Patronnes à travers les siècles : 6 portraits de femmes qui ont marqué leur secteur

Entre le XVIIIe et le XXe siècle, de nombreuses femmes dirigeantes ont repris les rênes d’entreprises ou les ont montées de toutes pièces. Cosmétique, industrie, commerce, mode, chacune à sa façon a su marquer de son empreinte un secteur en nous laissant pour certaines, un bel héritage.  

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Entrepreneures avant l'heure, elles ne doivent leur réussite qu’à une chose : leur talent. Certaines ont même su s’imposer comme des références dans des métiers qui étaient jusqu’alors une affaire d’hommes. Mademoiselle Bertin inaugure l'ère des créatrices de mode qui prendra son essor un siècle plus tard, Marie Valentine Lebrun imagine le premier institut de beauté au XIXe siècle et Yvonne Foinant figurera parmi les premières femmes à siéger à la Chambre de commerce. Zoom sur six cheffes d’entreprise qui ont su s’imposer dans des secteurs industriels.  

Rose Bertin, l’entrepreneure qui guide les tendances à la cour de Louis XVI 

Fille d’un cavalier de la maréchaussée et d’une garde-malade, la jeune Marie-Jeanne Bertin – qui prendra plus tard le nom de Rose Bertin – passe une enfance modeste dans les Hauts-de-France. A peine a-t-elle atteint ses 16 ans qu'elle fait déjà son baluchon : direction la capitale !  
Sous les ordres de la Mademoiselle Pagelle, marchande de modes et modiste pour des clientes telles que Madame du Barry, Marie-Jeanne se forme au métier.  
En 1770, à seulement 23 ans, elle ouvre son premier magasin, Le Grand Mogol, en plein cœur de la capitale. Rapidement, Marie-Jeanne, devenue Rose, s’impose auprès des plus beaux noms de la cour de France grâce à un style plus épuré et champêtre qui fait écho au mouvement de pensée du siècle. Entrepreneure à succès, elle est alors à la tête d’une équipe de trente salariées et ses créations se réclament dans toutes les cours d’Europe.  
 
Si la Révolution française coupera cour à la success stroy de Rose Bertin, son parcours et son travaille inspireront les collections de maisons de mode telles que Chanel, Moschino, Dior ou Alexander McQueen.  

Marguerite d’Hausen, la femme à l’origine de la dynastie industrielle de Wendel 

Si on imagine plus aisément une femme de la haute bourgeoisie devant un feu de cheminée à broder des mouchoirs, nombre d’entre elles se sont pourtant illustrées en reprenant des entreprises familiales. C’est le cas de Marguerite d’Hausen, devenue de Wendel après son mariage avec Charles de Wendel.  
 
Durant les deux décennies qui succèdent à la mort de son mari, survenue en 1784, Marguerite de Wendel, dite « Madame d’Hayange », prend les commandes des forges d’Hayange, spécialisées dans la vente d’armes pour la Marine française. Qu’il s’agisse de superviser la production, la commercialisation des produits ou même de négocier les contrats avec le gouvernement français, la veuve de Wendel est considérée par tous comme un fournisseur fiable. Réputation qu’elle conservera jusqu’à la Révolution française, période pendant laquelle les forges sont placées sous séquestre. En 1794 elle est nommée gérante de ce qui est devenue une entreprise d’Etat.
À sa mort, son petit-fils poursuivant la « dynastie » industrielle des Wendel et cette illustre famille jouera un rôle politique et économique significatif de la Restauration à la fin des années 1815.

Marie-Catherine de Maraise, la femme derrière la célèbre toile de Jouy 

Ici encore, nous avons affaire à une femme qui à sût s’imposer dans le secteur industriel grâce à son esprit et sa détermination. En 1767, à l’âge de 30 ans, Marie-Catherine Darcel épouse le riche investisseur parisien Alexandre Sarrasin de Maraise. Associé au célèbre industriel Christophe-Philippe Oberkampf - fondateur de la manufacture royale de cotons imprimés de Jouy-en-Josas - l'homme d'affaires ne s’y entend gère en matière de comptabilité ou de commerce et décide de s’appuyer sur le sens des affaires de son épouse, issue d’une famille de marchands. A une époque où les femmes mariées étaient d’emblées mises sous la tutelle de leur mari, la situation de Marie-Catherine est alors peu commune. Pourtant, ses qualités de gestionnaire contribuent au succès de l’entreprise - à l'origine de la célèbre toile de Jouy - dont le prestige la mènera à s'élever au rang de manufacture royale en 1783. 

