Lave-vaisselles, frigidaires, fours professionnels… Vesto reconditionne dans son usine de Compans

Reconditionner du matériel professionnel à destination… des professionnels, c’est la raison d’être de Vesto. Cette start-up industrielle française créée par trois amis pendant le Covid-19 a déjà ouvert une usine de 7 000 m2 en région parisienne, dans laquelle sont réparés entre autres des frigidaires, friteuses et fers à repasser professionnels.

Vesto
Un opérateur reconditionne une machine

C’est l’histoire de trois amis, Bastien Rambaud, Wilfrid Dumas, et Anne-Laurène Harmel, sensibles à la surconsommation de produits neufs, au gaspillage engendré et à l’accumulation de déchets. Trois jeunes en phase avec la nécessité de transformer l’économie linéaire actuelle en économie circulaire.  

Venant du milieu de la restauration, Bastien est témoin de la destruction de la vaisselle en parfait état d’un établissement étoilé pour cause de déménagement. Un non-sens écologique qui déplait autant à Wilfrid travaillant en ressourceries qu’à Anne-Laurène, alors embauchée par Murfy, un acteur du reconditionnement et du dépannage pour l'électroménager de particulier. 

Rapidement après leur première expérience professionnelle, les trois amis décident de s’associer autour d’une idée commune, et créent en 2019 la start-up Vesto, spécialisée dans le reconditionnement de gros équipements à destination des professionnels. 

L’idée première de Vesto : une marketplace pour les restaurateurs 

« Au début, on a lancé une marketplace un peu comme Back Market, mettant en lien des acheteurs et vendeurs du milieu de la restauration. La demande était là mais on s'est vite rendu compte qu’il manquait des fournisseurs de qualité et pour de gros volumes. On était face à beaucoup de brokers qui récupèrent des lots par-ci par-là et qui n’ont pas la volonté de reconditionner en profondeur », expose Anne-Laurène Harmel, cofondatrice de Vesto. 

Les jeunes entrepreneurs se retrouvent alors face à un choix cornélien, changer d’activité ou vendre de la fin de série. Ils décident finalement de créer le chainon manquant de leur marketplace : une entreprise capable de reconditionner du matériel en volume conséquent et de bonne qualité.  

Un pivot qui transforme l’acteur du digital en entreprise industrielle ; et pour reconditionner de grosses machines, la start-up avait besoin de place. « On a levé des fonds, ouvert notre premier atelier de 1 000 m2 à Romainville, en Seine-Saint-Denis, dans lequel on a travaillé de manière un peu artisanale pour nous prouver à nous-mêmes, puis aux autres, qu’on pouvait reconditionner du matériel de manière qualitative et rentable », explique Anne-Laurène Harmel. Rapidement, l’atelier devient trop petit, et la start-up décide de lever d’autres fonds, grâce auxquels elle ouvre sa première usine de 7 000 m2 à Compans, en Seine-et-Marne, à l’été 2023, regroupant aujourd’hui 35 salariés.

Réparer des machines professionnelles pour les revendre à moitié prix 

« On a une quinzaine de salariés qui réparent en profondeur des fours, des frigos, des lave-vaisselles, des friteuses, des marmites… du matériel qui peut être très gros et coûter très cher », décrypte l’entrepreneure. Vesto récupère le matériel usagé des mains d’acteurs de la restauration qui le lui cède en contrepartie d’une prime. « C’est le même fonctionnement que les voitures à la casse », précise Anne-Laurène. Remis à neuf à l’intérieur comme à l’extérieur, le matériel est ensuite remis en vente essentiellement à des restaurateurs, cantines et marchés publics. « On a récemment changé tous les lave-vaisselles d’une chaîne de fast food très connue parce qu'ils sont passés à de la vaisselle lavable. » Une clientèle qui bénéficie d’un prix « à peu près égal à la moitié du neuf », et d’une garantie de 6 mois à 1 an, « tandis que les brokers proposent un mois maximum, précise Anne-Laurène Harmel. La plupart du temps, ce n’est pas pour le prix qu’ils nous choisissent, c'est parce qu'on est hyper-réactif et qu'on peut vider un restaurant d'entreprise en deux jours. » 

En plus de ce fonctionnement de récupération, la start-up développe depuis quelques temps une prestation de reconditionnement pour un même client. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?

