La Firme : l’histoire de deux rappeurs et d’un enseignant-chercheur devenus entrepreneurs 

Gilson Soares, Tarik Chakor et Zino Said sont Marseillais, fans de rap et surtout entrepreneurs. A travers leur agence La Firme, ils accompagnent et conseillent les annonceurs dans leurs relations auprès d’artistes de la culture pop urbaine et inversement. Découverte d’une aventure entrepreneuriale et amicale.  

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« La firme n’aurait jamais vu le jour sans notre complémentarité », confie Tarik Chakor, co-fondateur de la jeune agence marseillaise dédiée à la création de projets entre artistes et marques. Lui, vient du milieu universitaire et s’est longtemps spécialisé en économie et gestion dans les industries culturelles et créatives. Ses deux amis et associés Gilson Soares et Zino Said, sont quant à eux deux ex-artistes de la scène rap, membres du groupe « Révolution urbaine ».  

Sur le papier, rien ne laissait donc présager que ces trois marseillais deviendraient bientôt la seule agence française faisant le lien entre les artistes rap, leurs projets et les marques. Et pourtant… sans s’en rendre comptent, les trois compères ont rapidement découvert les ponts qui pouvaient exister entre leurs parcours professionnels et l’entrepreneuriat.  

Les deux premiers sont des mordus de rap et de culture urbaine… 

Pour ce qui est de Gilson Soares et Zino Said, business et musique ont rapidement joué de concert dès leur plus jeune âge. « Du côté de mon père, je viens d'une famille de musiciens passionnés », affirme Gilson Soares. « Et du côté de ma mère, ce sont des commerçants ». Tout comme la famille de Zino Said. C’est donc sans surprises qu’à l’adolescence les deux amis commencent à écrire leurs premiers textes. Quelques années plus tard, Zino Said à l'opportunité d'intégrer la Maison des jeunes et de la culture de Marseille, où on lui donne accès au saint graal pour un jeune rappeur : un studio d'enregistrement. Ni une ni deux, il y convie Gilson Soares et deux autres acolytes, La Mèche et Makiavel (de leurs noms de scène). Ensemble, ils montent le groupe « Révolution urbaine » en 2005.
Quatre ans plus tard le groupe signe son premier contrat dans le label du rappeur Soprano. Une consécration. « Ça nous a vraiment permis de nous professionnaliser. On a rencontré pas mal de monde et cette expérience nous a surtout donné l’opportunité d’observer et comprendre comment fonctionnait l'industrie de la musique ». Cependant, les artistes vont rapidement devoir affronter un problème de taille : la crise du disque qui fait rage dans le courant des années 2000. « Considéré par beaucoup comme une sous-culture, le rap a énormément souffert pendant cette période et n’était que très peu représenté », relate Gilson Soares, président et co-fondateur de La Firme.   

En 2015, les quatre rappeurs marseillais décident de mettre fin à leur groupe, et chacun part de son coté, « même si on gardait dans un coin de notre tête l’idée de retravailler ensemble d’une manière ou d’une autre », rappelle Gilson Soares. Animés par la volonté d’entreprendre, Gilson Soares et Zino Said se retrouvent quelques mois plus tard et lancent la marque Mademoiselle veut. Dans leur nouveau rôle de chefs d’entreprise, les deux amis se forment aux rouages du marketing et s’appuient progressivement sur les outils de promotion de marque. « A l’époque on avait la chance d’avoir des pages Instagram qui permettaient de faire de la pub pour seulement cinq euros », se rappelle l’entrepreneur. 
En parallèle de cette activité, Gilson Soares et Zino Said observent un engouement croissant pour la culture rap outre-Atlantique, « on voyait de plus en plus de collaborations émerger entre rappeurs et griffes, à l’image de ce que Reebok (marque de chaussure streetwear) avait fait avec l’artiste Jay Z ». Fort de ce constat, les Marseillais décident de suivre le filon en s’appuyant sur un atout non négligeable dans ce secteur : leur réseau. « Et c’est là que j’arrive ! », lance Tarik Chakor ! 

