Tilli, l’entreprise qui donne une seconde vie aux vêtements et aux objets grâce à l’artisanat

Afin de lutter contre la surproduction de vêtements, leur surconsommation, le gaspillage, et le coût environnemental colossal que cela engendre, l’entreprise leader sur le marché européen Tilli mise sur la réparation des objets. Un moyen de prolonger la durée de vie de ces derniers, tout en revalorisant les métiers artisanaux. Beryl de Labouchere, sa cofondatrice, nous raconte.

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Atelier Tilli

La mode est l’une des industries les plus polluantes au monde (selon l’agence de la transition écologie). Production des matières premières, naturelles ou synthétiques, transformation, packaging, transport… les procédés nécessaires à la fabrication et à la commercialisation des vêtements sont nombreux. Et tous ont un impact environnemental gigantesque, aussi bien en termes de consommation d’énergie, de pollution des sols et plastique, que d’émission de gaz à effet de serre et de consommation d’eau. Sans parler du gaspillage qui s’en suit. Selon l’ONU, 92 millions de tonnes de textiles seraient jetées par an, ce qui représenterait environ 460 milliards de dollars. Des vêtements qui, au lieu d’être mis à la poubelle, avant même d’être triés ou recyclés, auraient pu être réparés. C’est pourquoi l’entreprise Tilli propose un service de réparation et prend l’engagement « de faire de demain le plus beau voyage vers ce que l’on a toujours connu, sans le détruire, mais pour le réinventer » (ndlr site internet Tilli).

Tilli, ou comment donner une seconde vie aux produits  

Au départ, une volonté de réinventer son dressing 

A l’origine, tout part d’un constat. En 2017, alors que la cofondatrice de Tilli, Beryl de Labouchere, s’apprête à entrer dans la saison des mariages (huit !), elle réalise que trouver une tenue pour chacun d’entre eux est un véritable casse-tête. Elle rencontre alors une couturière qui lui propose de venir chez elle, afin de repenser son dressing. En jouant avec les formes et les matières, en upcyclant (ndlr valoriser les produits usagés en récupérant ses matériaux pour créer des produits de meilleure qualité) ou en réparant, cette dernière lui montre qu’il est possible de faire revivre les pièces qui dormaient dans son placard. A ce moment-là, Beryl de Labouchere réalise qu’elle peut se réapproprier ses vêtements grâce au savoir-faire d’un artisan, et faire « une sorte de shopping à moindre coût ». « L’idée est donc venue de mixer l’artisanat et le digital, pour combler un manque sur le marché », explique-t-elle. Ainsi naît Tilli, une plateforme digitale qui se veut un pont entre les consommateurs, les artisans et les marques partenaires.  

Une prise de conscience de la nécessité de briser la chaîne linéaire  

Afin de briser cette linéarité, qui consiste à acheter puis jeter, une pratique qui fut longtemps inhérente au secteur de la mode, la cofondatrice de cette jeune pousse affirme que « la première action efficace est de réparer, louer ou revendre avant de jeter ». C’est pourquoi, pour stopper la surconsommation et venir recréer un cercle vertueux, l’entreprise s’est immédiatement positionnée sur le domaine de la réparation et de l’upcycling

« Aujourd’hui, on est un service qui permet vraiment à tous les acteurs du marché d’avoir une solution d’entretien et de réparation, aussi bien le consommateur final que nos marques partenaires, les plateformes de seconde main, de location, et enfin de services comme les pressings », c’est ainsi que Beryl de Labouchere résume la mission de son entreprise. Pour ce faire, la jeune entrepreneure explique « Tilli se positionne comme une tech and craft compagny car notre volonté c’est de prolonger la durée de vie des produits et de revaloriser l’artisanat », mais pour fluidifier le modèle il est nécessaire d’intégrer la tech dans toute la chaîne de valeur. Un défi de taille.

