Fleurs durables : l’histoire florissante de Flowrette

Fondée en 2019 par Elodie Gervet et Côme Filippi, Flowrette est un concept store qui allie écoresponsabilité, durabilité et végétal. Avec l’ambition de limiter la culture et surtout le transport de fleurs, l’entreprise s’invite de plus en plus dans nos intérieurs...et pas que !

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Et si offrir un bouquet de roses était devenu un cadeau empoisonné ? « 85 % des fleurs que l’on trouve en France proviennent de l’étranger, notamment du Kenya ou de la Colombie », déplore Elodie Gervet, cofondatrice de Flowrette, une marque qui mêle DIY (Do It Yourself, ndlr), artisanat, fleurs séchées et décoration florale. 

Une fois coupées, elles sont presque aussitôt envoyées par avion à divers fournisseurs, par-delà le monde, afin d’arriver sur nos étals dans un état irréprochable. Fragiles et périssables, les fleurs sont bien souvent soumises à de nombreuses manipulations permettant d’augmenter leur rendement ou allonger leur durée de vie, comme c'est le cas avec à la culture sous serre. Couteuse en énergie, cette technique implique un système de climatisation (chauffage ou réfrigération, et donc émission de CO2), un éclairage quotidien, notamment lorsque la lumière naturelle vient à manquer durant certaines périodes de l'année (comme c'est le cas en Hollande) et bien sûr, des arrosages plus nombreux qu'en cas de culture en pleine terre. Les fleurs sont également abondamment nourries en pesticides et engrais. « Si on regarde toute la chaine de production de la fleur, il n’y a pas grand-chose qui est en accord avec la planète alors qu’il s’agit d’un produit naturel », constate Elodie Gervet. 

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« Il y a un vrai enjeu à proposer une alternative à la fleur fraiche au vu de l’impact environnemental que cause sa production »

Engagée et déterminée à avoir un meilleur impact environnemental, Elodie Gervet l’a toujours été. Cependant, elle était loin de s’imaginer qu’un jour ses convictions se transformeraient en projet entrepreneurial.
Diplômée d’une école de marketing, elle rejoint Oui.SNCF (aujourd’hui SNCF Connect & Tech) en tant que cheffe de projet Display. « Mais à peine un an après mon embauche, j’avais déjà des envies d’ailleurs, se rappelle-t-elle. Je me disais qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas, que ce travail n’était pas fait pour moi… » Manuelle et créative, Elodie Gervet avait alors la sensation qu’en étant dans une si grande entreprise, « avec des millions de process », elle ne pourrait plus jamais laisser autant s’exprimer cette partie d’elle. Comme beaucoup de jeunes actifs en quête de sens, elle décide de trouver une activité annexe pour s’épanouir davantage. « J’ai testé plein de choses, mais vu que je savais que je voulais faire du e-commerce, il y avait toujours un petit frein, une contrainte, qui faisait que ça ne pouvait pas fonctionner comme je l’aurais aimé », détaille la parisienne.

Pourtant, tout s’éclaire lors d’un voyage en Thaïlande. A Bangkok, Elodie Gervet se prend de passion pour les fleurs séchées. « J'ai réalisé que ce que ces gens faisaient, moi aussi, j’en étais capable ». De retour dans la Capitale, la jeune femme se forme sur le tard, grâce à des tutos, et commence à vendre ses bouquets et couronnes de fleurs séchées sur la plateforme Etsy. « Je suis arrivée dans le secteur sans y connaitre grand-chose. D’ailleurs je ne suis même pas cliente de fleurs fraiches. Je ne comprends pas qu’on achète quelque-chose qui vient de si loin pour le garder deux à trois jours seulement ». En creusant un peu plus, Elodie Gervet découvre également que les fleurs séchées s’avèrent être une alternative plus respectueuse de l'environnement. Cultivées à la bonne période de l’année, sans être parquées en serres, les Elles sont, de fait, beaucoup plus durables. « Il y a un vrai enjeu à proposer une alternative à la fleur fraiche au vu de l’impact environnemental que cause sa production ».

