La gestion de la forêt française, un équilibre économique, social et environnemental à préserver

[TRIBUNE EXCELLENCE] Dans cette tribune accordée à Said Bakhtous, le président du groupe Josso nous expose son point de vue sur une utilisation pérenne et utile des ressources forestières.

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Tribune filière bois

Avec ses 17 millions d’hectares, la forêt française métropolitaine représente 32% de notre territoire. Depuis un siècle, sa superficie a doublé. Chaque année, elle augmente de 80 000 hectares et l’industrie du bois utilise 50% de la richesse forestière. Lorsqu’on coupe un arbre en France, la quantité de bois extraite est automatiquement compensée par la croissance de tous les autres arbres restants. Comment gérer la forêt de façon durable, comprendre les enjeux de la filière et le fonctionnement de l’industrie du bois, avoir une approche nuancée d’arguments économiques, sociaux et environnementaux ? Il semble primordial de s’unir, de prendre en considération les besoins et les attentes des personnes qui en dépendent et de chaque acteur majeur de la filière. Il y a les propriétaires privés, garants de la gestion durable de la forêt (entretien, reboisement, plantation). Les exploitants forestiers et entrepreneurs de travaux forestiers, qui procèdent à l’estimation économique de la ressource forestière et réalisent les travaux de récolte. Les scieurs, qui transforment le bois récolté en vue de satisfaire les besoins des secteurs de la construction, de l’emballage et de l’énergie. Les acteurs publics (DRAAF, ONF, CNPF, INRAE), qui, quant à eux, veillent au respect du code forestier, font en sorte que le bois soit exploité dans de bonnes conditions et conseillent les acteurs de la filière pour promouvoir une gestion durable des espaces forestiers. Le travail acharné de tous ces acteurs, institutions et corps de métiers, et leur mobilisation massive permet que chaque jour, l’équilibre soit maintenu et préservé.

L’exploitation du bois, maillon économique incontournable

La filière bois regroupe donc trois métiers : l’exploitation forestière, la scierie, et la fabrication de palettes. La première étape, c’est l’exploitation forestière, le fait de récolter du bois. Ensuite vient le sciage, c’est le fait de transformer le bois en planches. Les professionnels appellent cette étape la première transformation. Lorsque que l’on utilise ces planches pour fabriquer des meubles ou des palettes, on parle alors de deuxième transformation. C’est donc un véritable écosystème qui est représenté sous l’appellation « filière bois » : les propriétaires forestiers représentés par le syndicat Fransylva, les entrepreneurs forestiers qui interviennent sur le terrain pour réaliser la récolte du bois, l’abattage et le débardage (transporter les arbres abattus vers le lieu de dépôt ou de charge provisoire), les exploitants forestiers qui négocient, achètent le bois pour le revendre et peuvent aussi avoir la casquette d’entrepreneurs forestiers, et les scieries qui achètent le bois auprès des exploitants, et le transforment pour le destiner soit à l’emballage soit à la construction. La filière bois comporte aussi l’ONF (Office national des forêts), qui exploite le bois des collectivités et de l’Etat, et les services de l’Etat qui veillent au respect du code forestier. Toutes ces entités sont regroupées au sein d’une interprofession, la Fibois. Il y a une Fibois dans chaque région, et une nationale.
Au sein de cet écosystème, 450 000 personnes sont salariées en France, ce qui fait de la filière bois le deuxième employeur après l’agroalimentaire. Le plus souvent, ces emplois sont non délocalisables, c’est-à-dire que leur continuité est assurée sur un territoire géographique donné. Ils regroupent des secteurs d’activité tels que la construction, l’emballage, le bois énergie. 
Certains secteurs sont concernés directement par la filière bois, d’autres le sont indirectement. Premier exemple avec la palette, un type de bois transformé, qui concerne directement et principalement trois secteurs industriels. L’agroalimentaire est un gros consommateur de palettes en bois car il faut entreposer les marchandises avant de les envoyer chez les clients, en France ou à l’étranger. Le bâtiment consomme également beaucoup de palettes pour entreposer les matériaux. Même chose pour le secteur pharmaceutique et les cosmétiques, qui stockent beaucoup de marchandises avant de les acheminer. Autre exemple, avec un autre type de bois : celui  de construction, dont dépendent directement les architectes, les promoteurs, les collectivités qui souhaitent construire une nouvelle école ou une salle de sport… le marché est très diversifié car de très nombreux acteurs ont besoin de bois de construction. Quel que soit le type de bois, une multitude de personnes dépendent du bon fonctionnement de la filière, ce qui en fait un maillon économique incontournable en France.

