Comment le système de location de vêtements transforme l’industrie textile

Entre évolution des modes de consommation dans l’industrie textile et recherche de solutions alternatives moins polluantes, la sociologue Emilie Coutant et le co-fondateur de la plateforme de location de vêtements Le Closet, Ralph Mansour nous partagent leur vision du secteur.

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Kate Middelton location de vêtements
La Duchesse de Cambridge, Kate Middleton, en robe de location lors d’une cérémonie américaine le 2 décembre 2022

« Quelle signification donne-t-on aujourd’hui au fait d’acheter, de posséder et de porter un vêtement ? », s’interroge Emilie Coutant, Docteur en sociologie et enseignante-chercheuse à l’université d’Angers. Avec près de 140 milliards de vêtements produits chaque année dans le monde pour une émission de plus de 3,3 milliards de tonnes de CO2 d’après le site Sloweare, l’industrie de la mode se place sur le podium des plus polluantes au monde. Pour ralentir ce phénomène, des manières de consommer innovantes et plus respectueuses de l’environnement voient le jour. 

De la fast-fashion à la slow-fashion 

En tête des secteurs les plus émetteurs de CO2 au monde, la mode pourrait bien connaître quelques évolutions, induites notamment par ceux qui la consomment. Les mécanismes de vente mis en place par la fast-fashion, la mode à bas prix facilement renouvelable, sont multiples : « marketing de la rareté, marketing d’influence, promotions continues, ou nouvelles collections en permanence », décrit Emilie Coutant. Entre prise de conscience écologique et avantages économiques, les consommateurs semblent de plus en plus enclins à consommer la mode différemment. « On s’est rendu compte que l’on participait à cette catastrophe mondiale, à la fois par son coût environnemental, écologique et humain » déclare l’enseignante-chercheuse. 

Vendre ses vêtements déjà portés, recycler certains d’entre eux, les réparer, ou même en changer complètement l’usage ; avec une progression nette de 140 % des achats entre 2019 et 2021 en Europe, selon l’Observatoire Natixis Payments, la seconde main semble prendre de plus en plus de place dans les habitudes d’achat. Parfois méconnue des consommateurs, la location de vêtements fait partie intégrante de ces nouveaux modèles de consommation alternatifs. « L’avantage de la location, c'est qu'on est plus sur un usage qu'une propriété. Cela s’inscrit clairement dans les types de consommation actuels et durables, comme avec la musique, les voitures, les vélos… », observe la sociologue. Modèle né outre-Atlantique au début du millénaire, c’est depuis les années 2010 qu’il connaît ses lettres de noblesse en France, avec l’émergence de plateformes en ligne de location de biens ou de services. 

« Les styles aujourd'hui ne sont plus créés par les marques mais par les consommateurs » 

D’après les observations de la chercheuse, « la figure de la ‘fashionista’ cette fille qui suit la mode avec ses comportements frénétiques, addictifs et compulsifs ça n'a plus lieu d'être. » Autrement dit les consommateurs, au lieu de suivre une seule et même tendance, vont davantage revendiquer l’authenticité et l’originalité de leur style. De quoi engendrer une consommation plus réfléchie puisque chaque pièce de la garde-robe de ces « influenceurs » d’un nouveau genre, est triée sur le volet. Ce qui laisse une place toute trouvée aux plateformes de locations de vêtements, permettant aux curieux de « chiner » (dénicher) un article précédemment aperçu dans leur fil d’actualité. « Les styles aujourd'hui ne sont plus créés par les marques mais par les consommateurs. Les marques doivent composer avec cette expertise et avec cette mode qui vient de la rue, des réseaux » poursuit Emilie Coutant. 

S’habiller de manière plus réfléchie est rendue possible par l’émergence des plateformes de location de vêtements, véritables niches des collectionneuses de pépites. 
 

Louer des vêtements plutôt que les acheter  

Avec une consommation croissante annoncée à 10 % par an d’ici 2029*, la location de vêtements pourrait bien tirer son épingle du jeu parmi le panel de solutions qu’offre la seconde main. « Autrefois la mode dite “éthique” était perçue comme très marginale, trop chère, et de mauvais goût, analyse Emilie Coutant, mais grâce à des actions d’éducation et de sensibilisation, adopter une consommation éthique et responsable est à la portée de tous. »   

Une opportunité que plusieurs entrepreneurs ont su saisir, à l’instar du Closet, plateforme de location de vêtements née en France en 2014 à l’initiative de Ralph Mansour. « On était intéressé par la mode et les nouvelles tendances émergentes dans le milieu. Le mécanisme de la location nous a plu parce qu'il est vertueux et permet d'avoir un impact positif sur la consommation » déclare le fondateur. Economiquement, le modèle repose sur une formule d’abonnement mensuel qui assure un revenu pérenne – sous réserve de satisfaction de ses clients.  

Qu’il s’agisse d’un bien ou d’un service, la mise en place d’un tel dispositif, qui ne constitue pas encore la norme, peut néanmoins donner du fil à retordre à ceux qui aimeraient s’y atteler. 

« Il y a beaucoup de process à mettre en place » 

Mettre en œuvre ce type de prestation comporte quelques embûches opérationnelles. En effet, la logistique de cette offre de services est complexe : « il faut gérer les services de blanchisserie, de retoucherie en passant par le pressing et la livraison, c’est beaucoup de process à mettre en place », explique Ralph Mansour, le co-fondateur du Closet.  

Pour transformer la propriété en usage, la plateforme de location met en place une solide stratégie de communication et compte sur son réseau d’ambassadrices. Un système de parrainage qui récompense sous forme de bons d’achat ou de remises les clientes les plus fidèles, qui feraient la promotion de leurs tenues en leasing sur leurs propres comptes réseaux sociaux. Aujourd’hui, ce sont près d’un tiers des nouvelles clientes qui ont adhéré grâce à cette méthode. Une manière de démocratiser l’accès à la location pour tous, et d’encourager ces pratiques novatrices. 

 

*selon une enquête de la fintech française Tripartie, en collaboration avec le cabinet de conseils Wavestone 

elc
Emma-Louise Chaudron Rédactrice Web