La Communauté portuaire de Paris : le transport fluvial au coeur des enjeux écologiques

Olivier Jamey, président de la Communauté portuaire de Paris, nous éclaire sur les enjeux urgents de transition des métiers de la Seine et des projets mis en place par la Communauté en matière de Transition Ecologique et Energétique (TEE).

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« Sous le pont Mirabeau coule la Seine et nos amours », écrivait Apollinaire dans un poème devenu mythique. Et plus d’une centaine d’entreprises aussi, ajouterons-nous ! Chantée sur tous les tons, représentée dans tous les paysages pittoresques de Paris, on oublie souvent qu’autour de la Seine s’agglomèrent près de 130 entreprises, allant des bars aux barges marchandes, des bouquinistes aux bateaux mouches, en passant par des cimentiers aux boîtes de nuit. Curieux de ces entreprises construites autour du fleuve emblématique de la capitale et de leur transition écologique, Big média est parti à la rencontre de la Communauté portuaire de Paris.

Les métiers de la Seine : des TPE aux grands groupes

Fondée en 2015, la Communauté portuaire de Paris (CPP) est le porte-parole de toutes les entreprises liées au fleuve parisien, situées près de l’écluse du Port-à-l’Anglais (à l’est de Paris) à l’île Saint-Denis. Souvent résumés aux bateaux de promenades, les métiers du fleuve sont méconnus. « On aborde souvent le fleuve comme un sujet exclusivement naviguant mais il y a des activités à quai aussi, explique Olivier Jamey, président de la Communauté. 50 % des métiers de la Seine sont fixes. On retrouve à la fois des entreprises individuelles comme des grands groupes comme Lafarge ou Sodexo. Leurs activités sont également extrêmement diverses ».

Au-delà de sa mission de représentation, la Communauté accompagne les entreprises dans leur TEE. Composée de 130 membres reflétant la diversité des métiers du fleuve, la mission de la CPP est structurée autour de trois axes majeurs : la transition écologique, la logistique urbaine et la mixité des usages qui consiste à densifier les activités dans l’espace. « Contrairement à d’autres communautés portuaires existantes depuis le XXe siècle, la CPP n’a été créée qu’en 2015. Ceci s’explique par la diversité des métiers qu’y sont liés et la difficulté de les unir. On parle d’une vitrine touristique de Paris, d’un lieu mythique et culturel, d’un site de transport et d’activités industrielles. Cette place stratégique pousse à agir sans attendre avec deux horizons urgents que nous gardons en tête : le climat et les Jeux olympiques de Paris. », ajoute Olivier Jamey.   

Un projet de remotorisation des bateaux

La préoccupation est principalement climatique et concerne les émissions de CO2 des bateaux. Longtemps, le transport fluvial a joui en matière écologique d’un avantage sur le transport terrestre. Pourtant, l’horizon de l’exclusion des véhicules terrestres thermiques des villes oblige le transport fluvial à se remettre en question. « Il est vrai que les zones à faibles émissions ne s’appliquent pas aux fleuves. Mais d’ici 2030, il est probable que les bateaux soient les seuls à fumer encore en ville. C’est inconcevable pour nous de les laisser devenir les plus polluants. » 

Les bateaux des armements parisiens de la Seine ont 60 ans d’âge moyen. Deux solutions sont envisageables pour réduire leurs émissions : les renouveler entièrement ou les remotoriser.« Nous avons mené une étude sur les armements parisiens. Remotoriser les bateaux est la démarche la plus raisonnable. Un bateau est un bien pérenne, le jeter pour en reconstruire un autre est une démarche économiquement et écologiquement contre-productive. Nous avons voulu produire un effet de levier en ne misant que sur un groupe de bateaux puisque les remotoriser tous couterait très cher. Notre idée a été d’en sélectionner 12 qui représentent les six activités principales. » Ce « groupe pilote » est accompagné et financé par la CPP. Sa vocation ? Initier le changement et inspirer la mise en place d’initiatives similaires.

Le transport fluvial :  un enjeu écologique et urbain

Le projet de la CPP ne consiste toutefois pas à changer seulement la motorisation des bateaux mais à trouver une équation rentable. « Nous faisons en sorte que, sur 10 ans, les coûts d’investissement et les coûts d’utilisation de l’électrique puissent être équivalents à ceux de l’exploitation thermique. » Le projet pilote de la CPP est actuellement financé par des acteurs publics. « Pour mener à bien ce projet et en démarrer d’autres, nous avons besoin de financements. Nous essayons de les trouver auprès des acteurs publics et nous les cherchons aussi auprès des armateurs bien établis en faveur de ceux plus affaiblis. Pour l’instant nous travaillons étroitement avec la Caisse des dépôts et la Banque des Territoires et souhaitons élargir au-delà nos sources de financement de notre action. »  

Une action inédite à l’échelle européenne. « L’exemple de Paris est unique, car les armateurs, les exploitants du fleuve, ont décidé de se saisir du sujet à travers leur communauté portuaire et d’agir spontanément en faveur de la transition écologique », explique le président de la Communauté.  Cette ambition est également liée à un enjeu très important, celui du transport fluvial. Il jouera un rôle de plus en plus impactant dans les années à venir.  « Nous sommes à l’approche d’un tournant en matière de transport des déchets. Depuis juin 2021, Paris, Le Havre et Rouen ne constituent plus qu’un port unique. Avec des véhicules routiers de plus en plus écartés des villes, le fleuve a un rôle à jouer en matière de massification de flux sans impact environnemental, à l’entrée et à la sortie de la ville. » Ces transformations du secteur fluvial impliquent de nouvelles compétences techniques et ouvrent la porte à un marché opportun sur lequel l'industrie française doit jouer un rôle précurseur. 

Par ailleurs, la démarche de la Communauté Portuaire ne se cantonne pas à la remotorisation des unités fluviales existantes. En parallèle de l’étude menée sur les bateaux existants, la communauté travaille à trouver de nouveaux usages du fleuve, et à repenser la place de la Seine au sein de la capitale. C’est pourquoi cette dernière conduit une démarche innovante sur la conception du « bateau du futur ».