Comment réduire l’empreinte environnementale du numérique ?

De plus en plus conscientes des enjeux environnementaux liés au numérique, les entreprises cherchent des solutions pour réduire leur impact sur le climat. Julia Meyer, ingénieure numérique responsable à l’ADEME, Jérémy Cousin, président de la société CIV et Christine Balagué, fondatrice de Good in tech, nous partagent leurs méthodes pour mesurer et contrôler l’empreinte numérique de son entreprise. 

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« 4 %, c’est la part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre dans le monde », affirme Maud Lenfant, responsable énergie chez Bpifrance. Est-ce beaucoup ? À titre de comparaison, c’est plus que les émissions du Japon. Et à l’échelle nationale, ça représente annuellement près de 19,5 millions de tonnes de CO2 (soit 2,5 % des émissions) rapporte une étude récente commanditée par le Sénat. Une part d’autant plus importante, qu’à ce rythme les spécialistes estiment que la part du numérique pourrait tripler d’ici 2040. Big média revient sur la définition de la pollution numérique et comment la réduire dans son entreprise.  

Qu’est-ce qui pollue dans le numérique ? 

Qui dit virtuel ne signifie pas pour autant sans émissions de GES ? Contre-intuitivement, le numérique est devenu une source d’émission de carbone conséquente dans nos sociétés contemporaines. Matériel informatique, serveurs et data-center, ainsi que les applications et logiciels, les sources de la pollution sont peu visibles, mais bien réels. 

Si un consensus existe sur l'existence et les sources du coût environnemental du numérique, ce dernier est au cœur de nombreux débats. Et pour cause, la pollution numérique a la particularité d’être difficilement estimée précisément. Cela s’explique par les disparités de technologies utilisées dont l’exploitation émet plus ou moins de carbone. Ainsi, la consommation d’une heure de vidéo en streaming n’a pas le même impact environnemental selon la plateforme, de technologie de réseau ou autre.   

Calculer l’empreinte numérique 

Afin de cerner au mieux l’impact carbone du numérique, il est important de s’intéresser aux différents facteurs qui la composent. C’est d’autant plus important que l’empreinte carbone du numérique est plus large que les émissions directes de CO2 liées à l’utilisation du web. Parmi les sources indirectes, on retrouve notamment la fabrication des appareils électroniques, le traitement et le stockage de données dans les data-centers et finalement l’exploitation elle-même des infrastructures qui composent le réseau.  

Pour obtenir une estimation regroupant les émissions directes et indirectes des équipements électroniques, on pointe souvent du doigt la notion d’analyse du cycle de vie (ACV). Cette dernière à l’avantage d'appréhender l’impact d’un appareil sur l’ensemble de son existence, depuis sa fabrication, jusqu’à son traitement en fin d’utilisation (recyclage, par exemple). L’ensemble des études portant sur le sujet atteste que c’est l’étape de fabrication du matériel qui pèse le plus lourd dans l’ACV (environ 80 % des émissions totales).  

Que dire de la pollution numérique en France  

Dans l’Hexagone, c’est notamment l’ARCEP (Autorité de Régulation des Communications Électroniques, des Postes et de la distribution de la Presse) qui s’occupe de fournir des statistiques sur l’empreinte carbone du numérique. D’après cette dernière, en 2020 le secteur numérique a généré plus de 20 millions de tonnes de déchets, responsable de l’émission de 16,9 millions de tonnes de CO2.  

Si jusqu’à présent, la question de la pollution numérique avait peu attiré la vigilance des différents législateurs, les temps changent et certaines réglementations commencent à émerger. À titre d’exemple, la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire), promulguée en 2020, qui a pour vocation de réduire drastiquement le nombre de déchets, comporte un volet entier sur l’empreinte numérique. Ainsi, les publicités portant sur l’exploitation de données mobiles doivent désormais mentionner au consommateur l’équivalent en émissions de GES. Un indice de réparabilité sur les objets électroniques doit permettre de lutter efficacement contre l’obsolescence programmée pratiquée par certaines enseignes. Enfin, la loi statue sur la mise en place d’un logo unique permettant aux utilisateurs de reconnaître les outils pouvant être recyclée et impose aux collectivités de s’approvisionner en partie avec des produits possédant des composantes upcyclées.  

Plus récemment, en 2021 la loi REEN (réduire l’empreinte environnementale du numérique) a été adoptée et prévoit une multitude d’actions concrètes concernant l’ensemble des acteurs. À ce titre, les fabricants de téléphones sont invités à limiter le gaspillage avec la fin de l’obligation de fournir des écouteurs lors de l’achat d’un produit neuf. Afin d’encourager les usages numériques vertueux, la législation impose aux opérateurs de communications électroniques de publier des rapports attestant de leur implication dans la transition écologique. Du côté de l’école, le texte prévoit des mesures et notamment la mise en place de sensibilisation dès le plus jeune âge aux écoliers. 

3 conseils pour réduire l’empreinte numérique de son entreprise  

Mesurer l'empreinte numérique de son entreprise  

Selon Tice-éducation, le portail de l’éducation numérique, « l'empreinte numérique désigne les traces qu’on laisse sur Internet ». Mais avant de les réduire, encore faut-il savoir les mesurer. L'enjeu pour le secteur est donc de mettre en place des outils de mesure, mais aussi de récolter des données fiables qui permettront d'évaluer l’impact environnemental de l'empreinte numérique des entreprises. Pour mesurer les données, Jérémy Cousin, président de la société CIV) a développé, au sein de son entreprise, la solution alternative Data Center, qui centralise et analyse les données pour ensuite contrôler ce qui génère trop de pollution numérique. « Nous allons récupérer leurs calories pour ensuite les revendre. C'est pour cela que les entreprises mettent leurs données dans des alternatives data center », explique le directeur du CIV.   

 

S’équiper et s’informer via des plateformes et outils de références    

Pour accompagner les entreprises dans la réduction de leur empreinte numérique, l'ADEME propose aussi une solution. Appelée NegaOcete, ce projet « permet de mesurer et de réduire de manière significative l’impact environnemental des services numériques sur l’ensemble de leur cycle de vie », affirme Julia Meyer, ingénieure numérique responsable à l’ADEME. Ce logiciel est le fruit de 36 mois de recherches menées par différents organismes tels que le Bureau Veritas et APL Data Center. Au-delà de “simplement” mesurer et réduire l’impact environnemental du numérique, ce référentiel propose des pistes d’amélioration et donne accès à plus de 1 500 composants et équipements classés selon quatre niveaux de granularité. A chaque équipement sont associés jusqu’à 30 facteurs d’impacts : de l’épuisement des ressources abiotiques au réchauffement global en passant par l’eutrophisation.    

 

Intégrer l’éco-conception numérique à son système de production  

Intégrer des aspects environnementaux dans la conception et le développement de produits est l’une des clés pour réduire son empreinte environnementale de son entreprise. Pour ce faire, l’entreprise qui est engagée dans une démarche d’éco-conception numérique va chercher à optimiser son service en prenant en compte l’environnement sur tout son cycle de vie. Selon la chambre des métiers et de l’industrie, il est d’ailleurs « important d’intégrer cette démarche très en amont, car beaucoup d’impacts se décident dès la phase de conception, mais il y a également des enjeux sur les phases de développement, utilisation et fin de vie. Il faut enfin savoir que l’éco-conception est une méthodologie standardisée au niveau national via les normes ISO 14 006 et 14 062 ». Au-delà de l’aspect environnemental, l’éco-conception numérique permet également de réduire les coûts et d’améliorer la visibilité et l’image de marque.