« L’intelligence artificielle est un outil extraordinaire pour les talents, les producteurs et les acteurs du secteur », Philippe Soutter

Avec la multiplication des plateformes de streaming et l’importance du digital, l’animation est devenue un pan essentiel du divertissement. Mais dans ce secteur, comme dans beaucoup d’autres, l’avènement de l’intelligence artificielle interroge. Philippe Soutter, cofondateur de la société de production et de distribution d’animation française 100 % familiale PGS Entertainment, explique en quoi l’IA est une réelle opportunité.

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PGS Entertainment
Guillaume et Philippe Soutter, cofondateurs de PGS Entertainment - DR//PGS Entertainment

Alors que le réalisateur Ali Selm a affirmé avoir eu recours à l'intelligence artificielle pour créer le générique de la série Marvel Secret Invasion diffusée sur Disney + en juin 2023, l’impact transformationnel de l’IA sur l’industrie de l’animation sème des interrogations. La France, en tant que troisième pays exportateur de films d’animation dans le monde et premier producteur et exportateur de dessins animés en Europe, serait-elle détrônée si elle ne prenait pas à temps le virage de l’intelligence artificielle ? En quoi cette dernière est-elle un atout pour les distributeurs et les producteurs d’animation ? Dans quelle mesure est-elle une alliée pour les créatifs du secteur et comment peuvent-ils s’en servir ? Philippe Soutter, cofondateur de la société française de production et de distribution PGS Entertainment, répond. 

Un accès facilité aux acteurs du secteur  

 

Pour Philippe Soutter, l’intelligence artificielle est « un outil extraordinaire » « qui va permettre aux talents indépendants et aux sociétés de production indépendantes d’être à un niveau de compétition fort par rapport aux majors ». Tout comme le digital a permis l’émergence de nouveaux acteurs dans le secteur de l’animation (LooLoo kids, série pour enfants, 115 millions d’abonnés sur YouTube) en leur offrant la possibilité d’être leur propre producteur et de s’affranchir du rôle de distributeur, de plus petits studios et des animateurs indépendants devraient trouver une place dans un secteur hautement concurrentiel grâce à l’IA. 

Un secteur de l’animation plus « accessible »  

Une réduction considérable des coûts pour les producteurs et les distributeurs 

C’est indéniable, l’animation est un genre coûteux à produire. À titre d’exemple, Miraculous, le film a coûté 60 millions d’euros. Il est le dessin animé le plus onéreux de l’année et le 4e film d’animation le plus cher de l’histoire (Centre national du cinéma et de l’image animée, organisme de soutien à la création). 

Selon le CNC, un film d’animation coûte en moyenne 7,2 millions d’euros, contre 4,5 millions d’euros pour un film de fiction et 0,7 million d’euros pour un film documentaire. En cause, des dépenses techniques importantes qui représentent environ 36 % des coûts globaux (12 % pour les fictions). Ainsi, selon Philippe Soutter « demain, avec l’intelligence artificielle, des producteurs indépendants et des créateurs individuels auront la capacité de rentrer dans l'univers des films d’animation essentiellement limité aujourd’hui par la barrière coût ». Comment ? 

En rationalisant les flux de production, les tâches répétitives et en réduisant le besoin de travail manuel. En effet, « l’IA peut aider dans tout le travail de recherches préliminaires, que ce soit celles d’images ou de textes ». Par exemple, chez PGS Entertainment, elle est utilisée aussi bien par les équipes de producteurs pour le mood board et la structuration des scripts que par les équipes marketing afin de faciliter la communication avec les designers. 

Selon le producteur qui collabore avec beaucoup de structures indépendantes, l’IA « est une chance pour l’industrie en général, et pour les plus petits en particulier ».  

Une augmentation de la créativité grâce à une levée des barrières financières 

De même, selon le producteur, l’IA, en tant qu’outil au service de la créativité individuelle, est « une opportunité considérable pour les créatifs du secteur du dessin animé ». Contrairement aux idées reçues et aux inquiétudes, elle ne remplacerait pas les créatifs, mais viendrait améliorer leurs compétences. En bref, là où les professionnels de l’animation pourraient s’interroger sur l’avenir de leur métier, Philippe Soutter se veut rassurant. Anciennement « limités par manque de budget, par manque de temps ou de ressources », les créatifs possèdent dorénavant « une caisse de résonnance extraordinaire » qui n’entre pas en concurrence avec leur talent. Le producteur l’affirme : « Quand on prend cinq dessinateurs et qu’on leur donne des outils d’intelligence artificielle, le dessin qui ressort est souvent celui du meilleur dessinateur »

Philippe Soutter y voit même l’occasion de développer la créativité des artistes qui auront la possibilité de créer des mondes animés époustouflants, des paysages détaillés et des effets visuels plus réalistes, portés par des histoires captivantes. Ainsi, ils pourront proposer aux spectateurs une expérience fabuleuse, immersive et interactive. « On va avoir la capacité d’adapter les personnages afin qu’ils ressemblent aux spectateurs », lesquels pourront « intégrer l’histoire » et « discuter avec eux sur une plateforme », voire « devenir copain avec son personnage de dessin animé préféré ».  

Une diversification de l’offre pour les spectateurs grâce à l’IA 

Enfin, en analysant les préférences des téléspectateurs grâce l’IA, il est déjà possible de proposer aux spectateurs un contenu adapté. Dès lors, les studios peuvent s’assurer de proposer à un public varié, un contenu qui leur plaît. De leurs côtés, les spectateurs bénéficient d’un panel de contenu de plus en plus diversifié et d’une offre grandissante.   

Amélie Fonlupt

Amélie Fonlupt

Rédactrice Web