Les solides : ces cosmétiques vertueux qui séduisent toujours plus les Français

Gel douche en bâtonnet, shampoing en galet, dentifrice en pastille… Ces nouveaux formats ont envahi les salles de bains et intégré les routines beauté et hygiène de millions de Français. Comment expliquer ce succès – et va-t-il durer ?

  • Temps de lecture: 4 - 5 min
cosmetique solides

En matière d’innovation, le secteur de la beauté et de l'hygiène n’a rien à envier à la tech. Afin de satisfaire les attentes des utilisateurs, toutes générations confondues, tout en répondant à l’urgence climatique qui n'épargne aucune industrie, les acteurs du bien-être se doivent de constamment faire évoluer leurs formats et formulations. Et malgré la baisse du marché observée pendant la crise sanitaire, un nouveau segment s’est nettement détaché de cette tendance en berne : celui des cosmétiques solides. Shampoings, pains lavants, dentifrices à croquer, beurres en galet… Ces nouveaux produits compacts ont su se faire une place dans les enseignes spécialisées comme dans les rayons des supermarchés.

Une croissance qui n’aurait rien d’éphémère. « Il ne s’agit plus d’une tendance mais d’un véritable marché, établi durablement », analyse Pascale Brousse, experte beauté et bien-être, fondatrice du cabinet de consulting Trend Sourcing. Comme elle le rappelle, certains de ces formats, les shampoings notamment, existaient déjà depuis quelques temps, mais ne parvenaient pas vraiment à décoller. Tout change d’abord en 2015 suite aux prises de conscience via la COP21 (les ventes de Lamazuna et de Pachamamaï ont alors décollé), puis en 2019 avec l’apparition de marques telles qu’Umaï ou Respire. Les formules proposées apportent davantage de sensorialité et d’efficacité et remportent ainsi de plus en plus de suffrages auprès des consommateurs, également à la recherche de produits plus respectueux de l’environnement et plus sains. L’offre des solides s’étoffe, se diversifie et ne tarde pas à se renforcer grâce aux marques traditionnelles pour finalement atteindre, selon Kantar, un chiffre d’affaires de 85,5 millions d’euros (de novembre 2021 à octobre 2022) en France.  

Démocratiser le solide sans bousculer les habitudes 

S’il connaît une croissance indéniable, le cosmétique solide ne fait pourtant pas nécessairement l’unanimité. Certes, les savons sont utilisés depuis des siècles, mais leurs équivalents liquides, introduits dans les années 70, ont rapidement gagné les faveurs des consommateurs, au point de s’ancrer solidement dans leur routine d’hygiène. C’est pour faire rimer « habitudes » avec « économies » (d’eau, d’énergie, de plastique et de place, tout au long de la chaîne) que la start-up française 900.care a développé l’un de ses produits phares : un bâtonnet solide permettant, une fois mélangé à de l’eau du robinet, de reconstituer un gel douche. « On garantit ainsi la même expérience au consommateur, explique Aymeric Grange, co-fondateur avec Thomas Arnaudo de la marque. On ne garde que les ingrédients actifs en poudre qui sont ensuite compactés. » 

Pour que la fabrication de leurs produits ne fasse jamais intervenir d’eau – ingrédient principal des gels douche, rappelons-le – les créateurs de 900.care ont dû procéder à de nombreux essais. « On a dû tout inventer, y compris le procédé industriel », se souvient-il. L’objectif : proposer des solutions intermédiaires entre liquide et solide pour toucher le plus grand nombre. Il était également impératif pour les deux associés de maintenir une gamme de prix accessible afin de ne pas créer de barrière budgétaire. « Notre hygiène ne doit pas se faire aux dépens de la planète, et la rendre plus vertueuse ne doit pas être réservé aux CSP+ », estime Aymeric Grange. Une stratégie payante puisqu'entre janvier 2022 et juillet 2023, la marque qui fonctionne par abonnement est passée de 6 000 à 70 000 adhérents.  

En plus de ses bâtonnets, la jeune pousse tricolore lance un déodorant en stick rechargeable, des pastilles de dentifrice à croquer, suivis par du shampoing et une mousse pour les mains reconstituables, et, plus récemment encore, des produits ménagers (produit vaisselle solide ou à reconstituer). Selon l’experte Pascale Brousse, ce dernier marché peut d’ailleurs être tout aussi prometteur que celui de la beauté, avec des consommateurs très demandeurs de solutions plus écologiques (solides, recharges, poudres, etc.) pour entretenir leur maison. 

