Se lancer sur un marché inexistant de l’hydrogène, le pari fou d’HySilabs

L’hydrogène est présenté comme l’une des solutions pour répondre aux défis écologiques. Mais cette molécule, sous forme de gaz, peut présenter un danger en cas de fuite. La deeptech HySilabs a mis au point un moyen d’emprisonner l’hydrogène dans un vecteur liquide, pour limiter les risques et favoriser la décarbonation de la mobilité. 

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hysilabs

« Le chainon manquant pour faciliter le stockage et le transport de l’hydrogène ». C’est ce que leur disent des entrepreneurs du secteur lorsque Pierre-Emmanuel Casanova et Vincent Lôme présentent leur innovation à la Foire d’Hanovre en 2014. Pourtant, rien ne prédestinait les deux cofondateurs d’HySilabs à un avenir dans le monde de l’hydrogène. Leur solution, qui repose sur un procédé chimique capable de libérer l’hydrogène d’un vecteur liquide, n’est pas le fruit des deux entrepreneurs, formés à la biologie plutôt qu’à la chimie. « A l’époque, mon associé a rencontré par hasard une équipe de chercheurs de l’université d’Aix-Marseille, qui avaient trouvé, de manière fortuite, cette réaction chimique », explique Pierre-Emmanuel Casanova. Les deux amis, qui croient au potentiel de cette technologie, décident de parcourir l’Europe pour rencontrer les acteurs de l’hydrogène et comprendre l’impact qu’elle pourrait avoir. En 2015, ils reviennent, convaincus par leur solution et cofondent HySilabs.

« L’hydrogène, c’était l’inconnu en 2015 »

Une fois l’entreprise créée, la priorité, pour Pierre-Emmanuel Casanova et Vincent Lôme, est de trouver des financements, auprès d’acteurs publics et privés. Très vite, ils se rendent compte qu’ils passent plus de temps à expliquer ce qu’est l’hydrogène, qu’à défendre leur projet. « L’hydrogène, c’était l’inconnu en 2015 », souligne Pierre-Emmanuel Casanova. « Les organismes de financements français n’avaient pas encore la vision sur ce que pouvait apporter cette molécule », poursuit-il. Même des industriels de l’énergie refusent de les soutenir. « A l’époque, nous avions rencontré des dirigeants d'un industriel, qui nous ont fait comprendre qu’ils ne croyaient pas en l’hydrogène ». Ils réussissent néanmoins à rassembler 600 000 euros auprès d’incubateurs et en remportant des concours. C’est essentiellement vers l’Europe que les deux entrepreneurs se tournent pour développer leur technologie. « 90 % de nos financements viennent de l’Union européenne ».

Au fur et à mesure qu’ils avancent dans leur projet, l’hydrogène se répand un peu plus comme l’une des solutions de la transition écologique et énergétique. Pierre-Emmanuel Casanova et Vincent Lôme, qui ont récupéré les brevets déposés par l’université d’Aix-Marseille, se confrontent à une problématique technologique. Les recherches menées par l’université ont permis de découvrir comment libérer l’hydrogène d’un vecteur liquide, mais les deux entrepreneurs doivent encore trouver le moyen d’emprisonner l’hydrogène dans ce vecteur. « De 2015 à 2019, on a travaillé sur cette partie. Entre temps, on présentait notre solution à de probables futurs partenaires sans trop en dire, justement parce qu’il nous manquait une partie de la technologie. Si quelqu’un brevetait la partie manquante avant nous, tout notre projet aurait pu tomber à l’eau ».

« Une innovation disruptive demande du temps pour être déployée »

Depuis l’an dernier, l’innovation d’HySilabs est entièrement brevetée. « Il nous aura fallu 7 ans. Ça peut sembler long mais nous nous sommes lancés sur un marché qui n’existait pas avec très peu de financements », témoigne Pierre-Emmanuel Casanova. « Aujourd’hui, c’est beaucoup plus facile. On a prouvé notre résilience. Les grands groupes, qui à l’époque, ne voulaient pas nous aider, reviennent nous voir et nous félicitent d’avoir eu cette vision pionnière ». L’entreprise est à présent soutenue par ces acteurs et compte déposer plusieurs dossiers pour obtenir davantage de financements auprès d’acteurs privés et publics comme notamment le plan d’investissement « France 2030 », qui souhaite promouvoir l’hydrogène pour répondre aux défis écologiques.

Si la deeptech facilitera, à terme, le transport et le stockage de l’hydrogène pour les acteurs du secteur, sa solution ne sera commercialisée qu’à partir de 2027. « Une innovation disruptive demande du temps pour être déployée ». Fin juin 2022, HySilabs présentera un premier démonstrateur préindustriel avant de concrétiser son passage à l’échelle. « D’ici 3 ans, nous lancerons 3 à 4 pilotes industriels en Europe, qui nous permettront d’obtenir nos premiers chiffres d’affaires. Puis en 2027, nous aurons développé notre usine afin de produire à grande échelle et ainsi commercialiser notre technologie ». En attendant, HySilabs se prépare à réaliser une nouvelle levée de fonds d’ici cet été.