Marie-Valentine Lebrun, la femme à l’origine de progrès révolutionnaires dans l’industrie cosmétique 

On lui doit la fondation de la toute première école d’esthétique au monde, des avancées majeures en cosmétologie et l’instauration du terme « Institut de Beauté ». Rien ne prédestinait pourtant Marie-Valentine Lebrun à révolutionner le secteur de la beauté du XIXe siècle. Jusqu’à ses 30 ans, la jeune femme mène une existence paisible au bras d’un mari qu’elle adore. Un état de grâce qui s’interrompt brutalement, suite à la mort de ce dernier. Pour faire son deuil et subvenir à ses besoins Marie Valentine Lebrun explore sa passion de toujours : la cosmétique.  

Dans les somptueux salons, en face du Ritz, elle développe les produits cosmétiques KLYTIA en collaboration avec une équipe de docteurs et chimistes de renom. Une gamme « élaborée scientifiquement avec une grande rigueur dans la sélection d’ingrédients naturels », comme le détaille le site officiel de la marque. Rapidement les différentes crèmes et soins proposés par la cheffe d’entreprises s’arrachent comme des petits pains auprès des élégantes du début du siècle mais également des têtes couronnées.  

En parallèle, Marie-Valentine Lebrun fonde une école pour permettre aux femmes d’obtenir un diplôme et un accès aux professions de l'esthétique. Dès lors, l’enseigne KLYTIA emploie plus de 200 personnes, assurant ainsi la distribution dans plus de 50 pays. 

Yvonne Foinant, la première femme à siéger dans les instances du patronat français 

Sa devise : faire face. A l’image de plus de 2 millions de françaises, Yvonne Foinant doit endosser le rôle de cheffe de famille (et d’entreprise) à la suite du départ de son mari pour le front, en 1914. Elle a alors 22 ans et ne connait rien des rouages de la gestion d’une usine de métallurgie.  

Pourtant, grâce à sa force de caractère et à sa détermination, elle parvient à maintenir l’entreprise à flot jusqu’au retour de son mari. Pour autant, la reprise d’activité de ce dernier ne sonne pas l’arrêt du travail d’Yvonne. Car loin de vouloir retourner à sa vie de femme au foyer, la jeune femme entend bien conserver son statut dans l’entreprise. Elle prendra donc la tête de la direction commerciale de Foinant et Savarin jusqu’au décès d’Edmond Foinant en 1928. Elle reprendra alors, pour la deuxième fois, son rôle de dirigeante jusqu’à la cessation d’activité de l’entreprise dans les années 70.  

Parallèlement à son activité d’entrepreneure, Yvonne Foinant devient la première femme à être élue déléguée de la Confédération générale du patronat français (futur Medef). En 1941, elle est nommée conseillère au commerce extérieur et figure parmi les premières femmes à siéger à la Chambre de commerce de Paris en 1945. Cette même année, Yvonne est également à l’origine de la création de la fédération des Femmes chefs d’entreprises. Une association qui promeut l’égalité économique entre hommes et femmes, aide à la visibilité des patronnes, leur permet de se créer un réseau d’affaires. Sans doute le témoignage le plus marquant de sa vision de l’entrepreneuriat féminin.  

Marie-Louise Jaÿ, la femme derrière la création de la Samaritaine 

La destinée de Marie-Louise est, à l’image de toutes les femmes dépeintes dans cet article, une affaire de conviction et de talent. Pour cette héroïne originaire de Haute-Savoie, le mérite revient à son indéniable don d'anticipation, un véritable sens de l'entreprise, et au duo redoutable qu’elle a formé pendant de nombreuses années avec son mari, Ernest Cognacq.  

Débarquée de ses montagnes enneigées, la jeune Marie-Louise n’a en sa possession que son bon sens et « la bosse du commerce » lorsqu’elle débarque dans la capitale. Alors qu’elle est vendeuse à La Nouvelle Héloïse, une boutique de lingerie féminine, elle croise la route de celui qui ne la quittera plus : Ernest Cognacq. Après un passage comme première vendeuse au Bon marché, Marie-Louise rejoint son mari qui a ouvert, en 1869, une modeste boutique du nom de La Samaritaine, au coin des rues de la Monnaie et du Pont-Neuf.  

Allant jusqu’à travailler 14 heures par jour, les efforts du couple portent rapidement leurs fruits et la petite boutique se mue en un véritable empire de la vente. En 1970, un siècle après l’achat du premier local, elle compte 4 immeubles, une société de vente par correspondance, de gigantesques entrepôts, 8000 employés et plus de 50 000 m2 de rayons en 1925. 

 

 

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Mélanie Bruxer Rédactrice web