Comment les masters et incubateurs deeptech permettent l’évolution du secteur 

Popularisé lors de l’annonce du Plan Deeptech par le Gouvernement en 2019, le secteur de la deeptech et son évolution font partie des objectifs principaux d’Emmanuel Macron. Un souhait d’accélération des innovations de rupture qui passe notamment par le développement des incubateurs et masters spécialisés en écoles de commerces ou d’ingénieurs.  

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Deeptech Voit Big

300. C’est le nombre de deeptech créées par an depuis le lancement du Plan Deeptech par le Gouvernement en 2019. Un constat dont Emmanuel Macron s’est félicité à l’occasion du deuxième anniversaire du programme France 2030, sur le site d’Airbus à Toulouse, ajoutant que le nombre de levées de fonds dans le secteur a été multiplié par dix en dix ans. Si le bilan peut paraître encourageant, il n’est pas encore suffisant selon le président de la République. Ce dernier a notamment réaffirmé son objectif de faire émerger 500 startups deeptech par an d’ici la fin de son second quinquennat.   

Des objectifs élevés qui passent par le développement de technologies vertes, de fusion nucléaire ainsi que d’intelligence artificielle (IA) selon Emmanuel Macron. Une évolution qui peut, en partie, s’effectuer par l’union et l’accroissement d’un écosystème entrepreneurial à travers les incubateurs, accélérateurs et masters spécialisés deeptech des établissements scolaires de l’Hexagone.  

Poursuivre la démocratisation du secteur deeptech 

Avec l’objectif de faire émerger 500 deeptech par an d’ici 2027, le Gouvernement compte depuis plusieurs années sur la démocratisation de ce secteur via les grandes écoles d’ingénieurs et de commerce françaises. En effet, selon Nicolas Landrin, directeur exécutif du Centre Entrepreneuriat et Innovation à l’ESSEC, la deeptech n’a pas toujours été à la mode. « Avant de rejoindre cet établissement, j’ai évolué pendant une vingtaine d’années dans le secteur, avant même que l’on appelle ces entreprises des deeptech. Peu de gens s’y intéressaient et nous passions presque pour des farfelus. » Mais depuis, le temps a coulé et les choses ont changé, notamment grâce à la création et le développement d’incubateurs, ainsi que masters spécialistes du domaine. « L’ESSEC possède un incubateur étudiant, ESSEC Ventures, qui accompagne 160 créations de startups par an. Parmi elles, on y retrouve des lauréats I-Lab, I-Nov et Première Usine par exemple », poursuit le responsable. D’autres institutions proposent aussi des incubateurs deeptech comme au sein d’HEC ou certaines écoles d’ingénieurs à l'instar de CentraleSupélec ou l’Ecole d’Ingénieurs Généraliste du Numérique.  

Des initiatives qui permettent donc de multiplier le nombre de nouvelles deeptech par an et ainsi de donner l’occasion à des professeurs en entrepreneuriat et de stratégie aguerris, comme l’allemand Martin Kupp de l’ESCP (Ecole Supérieur de Commerce de Paris), de prendre goût à la découverte de ce secteur. « En 2018, à la suite d’une rencontre avec un physicien, je commence à m’impliquer dans la deeptech au point de cofonder Renaissance Fusion, une startup qui mise sur une technologie offrant une énergie abondante et décarbonée. » Mais ce dernier n’en reste pas là et propose en 2019 de créer le premier cours électif sur la deeptech au sein de l’ESCP afin de s’intéresser à la manière dont cet entrepreneuriat technologique prend forme. « Il est important d’inviter les futurs acteurs de ce domaine à se rencontrer le plus rapidement possible, d’où l’idée de ce cours. » Une fois leur scolarité terminée, les étudiants peuvent également rejoindre un groupe alumni centré sur la deeptech, créé par Simon Jiafeng LI, afin d’avoir accès au « bon réseau, outils et personnes. »  

