Tiny House : Parcel, la startup qui fait se rencontrer agriculteurs et voyageurs engagés

Répondre au besoin grandissant de nature pour les citadins tout en permettant aux agriculteurs de bénéficier de nouvelles sources de revenus : c’est l’objectif de Parcel, une startup bordelaise qui propose depuis 2019 des tiny houses éco-responsables au plus proche des agriculteurs et de leurs savoir-faire.

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Découvre, partage, respire. Contrairement à certaines idées reçues, il n’est nul besoin de partir à l’autre bout du monde pour profiter d’une nature luxuriante et partager des moments uniques. En tout cas, c’est la conviction de Géraldine Boyer, la co-fondatrice de Parcel, des tiny house (des petites maisons nomades) éco-responsables installées sur les terres d’agriculteurs. « Le but c’est d’aider les voyageurs à découvrir un savoir-faire par le biais d’expériences immersives, détaille l’entrepreneure. Ils auront l’opportunité de s’essayer à la traite dans l’une des dernières fermes de brie bio du 77 ou de s’initier à la permaculture près de Deauville ».  

Mais loin de ne vouloir répondre qu’au besoin de nature et de « craftérisation » (le retour aux codes traditionnels et aux valeurs de l’artisanat) des citadins, Parcel a surtout pour vocation de mettre un coup de projecteur sur la richesse du savoir-faire de nos agriculteurs tout en leur apportant un revenu supplémentaire.  

Valoriser des Hommes et des savoir-faire 

Si la profession agricole est plus que jamais une vocation, force est de constater que nos paysans sont de plus en plus nombreux à rencontrer des difficultés à joindre les deux bouts. Selon un rapport publié en 2021 par l’Insee, leur activité ne représente qu’un tiers de leurs ressources annuelles (17 700 euros net en moyenne, sur un total de 52 400 euros). Résultat : près de 18 % des ménages d’agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté, contre 13 % exerçant une autre profession. « En 2019, j’entendais de plus en plus parler du débat autour de la rémunération des agriculteurs. Pour endiguer le problème, nombre d’entre eux s’étaient alors tournés vers une diversification de leur activité en proposant de l’hébergement, mais peu maitrisaient assez les codes de ce métier pour l’exercer de manière optimale », déplore Géraldine Boyer.  

Fraîchement revenue de dix ans d’expatriation entre l’Australie et l’Asie, la jeune femme – tout comme ses futurs clients – est en mal du terroir français. Le bon, le vrai, le généreux. Pour autant elle vit son retour dans la capitale comme un véritable électrochoc. Le bruit, le béton, l’absence de contact humain… et surtout la privation de nature. Ni une ni deux, Geraldine Boyer referme sa valise et déménage à Bordeaux avec l’idée de « faire redécouvrir nos régions et nos savoir-faire, jusqu’alors très peu valorisés ».  

Un tourisme rural basé sur une rémunération juste des agriculteurs 

Une fois sur place, l’entrepreneure affine son projet et élabore un concept autour de tiny houses : des micromaisons imaginées dans les années 2000 par l’architecte américain Jay Shafer. Un choix qui n’a rien d’anodin puisque ces petites structures, facilement transportables, peuvent être installées et désinstallées en quelques heures et – dans le cas de Parcel - sans réel impact sur l’environnement. « Et de fil en aiguille nous avons réussi à développer un projet porteur de sens autour du tourisme rural et de la redécouverte du terroir en pleine nature. Le tout en partenariat avec des entrepreneurs qui perçoivent une rémunération juste », résume la jeune femme. Un projet à la croisée des chemins entre le secteur de l’hébergement insolite, celui de l’agrotourisme, et le marché du tourisme responsable.  

« J’ai commencé par cibler des vignerons indépendants et c’est comme ça qu’on a rencontré la première viticultrice à nous avoir soutenus et à s’être impliquée dans le projet », se rappelle l’entrepreneure. En pratique, rien de bien compliqué pour les agriculteurs, Parcel se charge des démarches administratives de A à Z : de la définition du projet jusqu’aux rendez-vous avec la mairie pour présenter l’hébergement. Parcel s’occupe également de la promotion de la tiny house, de la vente des séjours et de la relation avec les clients. « Les agriculteurs partenaires perçoivent une commission sur chaque nuitée, que ce soit pour l’hébergement ou les extras, c’est-à-dire la viande à griller proposée par le domaine, le petit-déjeuner fait maison avec les produits laitiers de la ferme ou la planche de fromage pour l’apéro. Avec tout ça ils peuvent gagner entre 5 et 11 000 euros par an et par tiny house installée », affirme la fondatrice.   