« Je trouvais ça aberrant qu'on vienne mettre du plastique dans du végétal »

Pendant près de neuf mois, la jeune femme jongle donc entre sa casquette de jeune entrepreneure et celle de salariée. Et c’est en 2019 que son compagnon et elle décident de se lancer à 100 % dans Flowrette. « C’est un challenge de lancer un projet avec son partenaire de vie parce qu’on ne coupe jamais. Parfois le matin avant même de se dire bonjour, on parle du chiffre d’affaires de la veille. Ce n’est pas facile mais c’est aussi ce qu’on voulait. On vit Flowrette ensemble et on aimerait partager cette expérience avec personne d’autre. De plus, le fait d’être en couple sur le projet nous a sans aucun doute permis d’aller beaucoup plus vite car on ne se donne aucune limite ».

En deux ans, Flowrette s’impose comme une référence en matière de fleurs séchées. Une belle réussite quand on sait que le couple n’aura investi que 200 euros dans l’entreprise qui réalise désormais un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros. Pour autant, la cofondatrice ne perd pas de vue son objectif premier : proposer une alternative qualitative et originale à la fleur fraiche. « On s’est rapidement aperçu que pour les amateurs de fleurs coupées, les végétaux séchés n’étaient pas totalement satisfaisants. Ils offrent souvent moins de couleurs et de volumes », détaille la cofondatrice de Flowrette. Mais la seule alternative qui existait alors était la fleur artificielle. « On dit que c’est du tissu, mais pas du tout, c’est rempli de plastique. Je trouvais ça aberrant qu'on vienne mettre ce type de produit dans du végétal. Mon équipe et moi avons donc brainstormé pour essayer de trouver un matériau nous permettant de reproduire des fleurs sans polluer. Et c’est comme ça qu’on en est venu au papier ».

22 pop-up stores ouverts en 2024

Si au départ, la volonté de l’entreprise était de proposer un produit 100 % français, elle s’est rapidement rendu compte que le projet était inenvisageable au vu du manque de ressources et de savoir-faire dans l’Hexagone. « En Europe, il y avait certes des produits en papier crépon qui se faisaient, mais cela ne répondait pas à l’un de nos critères premiers qui était le besoin de solidité de la fleur ». Après plusieurs mois de recherches, le couple de dirigeants découvre une technique ancestral pratiquée en Thaïlande grâce à la feuille de mûrier. Un procédé qui permet non seulement d’obtenir une matière très solide mais également d’une grande malléabilité. « Cela fonctionne à peu près comme le papier mâché, note l’entrepreneure. La feuille de mûrier est trempée plusieurs fois dans l’eau, puis moulée à la forme du pétale, ce qui nous permet d’obtenir quelque chose de très solide. Quand les clients touchent nos fleurs, ils sont souvent très étonnés par leur rigidité ». Et si ce savoir-faire est pour le moment externalisé en Thaïlande, l’entreprise espère un jour pouvoir le relocaliser en France.

Mais avant cela, l’enjeu majeur pour Flowrette est celui de la notoriété, car si les fleurs séchées sont devenues le must have de nombreux afficionados de décoration d’intérieur, les fleurs en papier, elles, ne se sont pas encore popularisées. « On axe notre stratégie sur la vente en physique via des pop-up stores partout en France. Ce sont des produits que les clients ont besoin de voir et de toucher pour avoir un coup de cœur », assure la dirigeante. Ainsi, l’entreprise est passée de 6 pop-up stores ouverts l’année dernière à près de 22 en 2024.
En parallèle, la société souhaite élargir son offre, majoritairement BtoC, afin de proposer également du BtoB. Ainsi les réalisations de Flowrette pourront s'adapter à des projets évènementiels comme à la décoration de vitrines ou d’intérieurs pour des magasins et restaurants. « Pour avoir travaillé dans l’évènementiel, je sais que même si c’est de la fleur en papier, elle va être jetée après la soirée, donc on a un gros discours et une offre à travailler pour ces clients-là. On réfléchit par exemple à proposer un système de location de fleurs », conclut Elodie Gervet. Comme dirait le proverbe chinois : « toutes les fleurs de l’avenir sont dans les semences d’aujourd’hui ».

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Mélanie Bruxer

Rédactrice web