Start-up : on a posé 4 questions à Clémentine Cazenave, investisseuse en Venture Capital (VC)

Aller chercher du financement pour démarrer son activité ou lever des fonds une fois celle-ci lancée peut comporter quelques difficultés pour un entrepreneur. Clémentine Cazenave, investisseuse en early stage pour le fonds Digital Venture de Bpifrance, lève le rideau sur les bonnes pratiques à adopter pour convaincre. 

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Station F Paris VC investor start up early stage

« Il y a un vrai enjeu de dénicher des pépites le plus tôt possible, surtout en seed ». Auparavant VC Analyste (capital risque en français, autrement dit investir dans les startups, NDLR) chez Bpifrance, Clémentine Cazenave est aujourd’hui investisseuse en seed. Elle accompagne les startups souhaitant recourir à leur premier financement (early stage) depuis le pré-seed, c’est-à-dire avant même que la société ne soit réellement lancée, jusqu’à la petite série B, marquant le succès du projet et le début d'une phase de croissance.  

La jeune femme est positionnée sur le fonds Digital Venture de Bpifrance, un fonds généraliste spécialisé dans la Tech qui délivre des tickets allant de deux cent cinquante mille à un million d’euros. Pour Big média, elle raconte les spécificités de son métier, en mettant l’accent sur les étapes clés auxquelles elle porte son attention lorsqu’elle étudie des projets avant d’y accorder – possiblement – des investissements. 

Big média : En quoi consiste le métier d’investisseur en Venture Capital ? 

Clémentine Cazenave : Lorsqu’on est investisseur en seed ou pré-seed, on passe beaucoup de temps à rencontrer les entrepreneurs. Nous intervenons à un moment charnière pour eux, car ils sont pour la plupart en plein apprentissage du métier de chef d’entreprise. Les suivre depuis le début est essentiel afin de bien les connaître et d’être préparé avec eux aux prochaines phases de développement. Notre rôle est déterminant puisque nous sommes en effet le premier jury qu’ils doivent convaincre s’ils veulent lancer et pérenniser leur activité, grâce aux tickets de financement que nous proposons, en co-investissement avec des acteurs du privé ou des business angels. Une fois leur projet financé, ces jeunes pousses restent dans notre portefeuille, car nous faisons le choix chez Bpifrance de les accompagner sur du long terme. 

« En seed, il y a vraiment cet enjeu de parler à des fondateurs le plus tôt possible pour les voir évoluer » 

BM : Quelle est la journée type d’un investisseur VC ? 

CC : Il n’existe pas forcément une journée type quand on travaille avec des startups early stage. A cette étape, je passe la majeure partie de mon temps à m’adresser à des entrepreneurs. En seed, il y a vraiment cet enjeu de parler à des fondateurs le plus tôt possible pour les voir évoluer. En ce sens, j’organise plusieurs rendez-vous avec eux pour bien saisir les contours de leur projet, avant de les faire passer en « partners meeting », c’est-à-dire les faire pitcher devant le reste de l’équipe afin de prendre une décision d’investissement. 

Il y a ensuite toute la partie d’analyse en chambre. Dès que je sens qu’un projet a du potentiel, je regarde en détails la documentation fournie par les créateurs, cela comprend le marché, l’étude de la concurrence, la technologie derrière le produit, le business plan, les perspectives, etc. Nous ne sommes pas experts sur un sujet unique au vu des nombreuses verticales tech que l’on couvre au sein du fonds Digital Venture, ce qui nous pousse à effectuer un travail constant de veille. Il y a une multitude de sujets qui requièrent une montée en compétences rapide de notre part. 

Enfin, nous gérons le suivi et l’accompagnement des sociétés en portefeuille. C’est une partie non négligeable qui s’articule autour de points réguliers avec les fondateurs, qui nous sollicitent par exemple pour des introductions auprès de clients grands comptes, ou d’autres VC pour des levées de fonds en série A ou B. Nous sommes capés sur le nombre de start-ups accompagnées par investisseur au sein de notre fonds, cela garantit la qualité de suivi. 

« Il faut que les fondateurs soient visionnaires, et fassent ressortir une capacité d’exécution qui démontre l’atteinte des objectifs fixés » 

BM : Quels sont les éléments auxquels attacher le plus d’importance à la réception d’un dossier de start-up early stage ? 

CC : En tant qu’investisseur en seed ou pré-seed, on intervient sur de très jeunes projets. Les start-ups n’ont pas encore créé grand-chose, voire sont encore en phase de test de leur produit. Donc le premier critère que je regarde, c’est la personnalité du fondateur ou de la fondatrice, et l’équipe dont il ou elle s’est entourée. Il faut qu’ils soient à la fois visionnaires, ait de l’ambition, et fasse ressortir une capacité d’exécution qui démontre qu’elle va réussir à atteindre ses objectifs et ses indicateurs de performance.  

Ce que nous recherchons, c’est aussi à investir dans des « category leader », autrement dit des pépites qui vont pouvoir dominer leur marché. C’est pour cela qu’il faut bien analyser la taille du marché, savoir s’il existe de la concurrence ou non, et qu’elle ne soit pas non plus prédominante. Les fondateurs doivent transmettre une volonté d’expansion dès le départ, on doit ressentir que le projet est scalable. Il faut démontrer une grande connaissance de son projet. De plus, s’épauler d’un CTO est une vraie plus-value au vu de notre thèse d’investissement digitale. 

BM : Le business plan est-il est élément clé de décision ? 

CC : Comme l’entreprise n’a généralement pas de passif en seed, le business plan se révèle être un outil indispensable ! Il correspond en effet à la traduction mathématique de l’ambition des fondateurs. C’est un support de discussion que nous sommes amenés à challenger parfois. Ce que nous valorisons, c’est la quantité de données et de précisions avec laquelle arrive le chef d’entreprise.  

C’est très rassurant pour un investisseur VC de voir à quel point un dirigeant aura anticipé les hypothèses externes et internes sur une projection de deux ou trois ans. Mieux vaut en effet préciser ligne par ligne les coûts éventuels, plutôt que de tout regrouper par pôle d’activité. Pour moi, il n’y aura jamais trop de détails dans un business plan. Dans ce ce type d’exercice, c’est la granularité qui est intéressante, c’est-à-dire le fait de rentrer en profondeur dans le sujet et s’en revendiquer expert sur tous les aspects. 

elc
Emma-Louise Chaudron Rédactrice Web