Photonique, l’atout de Quandela dans la course à l’ordinateur quantique

Fondée par trois chercheurs du CNRS, Quandela, startup française spécialisée dans la photonique, projette la mise à disposition de son ordinateur quantique cette année. L’occasion pour nous de revenir sur le parcours de cette entreprise atypique et sur les enjeux de l’informatique quantique.

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équipe de Quandela
Sébastien Dolidon

Avec Quandela, les technologies de l’infiniment petit lèvent des millions. Lauréate en 2018 du concours I-Lab pour ses innovations dans les composantes photoniques (équivalent de l’électronique, où l’électricité est remplacée par la lumière), la structure créée en 2017 continue à faire parler d’elle. En novembre dernier, la jeune startup a levé 15 millions d’euros pour mettre à disposition son ordinateur quantique courant 2022.  

L’idée de la startup germe dans la tête de Niccolo Somaschi. Ce post-doctorant du laboratoire de nanosciences et nanotechnologies du CNRS et de l’université de Paris Saclay s’appuie sur une avancée notable dans le domaine de la photonique. Le pont entre le monde académique et l’entrepreneuriat n’étant pas toujours naturel, le projet entraîne d’abord un certain scepticisme. Pourtant convaincu de la viabilité de son projet, ce dernier qui effectue à l’époque son postdoctorat est rapidement rejoint par Valérian Giesz et Pascale Sennellart-Mardon, une directrice de recherche au CNRS. Si la conception de composants photoniques est principalement destinée au milieu académique, Quandela envisage dès 2019 d’élargir son offre afin de s’ouvrir à un plus large public. Le lancement de cet ordinateur quantique, dont la sortie est prévue courant 2022, résulte de ce virage stratégique. « On accède à l’ordinateur via un accès à distance qui permet d’utiliser l’ensemble des logiciels développés sur la machine qui est présente dans nos locaux », précise Valérian Giesz.  

L’utilisation de photons, un grand avantage dans la course à l’ordinateur quantique 

La technologie développée par Quandela tient dans l’émission de lumière au travers de ce que l’on appelle des puces photoniques pour effectuer des opérations de calcul. L’emploi de cette technologie exclusivement française, contrairement aux autres solutions développées par les grands acteurs mondiaux du secteur comme IBM, permet de résoudre la décohérence quantique (les particules - à l’exception des photons - sont particulièrement sensibles à leurs environnements, ainsi une infime variation de température peut perturber le fonctionnement normal de l’ordinateur). De prime abord, l’utilisation de photons est ici un grand avantage dans la course à l’ordinateur quantique, à condition d’être capable de contrôler ces derniers qui ont la particularité d’être très rapides, souligne Niccolo Somaschi.  

Concrètement, on trouve des applications à l’informatique quantique dans tous les domaines où une forte capacité de calcul est nécessaire, la logistique, le traitement de grandes bases de données ou la cybersécurité. Plus étonnant, il s’agit aussi d’une source de progrès prometteuse dans le développement des jumeaux numérique (modélisation numérique d’objets divers), dont les cas d’applications concernent aussi bien l’aéronautique, que l’industrie pharmaceutique. Pour bien comprendre l’apport de l’ordinateur quantique, il convient de comprendre le principe de fonctionnement de ce dernier. Le plus simple est d’imaginer un labyrinthe. Pour le résoudre un ordinateur classique, même particulièrement, puissant essaye un chemin après l’autre. Au contraire, les ordinateurs qui se basent sur les fondements de la physique quantique peuvent suivre un grand nombre de chemins en même temps, ce qui augmente grandement leur capacité de calcul. Cette révolution de l’infiniment petit repose fondamentalement sur la notion de « superposition des états », c’est-à-dire la propriété des particules d’être à différents endroits à la fois. Ainsi, quand l’ordinateur fonctionne en bits (valant 0 ou 1) ; l’ordinateur quantique utilise des qubits (valent une superposition de 0 et 1). En outre, en promettant une accélération considérable de la vitesse et de la capacité de calcul, ces nouvelles machines promettent la résolution de problèmes qui demeurent insolubles pour un ordinateur classique.   

Atteindre le top 3 des nations sur les technologies quantiques 

« À nos débuts en 2017, c’était encore compliqué de mobiliser les investisseurs autours de projets quantiques. Il n’y avait que les startups dans le digital qui levaient des fonds », commentent les deux entrepreneurs qui admettent tout de même que les choses évoluent. Le fonds Quantonation lancé par Charles Beigbeder et Christophe Jurczak, également fondateur de la startup Pasqal, est notamment le premier acteur privé au monde à être exclusivement dédié aux technologies quantiques. Si l’investissement privé se développe, c’est aussi le résultat d’aides publiques pour dynamiser le secteur. « Le plan deeptech joue un rôle majeur, on parle plus facilement de réindustrialisation en France aujourd’hui », assure Niccolo Somaschi. « Sur les technologies quantiques, la France dispose d’un écosystème unique au monde. Ne pas investir dedans aurait été une grande opportunité manquée », commente Valérian Giesz à propos du plan quantique, annoncé en janvier 2020 par le président de la République Emmanuel Macron. Avec pour objectif de placer la France dans le top 3 des nations sur les technologies quantiques, c’est une enveloppe d’1,8 milliard d’euros sur cinq ans qui est allouée au secteur par le gouvernement.  

« Notre roadmap technologique est faite pour sortir des modules, des applications touchant des domaines parallèles », spécifie Valérian Giesz pour qui l’objectif à long terme de Quandela doit être le développement d’un internet quantique. Pour se faire, la startup compte exploiter les sources de lumière, qu’elle utilise déjà dans la conception de ses ordinateurs, pour mettre au point des systèmes d’interconnexion d’objets (mise en réseau de différentes machines quantiques).