Business et ingénierie, deux mondes complémentaires 

Malgré tous les dispositifs imaginés par les différents établissements à travers l’Hexagone, Martin Kupp regrette le manque de proximité entre ces derniers. « Contrairement à l’Allemagne, les établissements français se mélangent peu et ne proposent pas beaucoup de cours ou masters en commun. » En effet, l’accompagnement des startups deeptech demeure un sujet récent pour la majorité des écoles de commerce, à l’exception d’HEC qui collabore avec Polytechnique sur ce thème et monte des programmes depuis de nombreuses années. Pour pallier ce manque, CentraleSupélec et l’ESSEC collaborent depuis plusieurs années, comme l’explique Rodolphe Rosier, directeur adjoint du pôle Entrepreneuriat et responsable de l’incubateur ainsi que l’accélérateur de startup au sein de l’établissement d’ingénierie. « Nous nous sommes aperçus qu’il y avait un déficit de formation, notamment auprès des chercheurs, et qu’aujourd’hui certaines formations comme Deeptech Founders et Challenge + chez HEC par exemple, ne s’adressent pas spécifiquement aux problématiques des entrepreneurs deeptech. »  

Pour compléter les propositions de la première grande école de commerce de France, CentraleSupélec et l’ESSEC devraient dévoiler en mars prochain un dispositif destiné aux startups deeptech. Celui-ci comprend une nouvelle formation et accompagnement à l’échelle nationale. « Nous collaborons déjà depuis de nombreuses années sur des masters spécialisés sur l’IA ou l’entrepreneuriat. Tout cela résulte d’échanges sur ces sujets et rajoute une brique supplémentaire en plus de renforcer notre collaboration. » Deux formations qui se complètent étant donné les différences entre les écoles de commerce et d’ingénieur d’après Rodolphe Rosier et Nicolas Landrin, directeur exécutif du Centre Entrepreneuriat et Innovation de l’ESSEC. « Au sein d’établissement comme le nôtre, les élèves obtiennent les bases en finance et marketing et sont formés à l’entrepreneuriat. Le plus gros du travail pour nous réside dans l’accompagnement du projet, explique ce dernier. En revanche de notre côté, nous bénéficions de laboratoires de recherche en plus des technologies comme l’IA, le quantique ou les biotechnologies », poursuit le responsable de l’incubateur et l’accélérateur de startup de CentraleSupélec. 

Quel constat 5 ans après l’annonce du plan Deeptech ?  

Si les différentes écoles jouent un rôle important dans la mise en avant du secteur, le Gouvernement a aussi mis en place en 2019 le Plan Deeptech. Ce dernier a pour ambition de créer les champions économiques de demain, porteurs d’innovation de rupture issues de la recherche, et vise à accroître l'émergence de startups deeptech, assurer leur croissance ainsi que développer et renforcer l'écosystème.​ Selon Rodolphe Rosier, le secteur a connu une évolution depuis l’annonce de ce plan. « Bpifrance a notamment travaillé pour permettre, à travers des outils, l’accélération des recherches pour la deeptech en relais avec les incubateurs.» Pour le directeur exécutif du Centre Entrepreneuriat et Innovation de l’ESSEC, Nicolas Landrin, la digitalisation a permis à ce secteur d’émerger et de se structurer depuis cinq ans. « Le plan Deeptech a vraiment réussi à donner des lettres de noblesse à l’innovation scientifique. Il est maintenant acté pour la plupart des gens que si l’on veut avoir des entreprises à très fort potentiel, en particulier pour ce qui est de l’environnement, il faut des technologies de rupture. » 

Et si cette organisation profite à la deeptech, elle sert également à promouvoir l’entrepreneuriat de façon générale, d’après Nicolas Landrin. « Aujourd’hui, le rôle modèle des jeunes, c’est l’entrepreneur. Si je veux changer le monde, la meilleure des chances est de créer, cofonder ou rejoindre une entreprise ou structure afin d’être au cœur du sujet. » Un engouement tel qu’aujourd’hui une école comme l’ESSEC organise près de 80 événements par an pour ses étudiants. « Parmi eux, nous retrouvons par exemple le “pop-up startup" où notre campus se transforme en énorme pop-up store sur lequel une quinzaine de jeunes pousses viennent exposer leur projet, telles que des deeptechs spécialisées dans la cosmétique. » Une façon pour l’établissement de pouvoir accompagner plus d’une quarantaine de porteurs de projets tout au long de leur année de spécialisation.  

Emmanuel Lanoe
Emmanuel Lanoe Rédacteur Web