Claudia Ruzza (POSITIV) : « Les talents sont dans les mains des entrepreneurs »

Nommée directrice générale de Positiv en 2022, Claudia Ruzza était présente sur la scène de l’Ampli lors de la 9e édition de Big le 5 octobre dernier, à l’Accor Arena Paris. L’association qu’elle dirige, créée en 2006, accompagne les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) dans leurs créations d’entreprises et les encourage à développer leurs talents. 

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Claudia Ruzza POSITIV - Big 9

En octobre 2005, la mort tragique de deux adolescents, Zyed et Bouna, déclenche une série d’émeutes qui s’empare des banlieues françaises pendant près d’un mois. Les enseignements tirés de cet épisode de violences particulièrement marquant conduisent en 2006 à la création de Positiv, association ayant pour objectif de lutter contre la pauvreté et l’exclusion en ayant recours à l’entrepreneuriat positif comme source d’émancipation et d’insertion. Claudia Ruzza, sa directrice générale, est revenue sur les principales missions de Positiv avant d’évoquer ensuite sur la scène du Bang son propre parcours.  

 

Une association ancrée dans les quartiers prioritaires 

Positiv est née dans la foulée des émeutes de 2005. Après avoir mené, afin de déceler les raisons de la révolte, une étude qui rendait compte de l’exclusion (des jeunes, mais pas seulement) du monde professionnel et de l’éloignement du marché du travail à l’œuvre dans les banlieues, l’association s’est fixée pour mission « d’aller au cœur des territoires, en hyper proximité et partir à la rencontre des gens victimes de discriminations », rappelle Claudia Ruzza, constatant qu’« il est plus facile de créer sa boîte que de trouver un emploi » pour une personne discriminée. 

Concrètement, à qui l’association s’adresse-t-elle ? Aux habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), dont la carte a été actualisée par le gouvernement fin 2023 (1 362 quartiers prioritaires recensés en métropole au 1er janvier 2024, soit plus de cinq millions d’habitants). « Ce sont le plus souvent des femmes, car elles vont plus naturellement accepter de se faire accompagner », concède Claudia Ruzza. « Ce sont pour beaucoup des personnes d’environ 35 ans, qui ont déjà eu une expérience ou des difficultés à trouver un emploi, des gens très motivés prêts à s’investir pleinement pour changer de vie et se faire une place ». Ainsi, depuis sa création, Positiv c’est plus de 47 000 personnes accompagnées, 10 000 créations d’entreprises, 80 collaborateurs et pas moins de 250 bénévoles œuvrant au bon fonctionnement et au développement de l’association. 

Au centre du jeu : l’entrepreneuriat  

« Quand on n’a pas le choix, il faut faire », martèle la directrice générale. Elle-même rappelle venir d’une famille qui n’a pas fait de grandes études mais qui lui a toujours appris à faire. Le travail est un extraordinaire vecteur d’inclusion, c’est son intime conviction. « Chez Positiv, on croit vraiment à la force du travail, ça permet d’avoir une place dans la société », abonde la directrice de l’association. “Bien utilisé, l’entrepreneuriat peut donner des perspectives, un statut : on est fier d’être chef d’entreprise. Notre travail est d’aller à la rencontre des gens en permanence et de faire en sorte qu’ils trouvent leur propre fierté. » 

Echapper à la précarité et à la solitude de l’entrepreneur dans les QPV 

 « Le travail, on l’oublie souvent, remarque Claudia Ruzza, peut être un formidable vecteur d’insertion sociale ». Un programme tel que le Club des Positiveurs, qui rassemble des dizaines d’entrepreneurs et entrepreneures récemment soutenus Positiv, doit par exemple permettre de se constituer un réseau et d’échapper à la solitude du statut. « Le travail a cette capacité de faire en sorte que, si on s’en donne les moyens, qu’on se bat et qu’on croit en ses rêves, on peut y arriver et ce peu importe d’où l’on vient », poursuit la directrice générale.  

Accompagner, Former, Développer et Orienter, tels sont les quatre axes de soutien proposés par une association qui mise avant tout sur le talent de ces futurs dirigeants et dirigeantes d’entreprises : « Les talents sont dans les mains des entrepreneurs, on est là pour les aider à les exploiter. Etant souvent en situation de précarité, on ne les pousse pas à entreprendre par principe, au risque de galérer, mais on est au moins là pour leur offrir cette solution ».  

À quoi ressemble le parcours d’un Positiveur ? 

S’il n’y a pas de parcours type, Positiv ne manque pas de trajectoires exemplaires. Lors de son intervention à Big, la directrice générale de l’association a ainsi pris comme exemple un entrepreneur marseillais, Raheem Attoumane, qui a commencé par lancer une entreprise à impact pour répondre au problème de manque de livreurs dans les quartiers. « Il a créé un service de conciergerie avec des tarifs adaptés à la population qu’il aidait, avec l’aide de jeunes qui ne parvenaient pas à être embauchés ». Raheem Attoumane a ensuite créé et développé sa propre agence. Aujourd’hui, il dirige et représente l’Agence Africaine de Coopération (ACEI) auprès du Gouvernement de l'Union des Comores.  

Un exemple parmi tant d’autres qui prouve qu’avec suffisamment de détermination on peut généralement aller au bout de ses projets. C’est en tout cas ce que croit fermement Claudia Ruzza. 

 

De footballeuse pro à directrice générale de Positiv : qui est Claudia Ruzza ? 

Petite fille d’immigrés italien, Claudia Ruzza est, confie-t-elle, née « énervée ». Et il y a de quoi : racisme, sexisme, inégalités, injustices... Plus jeune, elle ne s’est jamais sentie à la place qu’on attendait d’elle – la place qu’on attend d’une fille, autrement dit. D’abord joueuse de football professionnelle – elle intègre l’équipe féminine de l’Olympique lyonnais après un parcours en sport-études – avant d’entamer une carrière dans la communication, Claudia Ruzza voulait dès le départ casser les codes et devenir quelqu’un tout en restant fidèle à elle-même. 

 Ses grands-parents sont arrivés en France à pied, sans argent, sans connaître les codes ni la langue, mus par la seule volonté de travailler et de s’offrir un avenir meilleur. Elle grandit en banlieue lyonnaise, où elle est témoin de discriminations, de délits de faciès, mais également, selon ses dires, d’une forte intelligence de vie et d’un certain sens de la débrouille. 

« Pour être fier, il faut commencer par faire », Claudia Ruzza 

Arrivée à Paris il y a environ dix ans pour y trouver du travail, elle rencontre quelques difficultés puis croise finalement au bout d’un an la route de Positiv, qui cherchait alors une assistante de communication. Une décennie d’activité plus tard, Claudia Ruzza est la directrice générale d’une association encourageant chaque année plus de 2 000 personnes à créer leurs entreprises et, surtout, à en être fiers.  

 

Felix Tardieu
Felix Tardieu Rédacteur Web