Levées de fonds 2023, année de vérité ?

La levée de fonds, emblème des années fastes de la startup nation et objet de toutes les attentions ? Sans doute. Mais par-delà les chiffres bruts, les levées de fonds sont surtout un excellent indicateur des dynamiques et des anticipations qui traversent le marché. Dans une période marquée par une instabilité généralisée, elles nous ouvrent une fenêtre sur le monde qui vient. État des lieux.

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levées de fonds

La levée de fonds n’est bien sûr pas l’apanage des startups. Mais dans l’imaginaire collectif, l’une et l’autre sont intrinsèquement liées. Primordiale au moment où les idées fusent, mais où l’argent manque cruellement pour leur mise en œuvre ! Ouvrir son capital à des investisseurs extérieurs pour accélérer son développement, c’est un peu comme une rencontre amoureuse. Cela demande de prendre le temps de se séduire, de s’apprécier et de se convaincre avant de matcher. À la réserve près qu’elle est avant tout un mariage d’intérêts, qui n’a pas nécessairement pour objectif de durer mais le devoir d’être mutuellement bénéfique pour les deux parties en présence. D’un côté, il faut passer rapidement à l’échelle. De l’autre, il faut que les perspectives de sortie pour les investisseurs soient attractives. De part et d’autre, la nécessité d’aller vite et d’aligner au mieux les intérêts de tout le monde. Voici pour la théorie générale.

La levée de fonds, révélateur de tendances

Dans les faits, le processus de levée de fonds est une affaire de nuance. D’abord parce qu’on ne finance pas l’amorçage d’une entreprise deeptech, qui repose sur une technologie émergente pour laquelle le marché reste à créer, comme une startup déjà mature qui a besoin de recruter ou de communiquer pour accélérer son passage à l’échelle, et encore moins comme une ETI bien installée qui entre dans une phase nouvelle de son développement. Les cycles et les montants sont évidemment dépendants du risque pris de part et d’autre. Ensuite, parce que le principe de la levée de fonds réussie repose sur la capacité à réagir face aux tendances. Il fournit par conséquent une photographie assez fidèle des convictions et projections qui circulent sur le marché et constitue un excellent baromètre des aspirations entrepreneuriales d’une époque et des signaux faibles technologiques qui traversent cette dernière. Il fut un temps pas si lointain où les projets se devaient d’intégrer la blockchain pour avoir droit au chapitre. Le baromètre annuel publié par le cabinet In Extenso révèle désormais une montée en puissance des investissements dans les secteurs des cleantechs et de l’Intelligence artificielle, révélant une urgence à se tourner vers ces domaines d’expertise. Une émergence qui ne signifie pas pour autant la disparition de toutes les autres technologies, mais plutôt un passage vers un stade plus avancé de leur développement.

Accalmie sur les investissements : l’âge de raison ?

Signe des temps toujours, le contexte international a aussi fini par entamer l’optimisme dont faisaient preuve jusqu’à présent les investisseurs. Alors que le volume des levées de fonds était qualifié de « record » en 2022, avec une croissance mesurée par le baromètre EY du capital risque de 17 % en un an et un volume d’investissements estimé à 13,5 milliards d’euros en France, la tendance pour 2023 s’avère plus timorée. La hausse des taux et les incertitudes géopolitiques semblent avoir mis un frein à l’euphorie, notamment avec la disparition des méga-levées de plus de 300 millions d’euros qui avaient marqué l’année précédente et, sans doute, quelque peu faussé les observations au passage. Au premier trimestre de cette année, 4,3 milliards d’euros ont été levés, soit une baisse en valeur de 49 % par rapport à la même période de l’année précédente. Des chiffres qui constituent un indicateur probant de la température de l’époque, mais qui cachent aussi une réalité plus nuancée. Réalisé par l’Ifop pour le compte de l’Observatoire de la création d’entreprise de Bpifrance Création, l’Indice Entrepreneurial Français (IEF) a révélé que 1 français sur 3 (32 %) participait d’une manière ou d’une autre à la chaîne entrepreneuriale, avec une surreprésentation des jeunes de moins de 30 ans et des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ces indicateurs nous montrent que, si le volume des investissements diminue, la dynamique entrepreneuriale n’est pas pour autant en berne. Elle est, comme le reste de la société, en transformation, en quête de solutions plus raisonnables et tournées vers la durabilité, l’efficacité et l’impact sur nos environnement. De ce point de vue, cet atterrissage, au sens propre comme au figuré, constitue peut-être une excellente nouvelle.

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