Du matériel reconditionné essentiellement haut de gamme 

Vesto récupère du matériel, mais pas n’importe lequel. « On est habitué à travailler sur du matériel très technique, qui coûte très cher et sur lequel on peut passer plusieurs jours », introduit la cofondatrice. Vesto privilégie le haut de gamme, plus facilement réparable que le moyen ou bas de gamme, et dont le prix d’achat élevé justifie un travail de reconditionnement. Selon l’entrepreneure, le matériel haut de gamme est essentiellement fabriqué en Europe, notamment en Allemagne, Italie, France et Espagne. Les pièces de rechange pour le haut de gamme sont également plus faciles à trouver, comme l’explique Anne-Laurène Harmel : On a des partenariats avec tous les grands fabricants du monde C.H.R (Café Hôtel Restaurant), qui nous vendent les pièces dont nous avons besoin. On remplace les pièces techniques par des neuves, et celles esthétiques par des neuves ou de seconde main, récupérées au préalable sur du matériel non reconditionnable. L'idée est de jeter le moins possible quand c'est en bon état.

Pour réparer ce matériel très technique, des compétences bien spécifiques sont demandées. Electrotechniciens, frigoristes… des métiers parfois difficiles à trouver. « Dans un marché super tendu, on a réussi à trouver de bons techniciens, notamment nos chefs d'atelier », souligne l’entrepreneure. La start-up industrielle forme des jeunes en stage, en sortie de BTS ou lycée technique. « Nombre de jeunes aiment travailler chez nous car c'est un des seuls postes fixes qu’ils peuvent trouver, sinon beaucoup sont dépanneurs et passent la moitié du temps sur la route. Ils apprennent beaucoup parce qu'ils sont plus au contact des machines et moins dans le stress. » 

Le reconditionnement, un marché qui a la cote 

La start-up industrielle est assez unique en son genre : « On n’a pas de concurrence directe, personne ne fait la même chose que nous sur le même secteur. Nos concurrents sont le bas de gamme neuf ou Leboncoin, qui proposent des machines moins chères mais pas le même service, notamment pour les collectivités et les appels d'offre publique, déclare Anne-Laurène Harmel. Des acteurs du reconditionnement se lancent un peu partout, pas trop encore sur notre secteur mais on se doute que ça va arriver. On se connaît bien entre acteurs du reconditionnement industriel et notre but, c'est de structurer le marché ensemble et de partager les bonnes pratiques. » 

Un marché qui séduit les entrepreneurs engagés dans la transition écologique. « Aujourd'hui une tonne de machines reconditionnées permet d’économiser 10 tonnes d’équivalent CO2. Chez Vesto, on reconditionne 20 tonnes par mois ! » clame Anne-Laurène Harmel. 

Pour Vesto, se diversifier est une évolution logique 

La jeune entreprise ambitionne la pleine capacité de son usine d’ici mi-2025, donc une augmentation de ses volumes. Mais la start-up vise aussi un autre axe de développement, la diversification. « On est en train de réfléchir à de nouveaux marchés, et à des typologies de matériel qu'on pourrait reconditionner. Notre usine a les compétences pour traiter des nettoyeuses de sol, du matériel pour les coiffeurs, des ascenseurs… il y a plein de possibilités de diversification dans le BTP, le médical. Vesto reconditionne d’ailleurs des lave-linges et tables à repasser professionnels depuis deux mois ! s’enthousiasme la cofondatrice, Notre usine atteindra la rentabilité dans l'année. Si on veut se diversifier, est ce qu'on va garder la même usine ? En ouvrir de nouvelles ? Dans ce cas peut-être qu'une levée de fonds sera envisagée, mais ce ne sera pas une levée de survie. »  

En attendant, Vesto ouvre mi-juin ‘La Galerie Circulaire’, un showroom au cœur de Paris, qui proposera pendant deux semaines du matériel et ustensiles issus de la circularité à la restauration professionnelle. Non loin de là, un restaurant géré par le chef étoilé Sébastien Richard ouvrira ses portes courant 2024, fourni par Vesto. Une affaire qui semble conditionnée à rouler, donc ! 

Marion Bouche, Rédactrice Web

Marion Bouche

Rédactrice Web