Tri des déchets : comment (bien) le mettre en place en entreprise ?

A l’échelle individuelle comme professionnelle, la production de déchets tend désormais à s’accompagner de leur tri et de leur valorisation. Pour une entreprise néanmoins, il n’est pas toujours aisé d’instaurer une telle organisation. Big média s’est adressé à Bobino, une société industrielle ayant fait appel au cabinet Tamélio pour l’assister dans cette démarche. Retours. 

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Bobino SAS Tri des dechets

Moins de matières, moins de déchets, et moins de pollution. Peu à peu, l’économie circulaire s’immisce dans les procédés des entreprises, en remplacement de l’économie dite « linéaire » (extraire, fabriquer, consommer, jeter). « Produire des biens et des services de manière durable en limitant la consommation et le gaspillage des ressources et la production des déchets », détaille par ailleurs le ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires sur son site, au sujet de l’économie circulaire. En outre, plusieurs dispositifs légaux s’inscrivent d’ores-et-déjà dans ce mouvement, comme la loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire), Climat et résilience, ou encore Industrie Verte

« Chiffrer les gains financiers et environnementaux associés aux changements de pratiques en vue de diminuer la production de déchets représente un vrai intérêt pour les professionnels », indique Basile Mezerette. Le gérant de Tamélio, une société de conseils en énergie et environnement qu’il a créée en 2023, travaille depuis près de 12 ans auprès des professionnels sur ces sujets. Il a récemment accompagné l’entreprise industrielle familiale Bobino Plastique SAS, dans l’optimisation de sa consommation et de ses flux de déchets, via le Diag Eco-Flux proposé par Bpifrance en partenariat avec l’ADEME. Un moyen de faire des économies pour la firme de transformation plastique, tout en limitant son impact sur la planète. 

Crise énergétique : quand réduire ses déchets génère des économies 

Au-delà des obligations dorénavant inscrites dans la règlementation en matière de déchets pour les professionnels – comme le décret « 7 flux » introduit en août 2021 –, en diminuer la production pourrait devenir un bel atout. « La très forte hausse du coût de l’énergie impacte notre fonctionnement de manière globale », déplore le dirigeant de Bobino, Julien Chavalon. Le chef d’entreprise, qui a repris la société fondée en 1986 par son père, a dû se pencher sur la révision de certains process pour faire des économies, «le poids de la facture d’électricité pénalisant fortement le résultat ».  

Un constat partagé par le créateur du cabinet Tamélio, Basile Mezerette : « Les entreprises sont aujourd’hui dépendantes de leur consommation énergétique, tant cette dépense a augmenté. Cela devient un poste à part entière, qu’il faut manager », observe-t-il. De quoi se pencher urgemment sur ce qu’il est possible d’épargner ailleurs. Du reste, c’est en ce sens que le patron de la PME familiale s’est engagé dans le Diag Eco-flux. « Il y a le côté écologique, car c’est le sens de l’histoire, et aussi le côté financier, c’est-à-dire toutes les économies que l’on va générer en réduisant et valorisant nos déchets, en changeant nos process ou en travaillant sur le bâti », commente Julien Chavalon. Des réflexions multiples, pour des effets désirables sur la vie de l’entreprise et celle de la planète. 

La benne à ordures, mine d’or ou simple poubelle ? 

En ce sens, générer moins de déchets nécessite forcément de s’interroger sur la provenance de ceux-ci, et la valorisation qu’on peut en tirer. Il y a peu, Bobino a communiqué sur l’utilisation de matières premières recyclées (MPR) pour son activité de transformation de plastique. « Depuis toujours, la filière plasturgie réutilise ses chutes de production. On les chauffe et les retransforme en matière première pour en faire d’autres produits finis, comme des sacs poubelles par exemple », illustre le dirigeant.  

Il tempère toutefois : « C’est parfois plus compliqué de travailler avec de la matière première recyclée, puisqu’elle n’est pas stable en qualité. Certaines caractéristiques techniques peuvent être affectées comme la couleur, l’humidité, ou encore le conditionnement. Cela nécessite du contrôle en permanence sur la chaîne de production ». Une irrégularité qui s’explique par le mélange de matériaux, parmi les 5 grandes familles de plastique existantes. 

Un point mis en lumière par le cabinet Tamélio, qui s’est justement attelé à repenser cette notion de perte de matière. « Chez Bobino, il y avait beaucoup de perte de matière, jugée non réutilisable et qui partait alors en déchet. Nous avons donc mis en place de nouvelles consignes de tri, en ajoutant de nouveaux bacs et en se demandant à partir de quel moment on pouvait juger qu’un élément était considéré réutilisable ou non », détaille Basile Mezerette. Une manière de travailler qui évolue, et dont toutes les parties prenantes de l’entreprise doivent pourtant se saisir. 

Un nécessaire travail de sensibilisation 

C’est la première étape, et elle est primordiale : sensibiliser. Pas de changement si on n’implique pas ses équipes dès le début. « La culture de l’entreprise est bien souvent liée au dirigeant, qui y insuffle sa vision et sa dynamique. En fonction de son niveau de maturité sur ces sujets-là, il y a parfois des entreprises qui ont du mal à faire évoluer leurs pratiques », déclare le fondateur du cabinet de conseils en énergie et environnement. Si les objectifs économiques et écologiques sont clairs pour les chefs d’entreprises qui ont analysé les postes les plus gourmands en énergie et en financement, la voie n’est pas aussi évidente pour les collaborateurs. « Il faut montrer à ceux qui opèrent sur les lignes de production qu’on peut changer les choses sans que ce soit contraignant », poursuit l’ingénieur. 

De son côté, le directeur de Bobino, Julien Chavalon, revient sur certaines mutations qu’a connues sa société. « Nous avons changé de prestataire de collecte de déchets, et créé de nouveaux systèmes de tri en interne, en passant de 4 bennes à 7. Plus on sépare les matières, plus elles conservent leur valeur, au vu de notre activité de transformation si spécifique », commente-il. « Mes équipes ont extrêmement bien appréhendé ces évolutions, même si la circulation de l’information n’est pas toujours aisée », reconnaît-il. Pour l’expert en conseils environnementaux, Basile Mezerette, le constat est clair : « On sent une émulation globale autour de ces problématiques. Outre l’aspect environnemental, ces questions de réduction des flux ont recréé une synergie entre les dirigeants », conclut le dirigeant. 

elc
Emma-Louise Chaudron Rédactrice Web