Réindustrialisation : où en est la France ?

À l’heure de la réindustrialisation, focus sur le Baromètre Renaissance Industrielle, réalisé par la Société d’Encouragement pour l’industrie nationale en partenariat avec la Banque des Territoires et Bpifrance. En quoi la réindustrialisation est-elle importante pour la souveraineté française ? Quels sont les défis et les obstacles de la relocalisation de la production et quelles sont les mesures mises en place par les acteurs gouvernementaux ? Focus. 

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Soirée lancement baromètre industrie
Soirée de lancement du baromètre Renaissance Industrielle à l'hôtel de l'industrie

Avec un solde positif de création d’emplois dans l’industrie depuis 2017, la période à venir s’annonce prometteuse et laisse présager une véritable renaissance des territoires d’industrie. Alors que 2020 a été une année compliquée pour l’industrie française, une prise de conscience générale a tout de même germé en même temps que des discours plus profonds, notamment sur le besoin de relocaliser la production, de la rendre davantage décarbonnée. La réindustrialisation a alors commencé, suscitant des efforts de la part des pouvoirs publics, des industriels et de la société dans son ensemble.   

Depuis quelques années maintenant, la France redevient un territoire attractif pour les investisseurs français et étrangers. On remarque une envie forte de refaire de l’Hexagone une grande nation industrielle, en accord avec les objectifs de décarbonation et de souveraineté. Néanmoins, si les signaux sont positifs, il est encore trop tôt pour affirmer que le déclin marqué par des décennies de désindustrialisation est derrière nous.  

Des décennies de désindustrialisation et une crise sanitaire qui marquent un tournant décisif  

C’est à partir de 1972 que l’on observe une baisse drastique de la part de l’industrie française dans le PIB. Pendant près de 50 ans, les chiffres n’ont cessé de chuter, pour atteindre 9 % en 2020, contre 19 % en 1972. De son côté, l’évolution des emplois dans l’industrie manufacturière reste probablement le marqueur le plus parlant de la désindustrialisation. En effet, la part d’emplois industriels représentait 37,4 % en 1982, contre 13,3 % en 2020. Si certains territoires ont réussi à compenser la destruction d’emplois par de nouvelles activités ou une automatisation de leur production, d’autres se sont retrouvés durablement dans une situation de crise économique. La fermeture de nombreux sites industriels a provoqué une perte de compétences et de savoir-faire, clés pour la renaissance industrielle.   

Graphique PIB Industrie

L’année 2020 marque pourtant un tournant dans la grande désindustrialisation qui secoue la France depuis les années 1870. La crise sanitaire du Covid-19 entraine des interruptions temporaires de production et les défis d’approvisionnement ont déstabilisé davantage le secteur. Pourtant, le constat de la fragilité des capacités de production nationale et la forte dépendance aux approvisionnements étrangers (notamment chinois) provoquent un véritable électrochoc. L’industrie apparait alors comme un déterminant stratégique, garant de la résilience économique. La crise a permis une nouvelle lecture des ambitions de la France et du rôle de l’industrie dans une économie mondialisée. Ainsi, réindustrialisation, relocalisation et souveraineté sont devenues des sujets centraux dans les discussions à tous les niveaux de la société.   

Le plan de réindustrialisation, véritable tournant de la relocalisation en 2022  

Il faut cependant attendre 2022 pour observer une véritable évolution dans la relocalisation française et la réindustrialisation, amorcées en 2017. Cette année est d’ailleurs la première depuis plus de 5 ans à enregistrer un nombre de créations d’usines égal à celui des fermetures. Cette dynamique se poursuit pour atteindre son pic en 2021 avec 183 usines créées contre 59 fermées. Il s’agit du chiffre le plus bas enregistré depuis plus de 10 ans. Ces nouveaux sites ont entrainé la création d’emplois sur le territoire. Cette tendance, qui se poursuit encore à l’heure actuelle, favorise le développement des entreprises existantes et des startups industrielles, tout en attirant des investisseurs étrangers. Jeudi 11 mai 2023, le président de la République Emmanuel Macron a réuni au Palais de l'Élysée les acteurs de l'industrie française, dirigeants d'entreprises, élus, représentants de collectivités et associations, à l'occasion de l'événement « accélérer notre réindustrialisation ». Un événement qui témoigne de l'ambition française de refaire de la France une puissance industrielle.   

Résultat : les entreprises françaises sont nombreuses à rapatrier leur production, revitalisant l’industrie locale, favorisant les circuits courts, mettant en avant l’expertise française et maitrisant ainsi la chaîne et les coûts de production. Le mouvement est bien entendu soutenu par le gouvernement, avec notamment le plan France Relance qui a appuyé près de 800 projets et généré près de 4 000 emplois. De son côté, le plan France 2030 vise à renforcer la compétitivité industrielle et à promouvoir les technologies du futur. Ainsi, les startups industrielles françaises ont enregistré une accélération de leur développement, levant plus de 3,78 milliards d’euros en 2022. Plus de 70 nouveaux sites industriels ont été créés par des startups, PME ou ETI, dynamisant ainsi les régions.   

Comment les start-ups et les PME jouent-elles un rôle dans la réindustrialisation de la France ? 

Un chiffre à attribuer, notamment, aux startups et PME industrielles innovantes. 35 d'entre elles ont créé leur usine de fabrication pilote, essentiellement dans le domaine de l'agro-industrie, de la valorisation de déchets ou de la chimie industrielle. Les 41 restantes représentent des PME et ETI innovantes dans le secteur des biens de consommations et de l'agro-industrie. Grâce à ces ouvertures, ce sont 3 000 emplois directs qui ont été créés. Sur cette lancée, l’objectif d'Emanuel Macron de "100 nouvelles usines ouvertes par an" est en passe d'être atteint d'ici 2025. Avec de nouvelles aides accordées aux PME et des subventions exceptionnelles, la France est de nouveau attractive. Mais si les aides du Gouvernement représentent un premier pas pour favoriser la réindustrialisation, les petites structures industrielles innovantes ont besoin d'être accompagnées sur d'autres aspects essentiels à leur bon fonctionnement. Un objectif que Bpifrance s'est donné à travers ses missions d'accompagnement.  

Un besoin d'allier décarbonation et réindustrialisation : l'exemple de la loi réindustrialisation verte 

Sur cette lancée de réindustrialisation par l'innovation, la prise en compte de l'environnement se révèle plus que jamais essentielle. Afin de faire de la France une nation décarbonée, et pour répondre à ces objectif, la loi industrie verte promulguée en octobre 2023 a été mis en place par le Gouvernement. Elle répond à un double objectif. Environnemental dans un premier temps, pour faire face à l’urgence climatique. En effet, une baisse de 41 millions de tonnes d’équivalent CO2 est attendue d'ici 2030 grâce aux principales mesures qu’elle contient, soit près de 5 % de réduction de l'empreinte des importations et 1 % de l'empreinte totale de la France. Économique dans un second temps en visant la réindustrialisation verte et la création d'emploi. Cette loi s'articule autour de trois axes : financer l'industrie verte, faciliter et accélérer les implantations industrielles, réhabiliter les friches et verdir la commande publique. Grâce à cette politique de réindustrialisation plus responsable, le Gouvernement espère une réindustrialisation pérenne.  

À suivre : « L’industrie se transforme et se modernise », la suite du baromètre Renaissance Industrielle

Julie Lepretre

Julie Lepretre

Rédactrice web