Objectif : une consommation différente et un attachement émotionnel aux produits 

Le challenge de la start-up ? Faire évoluer les mentalités, accompagner le consommateur vers un nouveau mode de consommation et le responsabiliser. Et cela passe notamment par une valorisation de l’affect lié aux produits. L’idée, selon la cofondatrice de Tilli, c’est que « en se réappropriant ses biens, un attachement émotionnel au produit se développe, si bien que le consommateur va le garder plus longtemps, en prendre soin et, le jour où il s’en séparera, il ne le jettera pas mais le revendra ». Afin de créer ce lien, il est question de « remettre l’artisan sur le devant de la scène » en s’assurant qu’il soit au contact du client et qu’il lui permette de réapprendre à percevoir différemment les produits qu’il chérit. 

Faciliter l’accès à l’artisanat pour favoriser les actions anti-gaspillage 

Une valorisation du travail des artisans afin qu’ils répondent au besoin du consommateur final 

Avec ses deux ateliers parisiens et ses 600 artisans partenaires partout en France, l’entreprise espère pouvoir répondre aux attentes grandissantes du client (77 % des européens seraient prêts à réparer plutôt que d’acheter des nouveaux produits selon France numérique). Passionnés, les artisans ou les « Tillistes », sont sélectionnés aussi bien sur leur savoir-faire que leur savoir-être et leur technicité. De plus, ils sont soumis à des tests techniques selon leurs spécialités avant d’être familiarisés avec  l’application. Ils doivent donc faire preuve d’une grande flexibilité afin de pouvoir proposer plusieurs solutions de réparation, que la cofondatrice de Tilli détaille ainsi : une première, économique, rapide et pas cher, une seconde, technique, quasi invisible, plus onéreuse mais durable, et enfin une troisième, plus créative (upcycling). 

« L’objectif est que le vêtement ne soit pas simplement réparé mais soit aussi reporté en apportant de la créativité et de la cocréation avec le client, pour que ce dernier soit pris au jeu et aime de nouveau son produit », précise Beryl de Labouchere.  Enfin, les « Tillistes » sont intégrés à la communauté Join the cycle, grâce à laquelle ils peuvent échanger et être accompagnés. Des formations sont même proposées pour leur permettre de faire évoluer leurs compétences.  

Une amélioration de l’accès aux différents corps de métiers artisanaux 

Sur l’application ou sur le site internet de Tilli, il est très facile pour le client d’obtenir un devis et d’avoir accès à un artisan. En fonction de sa géolocalisation, deux types de services lui sont proposés : ou bien l’artisan se rend à domicile ou bien le produit est envoyé dans un des deux ateliers parisiens. Un service similaire est proposé aux 40 marques partenaires, que ce soit dans leurs boutiques ou via leur site internet. Comme l’entreprise ne travaille pas en marque blanche, le client sait qu’il passe par un « Tilliste » s’il souhaite, par exemple, adapter le vêtement à sa morphologie. Par conséquent, la démarche est humaine, personnalisée, (et bientôt obligatoire – loi AGEC). Enfin, elle permet à la marque de limiter le taux de retour et de collecter les données dont elle pourra se servir pour améliorer son service et fidéliser ses clients.

Un accompagnement des artisans dans leur mise en relation avec les clients 

Aujourd’hui, si l’artisan est labellisé par l’éco organisme Refashion (ndlr éco-organisme de la filière Textile d’habillement, Linge de maison et Chaussure), il peut bénéficier du bonus réparation (ndlr aide financière de l’Etat pour encourager à réparer plutôt qu’à remplacer) prévu par la loi AGEC et ainsi réduire la barrière « coût » d’entrée. En effet, grâce à ce bonus, une remise sur le prix de la réparation est proposée au client pour l’encourager à revisiter ses vêtements plutôt qu’à les racheter. Le montant de la remise sera elle récupérée par l’artisan auprès de l’éco organisme en charge du fond de réparation. Tilli, en tant qu’entreprise labellisée par l’éco organisme Refashion, offre cette remise dans toutes ses prestations, ce qui représente un avantage pour les « Tillistes » qui sont alors allégés de toutes les démarches administratives que cela implique. 

Aujourd’hui, l’enjeu pour la jeune pousse consiste à continuer de développer une offre multi-produit et à pérenniser l’existant sur tout le territoire national et européen. La seconde main est entre de très bonnes mains ! 

Amélie Fonlupt
Amélie Fonlupt Rédactrice Web