New Space : 5 questions à Philippe Baptiste, président du CNES

Soutenir l’écosystème du New Space français, c’est l’un des rôles du Centre National d’Études Spatiales (CNES). Philippe Baptiste, son président, revient sur le soutien que l’agence apporte aux entreprises spatiales et partage son opinion sur la course aux micro-lanceurs.

  • 12 octobre 2022
  • Temps de lecture: 5 min
PB
© CNES/PEUS Christophe, 2021

« Il y a une startup qui se crée par semaine dans le domaine du New Space !», s’exclame Philippe Baptiste, président du Centre Nationale d’Études Spatiale (CNES). Cette évolution dans le secteur est notamment due à l’arrivée de nouvelles entreprises spatiales qui sont à l’origine du New Space. Si la plupart de ces entreprises se positionnent sur l’usage des données, la métamorphose du secteur des lanceurs est aussi palpable. Une course mondiale aux micro-lanceurs (lanceurs capables de placer un objet de moins de 500 kilogrammes en orbite basse) s’organise sous nos yeux. Philippe Baptiste, président du CNES, partage sa vision sur ces micro-lanceurs et réaffirme les actions de l’agence spatiale française dans le soutien de l’écosystème français. 

Big Média : Pourquoi un tel engouement autour des micro-lanceurs, quels en sont les réels bénéfices ? 
 

Philippe Baptiste : Les micro-lanceurs sont chers « au kg emporté » et ne couvrent qu’une petite partie du marché, mais ils restent très intéressants pour plusieurs raisons. Tout d’abord, contrairement aux lanceurs lourds, la campagne de lancement dépasse rarement une semaine. Tout va donc très vite et les carnets de commandes sont moins rigides que sur les lanceurs lourds. Avec les micro-lanceurs, le client maitrise son calendrier. 
Un autre avantage, qui concerne plus les agences spatiales, est que les petits lanceurs permettent de « dérisquer » les nouvelles technologies, comme la réutilisation, que nous souhaitons utiliser sur nos plus gros lanceurs. Le CNES, l’Agence Spatiale Européenne (ESA) travaillent ensemble pour développer des briques technologiques qui seront utilisables, demain, par de nouveaux acteurs du spatial comme par les champions d’aujourd’hui. 

« Nous ferons tout pour faire émerger un nouveau champion spatial français »

BM : Pour se doter d'un micro-lanceur, la France doit-elle forcément passer par l'ESA ?  

PB : En Europe, le cadre naturel de collaboration c’est l’ESA. Le rôle de l’agence spatiale européenne est de coordonner les ressources financières et intellectuelles et d'élaborer un programme spatial européen qui est le reflet des volontés des états membres. C’est ainsi qu’est né et que s’est développé le programme Ariane. La France y est attachée. L’Allemagne a lancé deux initiatives privées, Rocket Factory Augsburg (RFA) et Isar Aerospace, en dehors du cadre classique de coopération de l’Agence Spatiale Européenne. Ces deux startups allemandes sont intéressantes et le soutien national dont elles bénéficient illustre bien que le monde des (petits) lanceurs change. Je suis convaincu que la France doit aussi participer. ArianeGroupe a ainsi lancé MaiaSpace qui bénéficie d’une très forte expertise technique, mais ce n’est pas le seul champion français ! Zéphyr, HyPrSpace, Sirius, Dark : Les projets sont nombreux. Si les autres puissances spatiales européennes veulent monter à bord, nous serons ravis de construire un projet commun. Pour le moment, nous faisons émerger un nouveau champion français dans le domaine du New Space.  

BM : La France a donc besoin d’un leader dans le domaine du New Space ?  

PB : La France a la chance d’avoir les trois plus gros industriels du spatial européen qui sont très fortement implantés sur le territoire qui sont Thalès Alenia Space, Airbus Defence and Space et  ArianeGroup. Ils disposent d’une expertise et d’un savoir-faire extraordinaire. Dans un marché en très forte croissante, nous voulons non seulement que nos champions grandissent, mais nous voulons aussi créer de nouveaux grands acteurs du spatial. Nous avons besoin du New Space et nous encourageons nos géants français à travailler main dans la main avec les startups pour qu’elles puissent apprendre de leurs expériences. Nous poussons également nos champions à créer eux-mêmes des filiales à l’exemple de MaiaSpace qui est une initiative d’ArianeGroup. La vraie question est comment soutenir l’écosystème et comment construire les champions de demain. 

BM : Justement, comment le CNES soutient-il l’écosystème du New Space ?  

PB : Je vais rester dans le secteur des lanceurs. Dans un premier temps, nous avons ouvert le Centre spatial guyanais (CSG) à de nouvelles entreprises pour qu’elles puissent faire des lancements depuis la Guyane et profiter des compétences techniques de la base. Le CNES a également investi, conjointement avec ArianeGroupe, afin que les startups du New Space puissent tester leurs moteurs à Vernon dans le département de l’Eure où ArianeSpace dispose d’une usine spécialisée dans la propulsion cryotechnique. Cela nous permet de mutualiser l’ensemble des tests français et je pense que c’est notre rôle, en tant qu’agence nationale de proposer une aide à toutes les entreprises spatiales afin de doper notre industrie. Nous finançons également de nombreuses startups via l’achat de futurs lancements. Enfin nous travaillons étroitement avec l’ensemble de l’écosystème sur France 2030.  

BM : Justement, comment travaillez-vous sur le plan France 2030 ?

PB :  France 2030 est là pour nous aider à soutenir le nouvel écosystème du New Space. Notre travail consiste à identifier les sujets prioritaires en croisant les différentes questions technologiques et le niveau de maturité des marchés. Pour cela, nous travaillons en étroite collaboration avec le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) et Bpifrance. Ensemble, nous discutons avec tous les acteurs de l’écosystème que ce soit les grands groupes, les industriels ou les startups. Ensemble nous étudions les différentes propositions. D'un autre côté, nous publions de nombreux appels d’offre afin de mobiliser le biotope du New Space.