Lattice Medical met la 3D au service de la reconstruction mammaire

Depuis 2017, Lattice Medical développe la bioprothèse mammaire Mattisse conçue grâce à une imprimante 3D. Aujourd’hui testée sur une cinquantaine de patientes, cette innovation lilloise est en passe d’obtenir le marquage CE afin d’être mise sur le marché.  

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« Aujourd’hui le cancer du sein touche une femme sur huit dans le monde, soit 1,7 million de malades chaque année », affirme Julien Payen, cofondateur de la deeptech lilloise Lattice Medical. « Dans 40 % des cas, la mastectomie est le traitement habituel préconisé, suivi d’une chimiothérapie ou d’une radiothérapie. Mais au bout du compte, seules 14 % des patientes choisissent d’avoir recours à une reconstruction mammaire complète ». Quelle que soit la méthode choisie, cette opération exige le plus souvent deux à trois interventions, étalées sur plusieurs mois. Et même si elle fait partie intégrante de la prise en charge du cancer du sein, selon l’Institut national du cancer (Inca), de nombreuses femmes décident d’y renoncer afin de préserver leur corps de nouvelles opérations douloureuses. 
 
Pour permettre aux patientes de bénéficier d’une reconstruction mammaire complète, et en une seule opération, Lattice Medical a développé l’implant Mattisse. « Notre objectif était de rendre cette technique chirurgicale accessible à tous les chirurgiens plasticiens spécialisés dans la reconstruction mammaire. Ici, l'opération ne nécessite que six instruments et le temps moyen passe de plusieurs heures à seulement 60 minutes », note l’entrepreneur. Dans la pratique, le chirurgien prélève ce qu'on appelle un lambeau adipeux, autrement dit, un tissu graisseux, situé entre la 7e et la 8e côte de la patiente et le place à l’intérieur de l'implant Mattisse afin qu’il se développe et s’étende progressivement. Composé de matériaux biorésorbable et imprimé en 3D, ce dernier dispose d’une première coque dédiée au support du lambeau et d’une seconde qui assure la reconstruction du volume et de la forme. « Les premiers essais cliniques nous ont démontré qu’un mois seulement après l'intervention, la patiente avait totalement cicatrisé et repris son activité », se félicite Julien Payen. 

Quand la French Care rencontre le savoir-faire français 

A l’origine de cette innovation mondiale : la dentelle de Calais ! « Je suis ingénieur textile de formation et j’ai passé plus de 15 ans dans ce secteur et notamment dans la conception de masques FFP2 ». Progressivement, et au gré des rencontres, Julien Payen est amené à échanger avec trois professionnels de santé du CHU de Lille qui deviendront plus tard ses associés. A l’époque, tous sont unanimes sur le parcours chaotique que doivent emprunter les patientes souhaitant avoir recours à une reconstruction mammaire. C’est pourquoi, dès 2012, ils décident de réfléchir collectivement à une solution capable de soulager ces femmes. Après quelques années de recherche, les entrepreneurs, devenus dirigeants de la deeptech lilloise, mettent au point une technologie faisant appel à la célèbre dentelle de Calais. « Notre hypothèse était que le maillage de ce tissu favoriserait la croissance des cellules et leur vascularisation ». 

Si jusque-là, les autres prototypes de prothèses mammaires à base de cellules graisseuses humaines se révélaient peu concluants, l’implant Mattisse démontre rapidement des résultats prometteurs. Progressivement, la dentelle de Calais, connue pour sa finesse et sa souplesse, laisse sa place à l’impression 3D. « On s’est rendu compte de la force de cette technologie pour concevoir des pièces assez texturées avec des porosités et un quadrillage plutôt fin. Donc, pour des questions de flexibilité et de transfert industriel, nous sommes passés sur des biopolymères médicaux et l’impression 3D ». Une technologie qui leur permet de rendre l’implant plus léger mais également d’optimiser sa forme afin qu’elle soit au plus proche de celle du sein initial. S’en suivra pour la patiente une période de six mois, durant laquelle le volume graisseux occupera de plus en plus d’espace jusqu’à ce que l’implant disparaisse complètement.  

Une innovation française aux portes des Etats Unis 

Après une première levée de fonds réalisée en 2018 dans le but de lancer des études pré-cliniques sur l'implant Mattisse, l’entreprise obtient, quatre ans plus tard, les autorisations pour démarrer les essais sur un échantillon de patientes. Mais c’est pourtant loin d’être le bout du tunnel. « Le premier frein est d’ordre industriel. A la création de l’entreprise, on a fait le choix de produire nous-même, ce qui limite notre capacité de travail », déplore Julien Payen. « Là on est parti pour trois ans et demi d'essais cliniques afin de démontrer que notre produit est sans risque pour l’humain ». Si cette phase est nécessaire à la mise sur le marché d’une telle solution, elle sous-entend néanmoins que l’entreprise ne pourra générer de chiffre d’affaires pendant cette période. Un temps que Lattice Medical met à profit pour développer Rodin, une solution qui vise à reconstruire les tissus de la peau des grands brûlés ou des victimes d’accident de la route. « Et chose assez surprenante, nous avons reçu une enveloppe financière de l'armée pour le développement de ce produit », note le co-fondateur. Un projet qui a notamment permit à l’entreprise d’obtenir 1 million d’euros de financement en juin dernier dans le cadre de l’appel à projets « RAPID (régime d’appui à l’innovation duale) ». 

Plus récemment, la deeptech a enclenché les démarches pour commercialiser sa solution aux États-Unis. « Contrairement à l’Europe, développer un produit en Amérique est plus facile car on communique avec une langue unique. De plus, le système réglementaire y est devenu plus souple que chez nous », complète Julien Payen. Des avantages qui compensent le coup de production d’une solution telle que Mattisse qui est, selon l’entrepreneur, quatre à cinq fois plus chère outre-Atlantique. Pour autant, il ne souhaite, pour le moment, nullement y développer une usine et se projette plutôt à horizon 10 ans. « Si on installe une usine aux États-Unis, c'est qu’il y aura une vraie demande commerciale », précise-t-il. D’ici là, Lattice Medical ambitionne d’atteindre une production de 1 500 implants par an pour atteindre le marquage CE en 2025 et faire de Mattisse un standard de référence pour tous les cas de reconstruction mammaire post-cancer.  

 

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Mélanie Bruxer Rédactrice web