De banquier Boulevard Haussmann à ébéniste dans le Morbihan, histoire d'une reconversion réussie

Julien Alberge a entamé une reconversion professionnelle il y a trois ans, passant du monde de la finance à celui de l’artisanat. Aujourd’hui ébéniste dans un atelier partagé, il nous raconte son parcours, des difficultés aux succès. Portrait.

  • Temps de lecture: 5 min
julien-alberge

« Aujourd’hui j’estime que je ne travaille plus, j’œuvre. Et je prends un plaisir dingue », affirme Julien Alberge devenu ébéniste il y a trois ans après avoir passé près de 14 ans dans le secteur bancaire. En France, environ 2 millions de personnes actives ont changé de métiers au cours de ces cinq dernières années, selon une étude de France Compétences. La crise sanitaire a accéléré cette volonté de se reconvertir puisqu’en 2021 un actif sur cinq était dans un processus de reconversion professionnelle. « Je n’étais pas passionné par le bois mais par l’entrepreneuriat. J’ai accompagné des chefs d’entreprise pendant toute ma carrière. Arrivant à la quarantaine, j’avais envie de passer de l’autre côté de la barrière », témoigne Julien Alberge.

Quitter le salariat pour l’entrepreneuriat

La première étape de sa reconversion a été de quitter son travail. « Si je restais salarié, je risquais de rester dans mon confort et de ne jamais oser me lancer ». Après sa démission, le banquier n’a plus qu’une idée en tête : entreprendre. Il se met alors à regarder les reprises d’entreprise. En parallèle, attiré par les travaux manuels, il se lance dans des stages autour du bois et du métal. « Je n'étais pas à la recherche de sens, car j'en avais déjà trouvé dans ma précédente vie professionnelle, mais j’avais besoin de faire quelque chose de mes mains et de tout maitriser de la conception à la commercialisation », indique Julien Alberge.

En passant du temps dans des ateliers d’ébénistes, il comprend que c’est dans ce secteur qu’il veut évoluer et s’épanouir. « En plus, c’est un marché au fort potentiel pour les TPE, avec un intérêt croissant pour l’aménagement d’intérieur », précise-t-il. Motivé et convaincu de son choix, il reprend des études d’un an dans un centre de formation d’apprentis (CFA), en alternance. Il apprend la théorie, la technique, « mais aussi la manière dont fonctionne une entreprise du secteur et comment elle peut être rentable ».

Des difficultés aux succès

En 2018, le néo artisan est heureux de son choix, mais observe des conséquences sur son quotidien. « Avant ma reconversion, je gagnais confortablement ma vie, dans une entreprise avec beaucoup de jours de vacances, pleins d’avantages… et du jour au lendemain plus rien ». Pour se reconvertir plus sereinement, Julien Alberge a mis de l’argent de côté, « mais les fins de mois tombent vite », plaisante-t-il. Au-delà de l’aspect financier, l’ancien banquier se remet en question tout au long de sa formation, et comme beaucoup d’entrepreneur, est touché par un syndrome de l’imposteur. « Je me revois sur les bancs de l’école face à des professeurs qui sont des orfèvres dans le bois et moi qui galère à côté. Je suis passé par plein de moments de doutes à me demander si, in fine, ça allait vraiment me plaire. Mais ce qui fait les bons, ce ne sont pas les temps forts, c’est la gestion des temps faibles. C’est quand ça ne va pas qu’il faut tout faire pour être résilient ».

Ces remises en question forgent l’entrepreneur : « Hormis la reconversion professionnelle, le chemin de développement personnel qui va avec est assez incroyable. » Il l’admet, cette reconversion a été difficile matériellement, humainement et psychologiquement. Et pourtant, « j’ai rarement été fier dans ma vie, j’ai toujours été un éternel insatisfait. Aujourd’hui je le suis ».

S’entourer pour s’émanciper

Après son année d’apprentissage, Julien Alberge et sa compagne décident de déménager, direction le Morbihan. L’ébéniste ne se sent toujours pas prêt à ouvrir son propre atelier et à se lancer seul dans une nouvelle région où il ne connaît personne. « C’est un métier qui ne s'apprend pas en un jour. Autant je maitrise les compétences de gestion d’entreprise, commerciale et de communication, autant à l’atelier j’avais encore des lacunes au bout d’un an ».

Le porteur de projet part à la rencontre d’artisans locaux et intègre un atelier partagé avec trois autres artisans. Ensemble, ils montent une association pour acheter outils, machines et pour prendre un bail dans un local. Tous sont indépendants, mais unissent leur force pour des projets d’envergure, avec chacun un rôle défini en fonction de leurs affinités. Naturellement, Julien Alberge occupe la fonction de responsable de la partie commerciale et communication. « On a réussi à créer un modèle où chacun profite des compétences des autres sans qu’il y ait de chef ». Ce positionnement original fait le succès de l’atelier, avec un carnet de commande rempli pour les six prochains mois et de la visibilité dans différents médias. Récemment, ils sont passés dans l’émission M comme Maison (anciennement La Maison France 5). « J’ai toujours regardé cette émission. En débutant ma reconversion, j’avais dit à ma compagne qu’un jour je passerai dedans. C’est une réussite et une reconnaissance du travail fourni », se réjouit Julien Alberge.

Trois ans après le début de sa reconversion, l’ébéniste est pleinement épanoui dans sa nouvelle vie. « J’étais banquier boulevard Haussmann, aujourd’hui je suis ébéniste dans le Morbihan. Je gère mon temps comme je l’entends, je conçois des projets de A à Z, on a des clients qui nous font confiance et j’arrive à me verser un salaire convenable, c’est un vrai bonheur ».