Shopopop : de l’Inde à la France, la livraison collaborative à la conquête du monde

A l’origine de Shopopop, société de livraison collaborative nantaise créée en 2016 par Johan Ricaut et Antoine Cheul : un voyage en Inde. Ce dernier y découvre l’un des systèmes de livraison les plus efficaces du monde, celui des Dabbawalas. 

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shopopop

L’inspiration peut passer par l’aventure et la découverte de nouvelles habitudes culturelles. Plein de diversité, le monde de l’entreprise et ses acteurs se nourrit de tendances, plus ou moins lointaines. Une veille culturelle et sociale essentielle pour anticiper les besoins des consommateurs, et concevoir des solutions dans l’ère du temps.

C’est ce qui a donné naissance à Shopopop, société de livraison collaborative développée par Johan Ricaut et Antoine Cheul en 2016, dans l’agglomération nantaise. « On permet aux personnes qui ont passé commande depuis un site internet ou un magasin de pouvoir se faire livrer par l’intermédiaire de quelqu’un lors de son trajet quotidien », explique Johan Ricaut. En somme, un usage détourné du covoiturage qui répond à la problématique de la livraison du dernier kilomètre. « On ne livre pas entre Nantes et Bordeaux par exemple, on ne fait pas de livraison longue distance, Shopopop propose un service de livraison locale », poursuit-il. Un système inspiré du voyage d’Antoine Cheul en Inde, plus précisément à Mumbai, où le jeune entrepreneur croise le chemin des célèbres Dabbawalas.  

Même les géants de la Silicon Valley s’inspirent des Dabbawalas  

« Je suis allé deux fois en Inde, une fois pour mes études entre 2010 et 2011, puis entre 2013 et 2015 pour un VIE [ndlr : Volontariat International en Entreprise] », raconte Antoine Cheul. A l’époque, il créé Namasté Students, une entreprise basée sur une communauté d’entraide pour accueillir des étudiants étrangers en Inde. « C’est un pays complexe et plein d’opportunités, mais qui peut être difficile à aborder lorsqu’on vient d’ailleurs ».  

Lors de son second voyage, il rejoint Mumbai et constate que les « quick system » autour de la livraison et du service y sont très répandus. « Ça fait partie de la vie citadine, un peu comme Deliveroo aujourd’hui à Paris. On se faisait livrer nos repas quand on était étudiants, c’était très courant. Les Dabbawalas courent beaucoup, et j'ai pas mal étudié leur logistique. », raconte-t-il.  

Littéralement « porteurs de boîte », le Dabbawala est un livreur traditionnel indien de la région de Mumbai. Popularisé à travers le film indien The Lunchbox (2013), ce système vieux de 125 ans a fait ses preuves bien avant que les géants de la Silicon Valley ne s’emparent du marché mondial de la livraison, avec les désormais usuels Uber Eats, Deliveroo and Co, et ne s’imposent dans nos habitudes de consommation.  

De Mumbai à Nantes, comment importer une idée ?  

Et si eux aussi ont regardé de très près ce système de livraison, c’est parce que l’organisation des Dabbawalas est à la pointe de la logistique et de la performance. Ces livreurs, sans l’assistance d’aucune technologie, ont un des taux d’erreurs les plus faibles de la planète selon une étude menée en 2010 par la Harvard Business School. Avec plus de 200 000 repas livrés chaque jour, ils récupèrent au domicile de leurs clients des boîtes contenant des déjeuners fait maisons et alimentent le cœur économique de la ville. A la fin de la journée, ils restituent les boîtes aux foyers cuisiniers. « C'est très simple, la cuisine est mutualisée, dans une même rue il y a une dizaine de clients où ils récupèrent les boîtes, c’est aussi une belle économie de temps », explique Antoine Cheul. Un système basé sur la confiance des clients envers les livreurs, dans lequel le dirigeant a retrouvé des valeurs qui lui sont chères.   

« A mon retour, j'en ai parlé à un ancien prof indien, et petit à petit on s'est dit que ça pouvait être bien de faire ça en France pour les courses », raconte Antoine Cheul. L'entrepreneur veut mettre au cœur de sa solution les valeurs d’entraide indiennes, et faire de la livraison rapide un commerce vertueux. « Je suis dérangé par les systèmes de livraison qui exploitent les livreurs. Avec Shopopop, nous revendiquons un système d'entraide qui permet de se sentir utile et de gagner un peu d’argent », affirme-t-il. « Quand je suis arrivé à Nantes, je ne connaissais pas mes voisins de palier, alors qu'en Inde, tout le monde se connaissait », une proximité et une solidarité que le chef d’entreprise a insufflé dans son entreprise. 

C'est par l'intermédiaire d'un professeur qu'il rencontre son futur collaborateur Johan Ricaut. Les deux hommes cofondent Shopopop en 2016, en s’appuyant sur le concept de mobilité partagée. Il s’agit d’une plateforme qui met en relation les livreurs et les consommateurs. La société affiche aujourd’hui 200 000 clients en France et se positionne comme l’un des leaders de la livraison collaborative. Côté business développement, les deux entrepreneurs souhaitent appliquer leur système à la distribution de produits non alimentaire : « Notre limite sur les produits transportés est celle du volume », explique Johan Ricaut. Côté développement international, s’ils sont déjà présents au Bénélux et dans le sud de l’Europe (Italie, Espagne et Portugal), ils se projettent dans des horizons plus lointains. « C’est un rêve d'entrepreneurs de confronter ses idées à différentes cultures. Ce serait intéressant de développer le système dans des pays où les valeurs sont très différentes, comme au Japon, ou en Corée du Sud. », conclut Antoine Cheul.