Le shampoing, véritable roi des cosmétiques solides  

Si l’on écarte le traditionnel savon, dont l’offre a toutefois aussi évolué avec une adhésion croissante, le shampoing reste l’acteur incontesté de la montée en puissance des cosmétiques solides. Selon Kantar, 7,5 % des Français ont acheté au moins un produit solide en 2021 ; et si dans leur panier les savons étaient majoritaires, les soins pour cheveux arrivaient juste derrière, avec une part de 13 % – en nette augmentation depuis 2019 (+6,5 points de part de marché).  

C’est sur cette voie que L’Occitane en Provence, déjà très établie sur le marché du savon, se dirige naturellement en lançant en 2019, les versions solides de ses shampoings. « Nous travaillions sur ce type de produit depuis de nombreuses années, indique Marie Videau, directrice de la recherche et du développement. Nous avons longtemps planché sur les formulations afin de garantir notamment cet effet moussant que les consommateurs recherchent, sans sulfates ou silicone et en utilisant un minimum d’eau. » Comme chez 900.care, la fabrication des produits se fait par compression et non pas par saponification, bien que la marque provençale se soit aussi appuyée sur son savoir-faire historique.  

« Nous avons cette approche de “clean beauty” qui consiste à n’avoir que les ingrédients utiles dans nos produits, poursuit-elle. Cela nous permet de proposer des produits solides concentrés, sur une base intégralement active, qui sont très efficaces et permettent plus d’utilisations que leurs équivalents liquides. » Si la question environnementale est indéniablement liée à l’adoption grandissante du solide, le premier argument reste en effet celui des composants. « Les utilisateurs veulent aujourd’hui des produits sans conservateurs et sans allergènes, confirme Pascale Brousse. Avec leurs formules optimisées, ces shampoings et les solides en général, répondent parfaitement à ce besoin d’une routine beauté plus simple et plus saine. » 

Quel avenir pour les cosmétiques solides ? 

En complément de sa gamme de shampoings et d’après-shampoings, L’Occitane en Provence souhaite agrandir son offre solide et s’apprête à sortir un nouveau produit pour le visage. « Même si les solides ne représentent qu’une petite part de nos ventes, notre but est de faire coexister différents formats pour que le consommateur ait le choix », développe Marie Videau, ajoutant que la R&D s’applique aussi à innover sur tous les autres segments pour les rendre plus vertueux. 

« Les petites et grandes marques vont elles aussi coexister sur le marché, prévoit Pascale Brousse, experte beauté et bien-être. Elles ont toutes joué un rôle déterminant dans le triomphe et l’accessibilité des solides. » D’un côté, de nombreuses startups ont contribué à éduquer les consommateurs et à les sensibiliser aux enjeux environnementaux et sanitaires, et de l’autre, les entreprises établies ont, elles, permis de faire baisser les prix des fournisseurs de matières et des produits par extension, ouvrant la porte à d’autres jeunes sociétés souhaitant se lancer sur le marché. « Et cette croissance a également attiré les investisseurs », note l’experte.  

Si la profusion de nouveaux arrivants, et les exigences de compétitivité qui en découlent, ont malheureusement entraîné la disparition de plusieurs marques, Pascale Brousse en est certaine : le solide va poursuivre son ascension et rester durablement. Pour elle, ce sont les soins du visage qui vont créer un nouveau rebond du segment : « Si les marques parviennent à trouver des formules aussi efficaces, avec la même simplicité d’utilisation et la même sensorialité que les shampoings, alors on peut très facilement prédire la même croissance que ces derniers. » D’autres formats vont aussi trouver leur place, comme les pastilles ou les poudres, qui tiennent aussi bien leurs promesses que leurs équivalents solides ou liquides. Jusqu’aux emballages, les cosmétiques se refont ainsi une beauté, s’éloignant peu à peu des superflus pour se concentrer sur l’essentiel, au grand bonheur des consommateurs et de la planète.

logo big média
Big média Rédacteur web