« Les premiers écologistes ce sont nous, les exploitants forestiers  »

Espace tantôt public, tantôt privé, la forêt française est un lieu de loisirs indispensable. Détente, promenade, chasse, on peut y mener de nombreuses activités. Il y a ceux qui y vont en vacances, et ceux qui y habitent à proximité immédiate et peuvent y aller toute l’année. On estime à 500 millions le nombre de visiteurs par an dans les zones forestières françaises. 
Par ailleurs, la crise du Covid-19 a changé le rapport que les Français entretiennent avec les grands espaces, la nature, et donc la forêt. Enfermés, nous avons repris conscience de la liberté que l’on a de simplement se balader, de découvrir ce qu’il y a autour de soi. On sent que les gens ont pris du recul, qu’ils se sont rapprochés de la nature. Nous avons de plus en plus de promeneurs, des personnes qui s’y intéressent, qui s’inquiètent parfois, sur les questions de dérèglement climatique. Beaucoup d’organismes, qui avant ne s’intéressaient pas particulièrement à la forêt, se sentent aujourd’hui concernés, ce qui révèle un plus grand intérêt, en France, pour l’environnement et la nature. Or, pour que l’on puisse continuer d’y aller librement, il faut avoir la garantie qu’elle puisse être préservée. Le citoyen doit respecter la forêt, c’est pourquoi il est indispensable que son utilisation à des fins sociales, de loisir, de tourisme, s’accompagne d’une prise en considération environnementale. En ce sens, les premiers écologistes ce sont nous, les exploitants forestiers. Nous connaissons la forêt, nous vivons avec elle tous les jours, c’est notre gagne-pain. Nous savons quand elle ne va pas bien et sommes capables de trouver des solutions pérennes.

Biodiversité et climat : la forêt, une nécessité environnementale

La forêt constitue un réservoir inestimable de biodiversité et de stockage de carbone. Le secteur forêt-bois-biomasse joue un rôle central dans la séquestration le carbone et le rejet d’oxygène, et la biomasse résiduelle peut permettre de remplacer les énergies fossiles. Une bonne gestion de la forêt est donc une solution inévitable pour réduire notre empreinte carbone, même si l’on ne sait pas toujours que l’on peut désormais investir dans les arbres pour lutter contre le réchauffement climatique. Les citoyens l’ont compris et semblent désormais en quête d’une utilisation du matériau bois conciliable avec les nécessités climatiques et donne du sens aux possibles investissements en forêt. 
Un arbre est un être vivant : il naît, grandit et meurt.  C’est pourquoi une bonne connaissance de la forêt est nécessaire pour exploiter le bois lorsqu’il arrive à maturité pour en faire du bois de construction, puis des palettes, puis des pellets ou des panneaux. Si on ne coupe pas l’arbre une fois arrivé à maturité, il meurt et rejette du gaz carbonique dans la nature. Il est donc souvent préférable pour le climat de récolter un arbre pour le transformer, puis de reboiser, plutôt que le laisser mourir et rejeter du CO₂.  
En tant qu’être vivant, un arbre peut parfois aussi tomber malade. C’est le cas de l’épicéa, qui s’est affaibli ces dernières années du fait d’hivers de plus en plus doux, ce qui le rend plus vulnérable, notamment aux attaques de scolytes. Or en cas d’épidémie, pour éviter que l’insecte ne se propage, il faut procéder à une coupe sanitaire, dont le bois pourra être transformé pour en faire du bois de construction et d’emballage. Bien que nos forêts françaises augmentent tous les ans, elles peuvent facilement tomber malades du fait du réchauffement climatique, un problème qui ne se résoudra qu’au niveau mondial et pour lequel nous, professionnels de la forêt, sommes en première ligne.  
Ces informations, parfois méconnues et pas toujours présentées de la sorte dans les médias, doivent être présentées au grand public. Le fait par exemple que  le code forestier impose le renouvellement après chaque récolte, pour une meilleure compréhension des enjeux de la filière bois et un bon vivre ensemble dans la forêt.

Said Bakhtous, président du groupe Josso

Said Bakhtous, président du groupe Josso

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