural sur le bâti d’origine, ni le degré d’ensoleillement naturel, ou encore les ressources disponibles localement : autant de facteurs à considérer pour mettre en place la solution la plus adéquate. En filigrane, des enjeux de formation professionnelle et de rémunération appropriée du savoir-faire sont évidents puisque près de 400 000 nouveaux emplois devront être créés dans la construction d’ici à 2050 pour tenir les objectifs fixés.

L’incitation publique à la rénovation énergétique : la carotte et le bâton

 
En parallèle du développement de solutions industrielles ou innovantes, la grande diversité des détenteurs du parc immobilier n’est pas sans incidence sur la vitesse de déploiement de ces chantiers. Maisons individuelles, copropriétés, logements sociaux, bureaux d’entreprises tertiaires… Chaque situation soulève son lot de contraintes spécifiques et invite à des solutions « mixtes », appelant des choix adaptés sur les volets économique, juridique et technique.

Afin de favoriser la réalisation à très grande échelle des rénovations énergétiques, la résolution de l’équation financière apparaît comme prioritaire en raison des coûts de ces travaux, souvent prohibitifs aux yeux des propriétaires. Les soutiens publics mis en place ces dernières années (comme le dispositif MaPrimeRénov ou les certificats d’économie d’énergie) devront être renforcés afin de permettre la réalisation de rénovations plus globales et performantes. Une forte augmentation des enveloppes budgétaires allouées à ce secteur est essentielle. On estime que 13 milliards d’euros de dotations annuelles de l’Etat (contre 6,7 milliards d’euros en 2020) seraient susceptibles de créer un fort effet de levier et de faire progresser les dépenses globales du secteur. Un effort supplément essentiel, jusqu’à atteindre les 25 milliards d’euros  nécessaires à la rénovation énergétique globale des bâtiments d’ici à 2040. Ces aides devront également permettre le renforcement des offres privées de financement (prêts verts, éco-PTZ …), en intégrant notamment le gain de pouvoir d’achat post-travaux, permis grâce à la diminution des dépenses énergétiques. 

Par ailleurs, la complexité du pilotage de l'ensemble des dimensions des projets de rénovation a mené à la mise en place de l’outil d’accompagnement « FranceRénov’ ». Ce nouveau service public de la rénovation du logement propose une batterie de conseils à la fois pour réaliser des choix techniques adaptés, identifier les meilleurs financements possibles, mais aussi agir comme tiers de confiance pour mettre en relation propriétaires et sociétés de rénovation agréées. Il apparait clé d’assurer le déploiement massif de cet outil.
 
En miroir de ces incitations, il est décisif de citer les fortes contraintes normatives qui poussent aussi les propriétaires à agir dans le bâti ancien. Ainsi, selon la loi Climat du 22 août 2021, les biens immobiliers du secteur de l’habitat répertoriés comme passoires thermiques (logements classés en catégorie G et F après leur diagnostic de performance énergétique) seront soumis à un blocage de loyer en 2023, et devront même être retirés du marché locatif à partir de 2028. 
  
Enfin, la filière devra elle-même évoluer pour faire face à ce défi ambitieux, qui implique de renforcer considérablement l'offre de rénovation en s'appuyant sur de nouvelles compétences et de nouveaux partenariats. Le morcellement du secteur rend difficile la coopération entre une multitude de PME et ETI agiles, et certains donneurs d’ordres. Les grands groupes privés (constructeurs, promoteurs…), qui font appel à de nombreux prestataires, peuvent en effet voir leurs interventions contraintes par des process rigoureux à large échelle, une certaine inertie sectorielle pour éviter les surcoûts des chantiers verts, et des grilles de reporting uniformisées. Acteurs privés et étatiques gagneraient à revoir leur mode de coopération et favoriser des partenariats innovants, à même de proposer des accompagnements technico-économiques au plus grand nombre. Une nécessité au vu de l’urgence climatique et de l’envergure des travaux à mener. 

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