Azul Cosmétique, la biculture au service de l’entreprenariat

La diversité culturelle est un atout inestimable pour les entrepreneurs qui envisagent de s'étendre à l'international. Parmi les quelque 145 000 exportateurs français, certains, de par un héritage familial, baignent dans une double culture. C’est le cas de Kevin Manson et Saloi Djedid, le couple fondateur de la marque franco-algérienne Azul Cosmétique. 

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Azul Cosmétique produits cosmétiques naturels

La biculture se réfère à la capacité d'une personne à naviguer et à comprendre deux cultures différentes de manière compétente. Selon l’écrivain et conférencier américain, Malcolm Gladwell dans son ouvrage Half and Half, les individus biculturels ont une expérience significative et une compréhension profonde de deux univers distincts, souvent en raison de leur origine ethnique, de leur éducation, de leurs expériences de vie, ou de leur travail dans des environnements culturellement différents. Cela implique souvent, entre autres, la maîtrise des coutumes, des valeurs, des traditions et de la langue. 

Les personnes biculturelles peuvent donc en principe passer facilement d'une culture à l'autre, s'adapter aux normes et aux attentes de chaque contexte, et communiquer efficacement avec des individus issus de ces différents horizons. Kévin Manson et Saloi Djedid, tous deux français d’origine algérienne, reviennent pour Big média, sur la genèse d’Azul Cosmétique et ce lien étroit entre la volonté d’entreprendre et de faire de sa biculturalité, une force.  

Une affaire familiale répondant à une quête de sens 

Après plusieurs années à travailler dans le marketing, c’est en 2022 que le couple décide de lancer sa marque de cosmétiques à base de produits naturels algériens. Si l’envie d’entreprendre saisit plus facilement le cofondateur d’Azul Cosmétique, la jeune femme, elle, reste plus réticente au départ. « Je n’ai jamais eu l’envie d’entreprendre pour entreprendre, il fallait que cela ait du sens pour moi. C’est Kevin qui a ensuite fait le lien avec l’Algérie », déclare-t -elle. De plus en plus soucieuse de la composition de ses produits cosmétiques, et intéressée par des alternatives beaucoup plus naturelles, la cofondatrice propose alors de mettre à profit ses connaissances en la matière pour lancer ce qui deviendra une réelle aventure familiale. 

La mère de la jeune femme, « un puit sans fond de savoirs en termes de plante et de végétaux », comme aime la décrire son gendre, inspire beaucoup le duo dans la création d’Azul Cosmétique. Avec comme leitmotiv de perpétuer des héritages et des rituels de beauté ancestraux généralement transmis de mères en filles, les deux entrepreneurs en devenir se lancent à la conquête de la scène internationale. 

Quel lien entre biculture et exportation de son activité ?

Existe-t-il un rapport entre biculture et volonté d’exporter son activité ? C’est la question posée aux fondateurs d’Azul Cosmétique.

Pour lui, né de père algérien et de mère française, exporter en Algérie sert une quête personnelle d’identité. « Mon père n’a joué aucun rôle dans la transmission de sa culture algérienne. Surement par assimilation à la culture française. Même en n’étant jamais allé en Algérie, j’y étais très attaché, notamment par le biais de mes amis qui, eux, incarnaient réellement cette culture, comme ma femme. » explicite le jeune entrepreneur. Effectivement, pour la co-fondatrice d’Azul Cosmétique, c’est un peu différent, la volonté de se rapprocher de ses racines se fait forte, elle qui baigne dans sa culture algérienne depuis petite « Pour ma part, j’y allais tous les étés, toute ma famille y est, ça me tenait énormément à cœur de mettre en valeur le terroir de ce beau pays ». 

Lorsque l'on se lance dans l'aventure entrepreneuriale, la question cruciale du développement de son entreprise sur le marché domestique ou la volonté de s'étendre à l'international se pose naturellement. Cette décision délicate peut varier en fonction du secteur d'activité, des ressources disponibles et des ambitions de l'entrepreneur. Pour un individu bénéficiant d’une double culture, cette question s'avère plus complexe. Ce dernier, possède en principe un atout unique pour l'entrepreneuriat international. Sa compréhension approfondie des nuances culturelles et sa flexibilité d'esprit sont des atouts inestimables pour l'export. Cela étant, « ce n’est pas parce que l’on pense pouvoir capitaliser sur des compétences culturelles que c’est gagné d’avance », précisent les fondateurs d’Azul Cosmétique. 

« Notre biculture ne fait pas vraiment de nous des avantagés »

L'export peut être une aventure complexe, avec des défis imprévus. Les entrepreneurs pluri culturels sont souvent plus enclins à faire preuve d'adaptabilité et de flexibilité, mais ils se heurtent néanmoins aux mêmes défis que tout entrepreneur au moment de s'internationaliser. « On ne connait pas l’Algérie. Y passer des étés ne sera jamais comparable au fait de s’y installer potentiellement, ou simplement d’y exporter son activité. Là-bas, on sera toujours considérés comme des Français », nuance la jeune entrepreneure. 

L'idée que la biculture confère automatiquement un avantage est alors discutable. Être biculturel, c'est bien plus qu'une simple maîtrise de deux cultures, c'est aussi composer avec les défis et les complexités que cela implique. Les individus biculturels peuvent souvent se sentir pris entre deux mondes, confrontés à des dilemmes culturels et à des attentes contradictoires. « Notre biculture ne fait pas vraiment de nous des avantagés. Sur place on est confrontés aux mêmes challenges qu’un entrepreneur dit classique. On est peut-être même plus attendus au tournant » souligne l’entrepreneur.

Ce qui va sans doute constituer la plus grande différence entre un « entrepreneur lambda » qui souhaite s’exporter et un entrepreneur biculturel, c’est une combinaison unique de facteurs motivants qui l’animent. Le lien affectif avec son pays d'origine peut jouer un rôle déterminant. En tant que personne ayant grandi avec des racines culturelles fortes, il peut ressentir une connexion profonde avec sa terre natale ou celle de ses ancêtres et le désir de contribuer à son développement économique. Malgré cela, la clé de la réussite pour une aventure internationale réussie est « de garder une posture humble. Il ne faut pas arriver avec ses grands sabots et s’attendre à ce que les portes s’ouvrent plus facilement pour nous. Ce n’est et ne sera jamais le cas. Il faut simplement garder en tête ce pour quoi on est là en premier lieu. Se reconnecter avec ses racines, qu’elles soient bien ancrées ou non » conclue le couple. 

Sofia Ben Dhaya
Sofia Ben Dhaya Rédactrice web