Jour E : comment internationaliser les enjeux de RSE ?

Thomas Penguilly, Délégué International Pays de la Loire Bpifrance, a animé lors de la 4e édition de Jour E une conférence autour de la conciliation entre développement international et RSE. A cette occasion, la parole a été donnée à Marine Guiard, directrice de projets chez Altios International et Quentin Guglielmini, directeur général de Liftvrac. Les deux intervenants ont livré leurs points de vue sur les façons de déployer la RSE dans les entreprises dont l'activité est tournée vers l'international.

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Jour E : comment internationaliser les enjeux de RSE ?

Jour E, c’est l’événement qui a pour but de mettre le business au vert et d’accompagner les entreprises et les fleurons de la greentech française dans leur transition écologique et énergétique. Après la nécessité du collectif pour passer à l’échelle et la réindustrialisation circulaire, Big média continue de revenir sur les thématiques phares qui ont animé la 4e édition de Jour E. Cette fois-ci, focus sur l’international responsable, dont l’enjeu principal est d’apporter des solutions pour intégrer une démarche environnementale à une activité reposant principalement sur l’export – envisagée ici à l’échelle d’un cabinet de conseil, Altios, et d’une PME du Pays de la Loire, Liftvrac. 

Altios et Liftvrac, deux entreprises françaises tournées vers l’étranger  

Altios, d’un côté, qui compte 750 collaborateurs répartis sur les 20 plus grands marchés mondiaux, est un cabinet spécialisé depuis près de 30 ans dans le conseil et l’implantation de PME et ETI à l’international. « On a 38 bureaux dans 23 pays. L’international est notre cœur de métier, de la stratégie jusqu’à la mise en œuvre opérationnelle », précise Marine Guiard, directrice de projets chez Altios et dont le rôle est d’intégrer les enjeux environnementaux et sociétaux à la stratégie internationale des entreprises qu’elle accompagne. « La RSE est vraiment différente d’un pays à l’autre, ce pourquoi on essaye de faire de l’international responsable à notre échelle », ajoute-t-elle.  

Liftvrac, de l’autre, est une PME française née en 2008, composée d’une vingtaine de personnes, concevant et commercialisant des convoyeurs élévateurs de vrac innovants à destination des industriels de l’agroalimentaire. « Nos convoyeurs ont la particularité de pouvoir éviter la perte matière (…) pour nous ça fait donc sens d’aller vers le côté environnemental. D’un point de vue international, on fait environ 65 % de notre CA à l’export », détaille Quentin Guglielmini, directeur général de la société depuis mars 2022. 

Les raisons de l’engagement vers une démarche écoresponsable  

Pour la PME nantaise, la première tient à la technologie Liftvrac en tant que telle. « Notre produit a été conçu avec un fort retour sur environnement au niveau des pertes de matières premières », note Quentin Guglielmini. Sa solution innovante réduit le gaspillage alimentaire à l’échelle industrielle et assure une meilleure préservation des aliments convoyés, sans compter sur les économies d’eau et de produits chimiques lors de la maintenance. La sensibilité environnementale des collaborateurs, et par conséquent la marque employeur, pousse également à adopter cette démarche dans les deux entreprises. « Chacun a sa sensibilité. Nos collègues mexicains seront plus sensibles aux enjeux concernant l’eau, tandis que nos collègues indiens seront plus tournés vers la philanthropie », témoigne Marine Guiard, pour qui la raison d’être d’Altios – « Penser global, agir local » – appelle d’elle-même à intégrer les enjeux de RSE à l’accompagnement stratégique des PME et ETI. Une autre raison de taille tient enfin à la pérennité de leurs clients – et de facto de leurs entreprises… « Tous mes donneurs d’ordres vont être soumis à la réglementation, donc on a tout intérêt, en plus d’un fort retour sur investissement, à leur apporter un fort retour sur environnement », constate le DG de Liftvrac.  

