Chez Altyor, la transition écologique de l'électronique a déjà commencé

Le secteur du numérique pèse près de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Comment engager les acteurs de cette industrie sur le chemin de la sobriété ? Éléments de réponse avec Altyor, une entreprise française qui aligne ses activités avec ses convictions.
 

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Chez Altyor, la transition écologique de l'électronique a déjà commencé
© Altyor

En trente ans d’existence, Altyor a vu le monde de l’électronique se développer considérablement. Aujourd’hui spécialisée dans l'internet des objets - conception, industrialisation, production - l’entreprise basée à proximité d’Orléans (Loiret) témoigne de sa prise de conscience environnementale, ainsi que de sa révolution copernicienne engagée depuis trois ans. Pour Yanis Cottard, cofondateur et président d’Altyor, c’est une question de cohérence : “Nous sommes quatre associés et nous avons pris conscience de la crise climatique en cours. Or le numérique impacte directement le climat et la biodiversité. Que faire ? Arrêter notre activité et mettre 260 salariés au chômage, ou engager la transformation de l’entreprise pour la rendre plus vertueuse ?” En 2023, Altyor a modifié ses statuts pour devenir une entreprise à mission. Portrait d’un membre déterminé de la communauté du Coq Vert. 

L'importance de l'ACV dans la prise de conscience de l'impact environnemental 

Ce changement est un cheminement. Au-delà de la transformation de la nature de l’entreprise, c’est la question de l’impact qui va être au cœur de chaque décision stratégique. Première étape, l’analyse de cycle de vie (ACV) de chacun de ses produits pour comprendre leur impact environnemental, en se concentrant sur la consommation d'énergie, les composants actifs et l'origine des matériaux. Le modèle économique d’Altyor consiste à concevoir et fabriquer des produits électroniques en marque blanche, à la fois pour des grands comptes (Schneider Electric, Leroy Merlin, Free…) ainsi que de nombreuses marques de la French Tech. Yanis Cottard précise : “L’ACV est un point de départ essentiel, il permet d’éviter de tomber dans le piège des petites actions à faible impact, comme baisser le chauffage ou éteindre les lumières des bureaux. C’est bien de le faire, mais on n’agit pas directement sur le cœur de l’impact de l’activité.” 

Et chez Altyor, le cœur de l’impact dépend de la nature du produit considéré : “l’ACV montre des spécificités selon qu’il y a un branchement à une source électrique ou une recherche d’autonomie énergétique, avec une batterie ou une pile par exemple. Dans ce dernier cas, on va avoir une sobriété dans la consommation d’énergie et l’impact vient principalement des composants actifs.” C’est l’extraction de la matière en amont qui est très importante et qui alourdit considérablement l’ACV. La solution ? “C’est le sujet complexe de la sobriété. On va alors réfléchir au choix des composants du produit, mais aussi à rationaliser ses fonctions pour se recentrer sur l’essentiel.” Pour les produits branchés, comme une box internet ou une alarme connectée, on va ajouter à l’ACV la dimension - souvent invisibilisée - de la consommation électrique. “On n’interroge pas assez le duty cycle* pour optimiser la consommation d’énergie”, regrette le président d’Altyor. Or il y a des réserves de gains énergétiques très importants à envisager : une box internet doit-elle forcément émettre 24 heures sur 24 alors que les occupants d’un logement sont à l’extérieur la journée et n’utilisent pas de services web lorsqu’ils dorment la nuit ? 

L'économie circulaire au cœur de la démarche d'Altyor 

Pour être plus efficace, l’entreprise a créé un département "Design for tomorrow", chargé de la réalisation des ACV et des plans d’action pour améliorer les procédés. L’équipe a notamment établi un guide d'écoconception systématiquement utilisé pour concevoir des produits plus sobres et durables. Quelles qualités doit avoir un article électronique durable ? “Il doit être sobre en composants et en consommation énergétique, réparable et doté d’une longue durée de vie”, égrène Yanis Cottard. Parmi les actions concrètes mises en place pour satisfaire cette ambition, la construction d’une chaîne de valorisation des matières plastiques des articles en fin de vie récupérés. “Nous commercialisons des produits qui ont un critère esthétique important. En quatre ans, nous sommes passés de 25 % à 82 % de plastique recyclé, c’est un vrai succès. Maintenant, nous travaillons sur l’aluminium et la réflexion est engagée sur les composants électroniques eux-mêmes, même si c’est encore compliqué.” 

La mobilisation des parties prenantes au cœur du défi de la transition 

Cette nouvelle corde à l’arc d’Altyor, celle de la revalorisation et de l'économie circulaire, ne peut se faire qu’avec l’envie des clients, des distributeurs et des fournisseurs... Or embarquer ces parties prenantes dans une démarche globale de sobriété et de décarbonation nécessite de relever quelques défis. Car même avec un produit doté de toutes les qualités de durabilité attendues, le sujet est systémique et nécessite de réfléchir au modèle économique. 

La réparabilité offre de nouvelles possibilités de commercialiser ses produits, à travers la vente d’appareils reconditionnés ou la location (plutôt que l’achat sec). Chaque client d’Altyor est seul décideur, mais la mission des équipes est de lui montrer le triple intérêt économique, impact carbone et impact matériaux de ces opportunités. “Si le client est capable de mettre en place la filière de récupération des produits usagés, nous pouvons alors les remettre à neuf et les revendre. Cette circularité du reconditionnement a un coût carbone de 10 % d’un produit neuf.” Pour définitivement convaincre son client, Altyor intègre désormais systématiquement dans ses réponses au cahier des charges une démonstration de l’intérêt économique d’un tel dispositif, avec un coût de revient unitaire divisé au minimum de moitié. Et ce n’est pas seulement bénéfique en termes de carbone : “Si on vend deux produits neufs, on a le double d’impact carbone et de consommation de matériaux. Avec de la réutilisation, le client vend deux fois le même produit, avec seulement 1,1 fois l’impact carbone unitaire et l’impact matières d’une seule production !”  

Le dirigeant d’Altyor est enthousiaste et il y a de quoi. En interne, la stratégie séduit les collaborateurs de l’entreprise, heureux de travailler pour une organisation qui traite le sujet de l'économie de la fonctionnalité. La mission d’Altyor commence à infuser à tous les niveaux de l’entreprise, comme la mobilité et la supply chain. L'entreprise, “en mode donut”, se fixe comme objectif de trouver un équilibre entre la pérennité économique et la sobriété environnementale. Elle a bénéficié de prêts verts de Bpifrance pour soutenir sa transition environnementale ainsi que d’un VTE pour l’embauche de jeunes collaborateurs dédié à ce sujet. De plus, appartenir à la communauté du Coq Vert permet aux dirigeants d’Altyor de rencontrer régulièrement des pairs engagés sur son territoire du Val de Loire et de “sentir qu’on n’est pas les seuls à bouger, c’est génial !” Un modèle durable pour les trente ans à venir ? 
 
* duty cycle, ou power cycle, est la fraction d'une période pendant laquelle un signal ou un système est actif.

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