L’usage de l’intelligence artificielle générative (Gen IA) dans les industries culturelles et créatives

A l’occasion de l’événement dédié aux industries culturelles et créatives (ICC), We Are French Touch, les professionnels du secteur directement concernés par l’arrivée de l’IA générative ont partagé leur point de vue lors d’une table ronde.

  • Temps de lecture: 5 min
IA Generative we are french touch

Musique, photographie, cinéma, mode, art et patrimoine… L’intelligence artificielle générative (Gen AI) a déjà fait irruption dans tous les secteurs de la French Touch. Principalement connue pour générer ou modifier des images instantanément, monter des vidéos en un claquement de doigts, ou encore prêter la voix d’artistes sur des pistes audio d’autres chanteurs, cette nouvelle technologie est au cœur de nombreuses questions et interrogations entre les professionnels du milieu de la culture.  

Ce 21 novembre, ils s’étaient donné rendez-vous à la Maison de la Mutualité, lieu emblématique du cinquième arrondissement parisien, pour mettre à l’honneur la créativité française. Animée par la Responsable Bpifrance des ICC, Johanna Tircazes, une table ronde s’est notamment tenue en salle Grand Angle pour aborder les défis liés à l’implémentation de l’IA générative pour la création de contenus. Passage en revue des opportunités et défis posés par la Gen AI appliquée à la culture, selon ces experts. 

L’intelligence artificielle générative, une technologie pas si récente… 

« L’intelligence artificielle existe en réalité depuis plus de 75 ans. Pourtant, on en entend vraiment parler depuis 2017 avec l’avénement de l’IA générative ». Voilà une belle entrée en la matière de l’avocat Adrien Basdevant, spécialiste des technologies avancées et membre du Conseil National du Numérique. Des faits confirmés par sa voisine Mélanie Lopez Malet, data scientist chez Ubisoft, qui précise en effet que « la continuité de ces technologies est perçue comme une innovation de rupture par la société, alors que les experts parlent de machine learning (apprentissage automatique, NDLR) depuis un moment déjà ». 

Ce qui change réellement, selon l’experte en traitement de données, c’est avant tout la prise en compte de paramètres, toujours plus nombreux dans la confection d’algorithmes. « Le langage humain est très complexe, il faut anticiper de nombreux facteurs conversationnels pour créer une machine capable de répondre à des prompts humains », détaille la jeune femme. Elle n’hésite d’ailleurs pas à parler d’anthropomorphisme : dans le cas de l’intelligence artificielle, attribuer des caractéristiques humaines à des logiciels. « Converser avec un personnage de jeu vidéo ultra réaliste peut aller jusqu’à semer le doute chez les joueurs », explique Mélanie Lopez Malet. Une vision partagée par les autres conférenciers, dont eux aussi ont connu l’arrivée de l’IA dans leur métier. 

… Mais déjà bien implantée 

Pour Michael Turbot, responsable de la stratégie et promotion des technologies « Music, Audio et AI » chez Sony Music, l’usage de l’intelligence artificielle n’est en effet pas une nouveauté. Dans son quotidien de « dénicheur de pépite », il aborde l’usage qu’en ont aujourd’hui les musiciens. « Comment rendre ces nouvelles interactions entre machine et humain pertinentes ? C’est une nouvelle expertise qui ne pourra qu’être technique et qui accompagne déjà les artistes à trouver un autre angle créatif. C’est une sorte de boîte à outils », analyse l’expert. Il révèle par ailleurs que cette avancée technologique a permis notamment l’élaboration de morceaux ou sonorités inédites, comme refaire vivre les voix de chanteurs ou styles musicaux oubliés. 

De son côté, la fondatrice de la plateforme Docent, Hélène Nguyen-Ban, s’enthousiasme des avancées que lui ont permis la Gen AI. Pendant le confinement, cette historienne de l’art développe main dans la main avec des scientifiques l’application Docent, décrite comme le « Tinder de l’art contemporain », pour mettre en lumière des artistes parfois méconnus auprès d’un public pouvant être novice. « Grâce à cet algorithme ultra travaillé avec l’intelligence artificielle générative, il est plus facile de laisser de la place aux jeunes pépites, contrairement à de nombreuses plateformes basées sur les préférences des utilisateurs », témoigne la jeune femme. L’IA générative comme nouvel outil de création pour les artistes oui, mais à condition d’encadrer cette technologie hors norme. 

Vers un changement de paradigme : d’un sujet tech à un sujet de société 

« A quel point va-t-on devoir afficher qu’une donnée a été générée par intelligence artificielle ou non », interroge Adrien Basdevant. Avec la multiplication des data dites « de synthèse » dans les années à venir, la tâche est complexe. Pour tenter d’apporter une réponse, l’avocat associé chez Entropy préconise de regarder les usages ou outils communs qu’offre la Gen AI plutôt que de fonctionner au cas par cas. « Nous devrons garder en tête que le raisonnement doit être économique », poursuit le jeune homme, tout en questionnant la valeur des contenus générés automatiquement.  

Avec l’immensité des paramètres existants dans les algorithmes d’IA, la question semble légitime. Le mérite revient-il au développeur ayant permis à un tel logiciel d’exister, ou à l’utilisateur ayant passé des heures interminables jusqu’à obtenir un rendu unique ? « Ce qui est primordial, c’est d’inclure les profils créatifs dès l’implémentation de ces outils », abonde la data scientist chez Ubisoft, Mélanie Lopez Malet. « Il faudra nécessairement faciliter les espaces de discussion, tant sur l’aspect règlementaire que sociétal », conclut Adrien Basdevant. 

 

 

elc
Emma-Louise Chaudron Rédactrice Web