Bilan carbone, groupe de travail : les stratégies pour développer sa RSE à l’international 

Si l’on se fie aux propos des deux intervenants, la transition vers une activité internationale responsable doit tout d’abord passer par le collectif. Chez Liftvrac, où l’un des fondateurs de l’entreprise travaille aujourd’hui à plein temps sur la question environnementale, une des premières actions menées en équipe a été la Fresque du Climat. Idem chez Altios. « Ça a eu plusieurs impacts. Ceux qui n’étaient pas du tout sensibilisés à ces enjeux ont compris, ceux qui l’étaient déjà ont appris des choses. Ça a convaincu l’ensemble de l’entreprise », témoigne Quentin Guglielmini. Mobiliser équipes et collaborateurs semble donc être un levier d’action important. Pour un cabinet d’envergure tel qu’Altios, directement concerné par la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), la première initiative a été d’embarquer tous ses collaborateurs français et internationaux : après un premier bilan en 2020, « le prochain pas sera de réaliser un bilan carbone sur l’ensemble de nos 23 pays », affirme Marine Guiard, qui rappelle que son entreprise a écrit une feuille de route avec une trentaine de collaborateurs internationaux. « Un autre pilier est d’innover et d’échanger avec nos parties prenantes (...) On a rejoint la communauté du Coq vert à ce titre, afin de s’inspirer d’initiatives nationales et internationales et transformer le modèle d’affaires du conseil, déclare la directrice de projets. La transition se fera de façon globale et collective ». 

Quels atouts pour entraîner clients et collaborateurs vers un international responsable ? 

Pour une PME comme Liftvrac, l’atout majeur réside dans la machine elle-même, qui intéresse les industriels. « En un an, c’est 64 tonnes de gaspillage alimentaire en moins dans les usines, précise le directeur général. Partant de ce principe de l’exportation, on a dû travailler sur la durabilité de la machine ». Au-delà du perfectionnement du SAV, la société nantaise entend mener des actions sur la base de son bilan carbone. « La stratégie est de l’établir sur le premier semestre, puis de dérouler tout le plan de décarbonation sur le second semestre pour être capable de budgéter les premières actions sur 2025 ». Le produit est donc au cœur des enjeux pour la PME, tandis que le cabinet de conseil misera plutôt sur la constitution d’un réseau d’ambassadeurs RSE en interne, menant des actions sur le terrain, et la sensibilisation des clients en externe en se basant sur un modèle durable inspiré par la « théorie du donut ». Marion Guiard travaille, du point de vue stratégique, à l’articulation d’un modèle d’affaires internationales aux enjeux de biodiversité, des limites planétaires et besoins locaux. Et la directrice de projets entend pousser cela encore plus loin. « L’idée, c’est qu’on le fasse aussi au travers de tous nos métiers, sur toute notre chaîne de valeur. On essaye (…) de contribuer humblement à une transformation globale de nos clients ». 

La réglementation environnementale, de contrainte à opportunité 

La co-innovation. C’est, d’après Marine Guiard, un élément essentiel à mettre en place pour un international responsable. La directrice de projets évoque en ce sens une formation récemment proposée par Altios avec Bpifrance pour comprendre les ressorts de la construction d’une trajectoire bas carbone à l’international. « Il y a beaucoup de choses à apprendre en étant à l’écoute de ses clients ou ses fournisseurs. On peut même innover avec ses concurrents », déclare-t-elle au micro de Thomas Penguilly. « Je pense qu’on ne va pas avoir tout de suite à subir cette contrainte de réglementation », affirme de son côté le directeur général de Liftvrac. « En revanche on peut la transformer en opportunité, car ça sera une contrainte pour nos donneurs d’ordres », ajoute-t-il. « En tout cas, d’un point de vue personnel, c’est très agréable de piloter une entreprise où l’on se dit qu’on essaye de faire les choses correctement, non à contre-courant de ce qu’il faut faire ». 

 

Felix Tardieu

Felix Tardieu

Rédacteur Web