Des habitations respectueuses de la terre des agriculteurs  

Démocratisées dans le courant des années 2000 suite à une crise du logement sans précédent aux États-Unis*, les tiny houses connaissent aujourd’hui un nouvel élan grâce à l’arrivée des millennials, puis de la génération Z (GenZ) dans la vie active. Plus engagés que leurs ainés et à la recherche de sens dans leur travail comme dans leurs loisirs, ces jeunes actifs se sont naturellement tournés vers le slow tourisme pour (re)découvrir leur territoire.  
« Il y a beaucoup d'avenir pour ce marché et plus largement dans le secteur de l'éco-toursime, affirme Géraldine Boyer. Quand on a lancé Parcel, on devait constamment expliquer ce qu’était une tiny house. Trois ans plus tard, le concept c’est largement développé. Rien qu’en termes de recherche sur Google, la progression est incontestable. » D’autant plus que le secteur offre une alternative plus durable aux habitations traditionnelles. Au sein de l’entreprise, toutes les tiny houses sont des hébergements écoresponsables, puisque construites en bois éco-sourcé dans des forêts gérées de manière durable. « Nos maisons fonctionnent en autonomie pour l'électricité et l'eau, et nous utilisons des toilettes sèches, sans sciure, made in France, faites par un ingénieur français. Cela permet d’avoir un système de compost direct ». Montées sur roues, elles sont 100 % mobiles et peuvent être facilement déplacées sans laisser d'impact sur le terrain de l'agriculteur. Pour une nuit dans l’une des tiny houses Parcel, il faudra donc compter 119 euros. Un prix qui variera bien sûr en fonction du nombre de voyageurs. 
 
Si les tiny houses de la startup séduisent de plus en plus de citadins en mal de nature, le modèle d’origine a cependant dû évoluer pour répondre à une cible très particulière : les familles. « Nos tiny houses doivent faire moins de 3.5 tonnes afin de rester transportables. Mais malgré cette contrainte, on a quand même réussi à les faire évoluer d’un habitat conçu pour 2 adultes à une maison pouvant accueillir une famille de cinq, soit deux adultes, deux enfants et un bébé », note la co-fondatrice.  
Cependant, pour que le modèle achève de s’installer dans les habitudes des voyageurs, il nécessitera de s’adapter encore plus à ces derniers. Pour le moment, aucune tiny house française n’est accessible aux personnes souffrant de handicaps et ce malgré l’ébauche de plusieurs projets outre-atlantique. Une évolution réalisable selon la dirigeante, qui note cependant que cela ne sera pas sans certains défis techniques. « Une tiny house PMR (Personne à Mobilité Réduite NDLR) c’est possible, mais cela reste très compliqué car on est quand même contraints au niveau de la dimension de nos logements ». Gage donc aux constructeurs de tiny houses d’innover pour s’ouvrir à une autre cible. « Je pense également qu’il y a beaucoup de choses à imaginer notamment autour de la domotique dans les logements, l’électricité à distance, la consommation, etc.», complète-t-elle. 

Agriculteurs et voyageurs engagés 

En parallèle de sa démarche environnementale, Parcel s’engage à éduquer ses voyageurs au respect de l’environnement, et les invite notamment à consommer de manière plus raisonnée pendant leur séjour. « Ce qui est commun à tous nos voyageurs, c'est leur curiosité. Ça peut donc aller des jeunes parents qui ont envie de faire découvrir à leurs enfants des métiers artisanaux, à un couple en quête de sens et de contact humain, en passant par des retraités qui ont envie de bousculer leur quotidien et prendre du temps pour eux ». Une particularité que l’on retrouve également chez les agriculteurs partenaires de la startup.  
« Vous verrez qu’il y a une vraie cohésion dans la famille Parcel. On a des profils divers et variés, mais qui ont tous deux points communs. Le premier c’est qu’ils sont engagés dans une démarche environnementale positive et le second, c'est qu’il y a un contact humain prédominant dans leur démarche », souligne Géraldine Boyer. Un état d’esprit qui se recoupe avec l’ADN de l’entreprise : mettre la rencontre humaine au cœur du projet, en créant des opportunités authentiques d'interaction et d'échange entre les voyageurs et les agriculteurs.  

Si à l’origine Parcel prospectait activement auprès des vignerons, maraîchers ou éleveurs laitiers sur tous les territoires, aujourd’hui la renommée de l’entreprise semble avoir inversé la tendance puisque ce sont les agriculteurs qui contactent l’entreprise pour se joindre au projet. « On a tellement de demandes qu’il y a de moins en moins de prospection à faire et c'est nous qui sélectionnons les destinations et surtout les profils des agriculteurs avec qui nous souhaitons travailler ».  
A date, 28 tiny houses sont disponibles sur tout le territoire et une dizaine d’autres le seront dans les prochains mois. Et non-contente de se développer rapidement en France, l’entreprise lorgnerait également sur nos voisins européens. « Je pense que c'est un concept qui peut largement se dupliquer et fonctionner à l'étranger, car tous les pays ont un savoir-faire et une gastronomie à faire découvrir » conclut la jeune femme.  

*Entre 2005 et 2007, l’ouragan Katrina et de la crise des subprimes impactent fortement le parc immobilier et contribuent à la flambée des prix du logement  

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Mélanie Bruxer Rédactrice web