Managers : 100 jours pour réussir sa mission

Dans un contexte caractérisé par une forte mobilité professionnelle, comment réussir une nouvelle prise de responsabilité en tant que dirigeant ou manager ? Nicolas Lemoine, professeur à HEC Business School, et fondateur d’un cabinet de conseil nous explique les enjeux d’une prise de fonction managériale.

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Reconversion, recherche de sens, désir d’évolution…la mobilité professionnelle est un phénomène amené à croître. Selon l’Insee, les actifs font rarement carrière au sein d’une seule entreprise., un professionnel qui rejoindrait aujourd’hui le marché du travail sera amené à changer de poste au moins 4 à 5 fois pendant sa vie. Si le changement est de rigueur dans toutes les fonctions, les postes de direction supposent de plus grands enjeux. « Une bonne prise de poste se joue dans les trois premiers mois », explique Nicolas Lemoine qui s’est penché sur le sujet en se reposant sur des études de Harvard et de HEC. Quels sont les pièges à éviter pendant cette période ? Comment identifier ses « zones de danger » et faire au mieux ?

Bpifrance. Les 100 premiers jours, c’est selon vous le « Nombre d’or » pour réussir son expérience managériale. Pourquoi ce chiffre ?

Nicolas Lemoine. Il résulte d’un constat empirique : durant mon expérience en formation managériale, j’ai remarqué que l’on abordait très rarement le sujet du démarrage. Or, une récente étude menée par l’université de Harvard a démontré que souvent les raisons d’un échec en fonction managériale remontent aux 100 premiers jours d’une prise de fonction. Cette période est d’une extrême importance. D’abord, car les débuts sont uniques et ne se répètent pas d’une mission à l’autre. Ensuite, car c’est une période où l’on a une tolérance supplémentaire. Personne ne s’offusquera de votre manque d’information car vous venez d’arriver, vous avez le droit de poser toutes les questions sans que ce ne soit mal pris. Il ne reste alors qu’à mettre à profit cet effet de nouveauté.

Bpifrance. Comment exploiter au mieux cet effet ?

N.L. Comprendre l’environnement dans lequel on atterrit et s’imprégner de la culture de l’entreprise. Nous avons tendance à vouloir faire nos preuves et à agir très vite. Il vaut mieux être dans une logique de compréhension que dans une logique d’action, même si c’est contre-intuitif. Un deuxième aspect très important est d’identifier les zones de danger. On parle souvent de zones de compétence et d’incompétence, mais il faut parler davantage de zones d’intérêt et de désintérêt. Quand on arrive sur un poste, on veut faire ce dont on a envie mais il est possible que ce qui nous intéresse le moins soit fondamental pour l’entreprise.

Bpifrance. Vous évoquez ici un point de vigilance, y a-t-il d’autres points à éviter ?

N.L. Dupliquer un modèle connu, celui de son ancienne entreprise. Importer un modèle de fonctionnement marche très mal, parler de ses expériences passées également. Un autre point à éviter : les changements hâtifs dans l’équipe. Les études montrent que les changements opérés dès l’arrivée sur un poste sont très vite remis en cause. L’être humain a une aversion naturelle pour le changement ! Le changement brusque hors période de crise baisse également la productivité des équipes. Je conseille toujours d’attendre 6 à 7 mois avant de procéder à des bouleversements de grande ampleur. Enfin, la dernière chose à faire, c’est de s’enfermer dans sa tour d’ivoire lors de sa prise de fonction. Il est nécessaire d’aller à la rencontre d’une mosaïque d’acteurs en entreprise : les collaborateurs, les partenaires, les fournisseurs, les instances représentatives du personnel, etc.

Bpifrance. Vous parlez d’aller à la rencontre de ses collaborateurs. Comment, dans le contexte où le télétravail est généralisé, recommandez-vous d'agir ?

N.L. Une prise de fonction réussie demande des interactions avec un ensemble de personnes et le travail à distance y ajoute une couche de difficulté supplémentaire. Ma recommandation est de multiplier les interactions rapides, « des flashs individuels », ou par petits groupes qui ne sont pas forcément orientés business. Multiplier les petites rencontres pour comprendre avec qui on travaille et échanger sur les missions. Je conseille de favoriser les échanges vidéo, l’audio ne suffit pas !

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Bpifrance. Nous avons beaucoup parlé du manager, un conseil spécifique aux dirigeants entrepreneurs ?

N.L. Un entrepreneur qui est fondateur de l’entreprise est certes là depuis sa création, mais il recrute des managers et doit les accompagner dans leurs prises de fonctions. J’appelle les entrepreneurs à être particulièrement présents durant le démarrage d’un manager et à discuter avec lui particulièrement de ses zones de désintérêt, de sa manière de fonctionner, de son plan d’action et d’attirer son attention sur tous les points de vigilance évoqués précédemment.