...l’autre est un enseignant chercheur en manque de challenge 

Avec son parcours d’universitaire, son doctorat et son statut d’enseignant-chercheur à l’université d’Aix Marseille, Tarik Chakor est alors à des années lumières de l’industrie musicale. Pourtant, quand Zino Said et Gilson Soares lui pitch leur projet : la magie opère.  
« Je connais Tarik depuis l’enfance puisqu’il est un très bon ami de mon grand frère. Donc j’ai naturellement pensé à lui quand nous avons eu besoin d’un coup de pouce dans notre projet », se rappelle Gilson Soares. L’enseignant-chercheur écoute et analyse le projet des deux amis afin de les aider à le structurer et à peaufiner le business plan et le modèle économique de l’entreprise. Et de fil en aiguille, les voilà associés et créateurs de la SAS La Firme : une agence proposant accompagnement et conseil aux annonceurs afin de faciliter leurs collaborations avec les artistes de la culture pop urbaine dans le but de créer des campagnes artistiques, créatives et conversationnelles.  

« Au début, de manière très pragmatique, en tant que fonctionnaire, je ne savais même pas si j'avais le droit de cumuler mon job avec une autre activité», confie Tarik Chakor. Mais le conférencier aime les challenges et se prend de passion pour ce secteur aux antipodes de sa vie universitaire. « Jusqu’alors, j’avais plutôt l'habitude de croiser des chercheurs et des étudiants, et en un claquement de doigt, je me suis retrouvé en studio avec Alonzo ou Soprano ». Un nouveau parcours et surtout des cas pratiques inédits qu'il n'hésite pas à partager à ses étudiants. « Toute la journée je leur parle de stratégie d'entreprise ou de marketing, donc mettre les mains dans le cambouis et voir une négociation telle qu'elle se passe, c'est hyper enrichissant pour mes cours ».  

« Qu’il s’agisse de Soprano ou d’Akhenaton, ce sont des personnes qui viennent du même milieu que nous, mais qui ont quand même réussi »  

Et loin de souffrir d’un syndrome de l’imposteur suite à ce grand écart, Tarik Chakor est fier de pouvoir valoriser cette nouvelle expertise en menant, par exemple, une conférence TEDx sur le rap comme source d'inspiration. Pour autant, tous les membres de la Firme n’ont pas vécu ce nouveau statut de chef d’entreprise de la même manière. « Que ce soit Zino ou moi, on a arrêté l’école assez tôt, juste après le BEP (Brevet d'études professionnelles, NDLR)», partage Gilson Soares, « donc forcément on n'avait pas le même bagage professionnel que d’autres, ce qui pouvait parfois être déstabilisant en rendez-vous business. En revanche, notre chance c’est d’avoir grandi avec beaucoup d'exemples de gars qui ont monté leur structure. Qu’il s’agisse de Soprano ou d’Akhenaton, ce sont des personnes qui viennent exactement du même milieu que nous, qui n’ont pas forcément fait de grandes études mais qui ont quand même réussi ».  

D’abord considérés comme des ovnis par les grands acteurs du secteur, les trois co-fondateurs se sont rapidement imposés comme des facilitateurs entre artistes et marques. Il faut dire qu’avec une connaissance accrue de la scène musicale française (pour Gilson Soares et Zino Said) et un sens aigu du business et de la stratégie commerciale (pour Tarik Chakor), annonceurs comme artistes peuvent parler le même langage.  
Après quatre ans de collaboration fructueuse avec des projets pour des marques telles que Lacoste, Deezer, Prime Vidéo, Samsung ou GQ, les trois amis poursuivent le développement de la Firme afin de créer de nouvelles branches qui viendront nourrir l’entreprise. « A terme on aimerait aussi proposer un service de production afin d’accompagner les marques qui peuvent avoir des besoins en ce sens et ainsi créer une campagne du début à la fin », conclut Gilson Soares. 

 

 

 

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Mélanie Bruxer Rédactrice web