Pollution spatiale : les solutions du New Space français

Le New Space fait face à de nouveaux enjeux s’il veut être durable : dépolluer progressivement l’espace et minimiser le risque de nouvelles productions de débris. Julien Cantegreil, fondateur et dirigeant de la startup SpaceAble et Frédéric Payot, ingénieur chez Airbus Defence and Space détaillent les enjeux et solutions pour faire face à ce nouveau défi. 

  • 29 septembre 2023
  • Temps de lecture: 5 min
pollution spatiale

 « La totalité des débris spatiaux qui gravitent autour de la Terre représente l’équivalent du poids de la Tour Eiffel, soit environ 10 000 tonnes », explique Frédéric Payot, ingénieur spatial chez Airbus Defence and Space.  À la différence de la station spatiale international (ISS) qui se trouve en orbite géostationnaire (plus de 36 000 km), ou le nombre de déchets spatiaux est relativement faible, le nombre d’objets qui circulent en orbite terrestre basse (jusqu’à 2 000 km, NDLR) ne fait qu’augmenter depuis la mise en orbite du premier satellite artificiel : Spoutnik 1 en 1957. Depuis 2015, et l'émergence du New Space au travers de projets comme OneWeb, on assiste à une explosion des appareils spatiaux.   

« Il y a eu une évolution majeure dans le secteur. On comptait environ 250 satellites en orbite en 2010. D'ici 2030, nous arriverons à près de 100 000. Ces objets en orbite basse vont à près de 28 000 km/h. Un choc ou un accident peut avoir des effets systématiques catastrophiques. Il devient urgent de s'assurer que les débris artificiels, d’ores et déjà présents, sont bien catalogués, suivis et si possible désintégrés futurs accidents qui augmenteraient encore le nombre des débris… et donc les risques d’accidents », explique Julien Cantegreil, président de SpaceAble

D'où viennent les débris spatiaux

Les débris spatiaux se constituent de différentes manières. Selon Frédéric Payot, ingénieur spatial chez Airbus Defence and Space, un déchet spatial peut être formé à la suite d’une collision entre deux objets ou bien par l’Homme, c’est-à-dire des morceaux de fusées ou des satellites en fin de vie qui ne sont pas entrés dans l’atmosphère et qui se déplacent à grande vitesse (Jusqu’à 28 000 km/h NDLR) en orbite basse. « Il y a environ 30 000 objets de plus de 10 cm qui gravitent au-dessus de nos têtes. Si l’on regarde plus attentivement, au-delà d’1 cm, on approche le million et on frôle les 130 millions de débris de taille supérieure au millimètre », détaille l’ingénieur. 

Pour Julien Cantegreil, cela met en danger les satellites mais aussi toutes les activités impliquant des humains dans l’espace, comme le tourisme spatial ou encore les humains au sol. « En fonction de leurs masses ou des matériaux avec ». Avec la multiplication des lancements des microsatellites, l’augmentation du tourisme spatial et le déploiement de méga-constellations comme OneWeb (environ 400 satellites lancés pour 650 prévus pour la première génération), Kuiper d’Amazon ou Starlink de Space X créée par Elon Musk (environ 2 400 satellites lancés pour 12000 prévus pour la première génération), les risques de collision entre deux satellites et débris n’ont jamais été aussi élevés. 

C’est pourquoi, des startups comme SpaceAble ou Share My Space cartographient les éléments inertes se déplaçant autour de la Terre. Ils aident les agences spatiales et les opérateurs de satellites, ou d’autres startups du New Space, à scanner et tracker les débris pour les éviter lors de leurs opérations. C’est une nécessité selon l’ingénieur d’Airbus Defence and Space, qui insiste sur le besoin de s’emparer du sujet afin de réussir un plus grand nombre de missions. La détection, le référencement et la prévision des trajectoires des débris s’inscrit dans le cadre de la surveillance de l’environnement spatial (ou SSA pour Space Situational Awareness), portée au niveau européen notamment par le programme EU-SST (EU Space Surveillance and Tracking). En France, les appels à projets opérés par Bpifrance « Développement de systèmes pour la surveillance de l’environnement orbital » et « Développement de systèmes pour les services en orbite » du plan France 2030, proposent également une aide financière aux projets de développement des technologies clés et des démonstrations dans ce secteur. 

Comment dépolluer l’espace ? 

Pour dépolluer l'espace, il faut d'abord repérer la position des débris. Ces informations sont aujourd'hui cartographiables grâce à deux solutions mises au point par la start-up parisienne SpaceAble : « L’International SSA Network (ISSAN)est un logiciel de traitement de données spatiales, et The Orbiter, un satellite d’inspection capable de fournir des données uniques », détaille le dirigeant de la jeune pousse. La première solution est un logiciel qui combine l’intelligence artificielle, la Blockchain et la cryptographie afin de scanner et tracker les objets de l'espace "proche" et améliorer ainsi la gestion du trafic spatial. 

En 2021, à l’occasion de la 4e édition du Forum de Paris sur la Paix, des acteurs du monde entier ont lancé l’initiative Net Zero Space, dont SpaceAble est membre du Steering Committee afin d'inciter à, « une utilisation durable de l'espace extra-atmosphérique au profit de l'ensemble de l'humanité d'ici 2030 », selon un communiqué de presse. Cette initiative qui fait écho à la loi mise en place en partenariat avec le Centre National d'Etudes Spatiales (CNES) au début des années 2000, obligeant les opérateurs français à rapatrier, dans les 25 années suivant la fin d’une mission, tous les satellites présents dans l'atmosphère.

Entre 2018 et 2019, Airbus Defence and Space s'était déjà prêté à l'exercice de “nettoyage” de l’espace avec la mission “RemoveDEBRIS. Cette dernière grâce à la start-up suisse ClearSpace. « Adrios, le dernier projet mené par l'Agence spatiale européenne (ESA) a pour objectif de retirer le dernier étage d'une fusée qui gravite depuis 2013 à environ 650 km d'altitude. » Une mission qui n'implique pas encore d'équipe française, selon Frédéric Payot. Raison pour laquelle les acteurs hexagonaux du New Space semblent avoir un nouveau rôle à jouer dans la dépollution spatiale. 

La France, une terre d’innovation pour le New Space ? 

« Il faut que la France soit un pays d'innovation pour les solutions de dépollution de l'espace », affirme le dirigeant de SpaceAble. Si notre pays ne compte pas encore de licorne dans le domaine du New Space, les deux experts assurent que ce nouveau marché de la dépollution spatiale est un terrain fertile pour des révolutions technologiques et de marché. « La France a une industrie spatiale qui est traditionnelle. Elle comptabilise », explique Julien Cantegreil. 

Pour l'ingénieur d’Airbus, l'avenir du secteur repose sur une « plus grande scalabilité » afin de permettre un développement industriel des entreprises du New Space. L'expert note également l'importance de favoriser la croissance des entreprises françaises du secteur afin qu'elles puissent répondre aux différentes demandes des régisseurs français et européens. Ce développement permettrait, non seulement la naissance d’un leader français dans le domaine, mais également à notre pays d'obtenir une place plus importante sur la scène spatiale internationale.