JCDecaux, dans notre quotidien depuis deux générations

Depuis 1964, JCDecaux fait partie de notre quotidien sans même que l’on s’en rende compte. A travers un modèle économique disruptif et une gamme de produits variée, l’entreprise a su s’imposer dans le monde entier. Portrait d’une success story familiale française.

  • Temps de lecture: 4 - 5 min
jcdecaux

« Vous m’avez vu, mais vous ne m’avez pas regardé ». Si cette phrase est une réplique phare d’Omar Sy dans la série Lupin, elle pourrait aussi coller aux services de l’entreprise JCDecaux. Mobiliers urbains, abribus, affichages extérieurs, affichages publicitaires dans les aéroports et les gares, vélos en libre-service, sanitaires à entretien automatique… JCDecaux est partout autour de nous sans même que l’on s’en aperçoive. Créée au début des années 1960 par Jean-Claude Decaux, la société est une histoire de famille. L’entrepreneur, inventeur de l’abribus publicitaire, a révolutionné le mobilier urbain en le rendant gratuit pour les villes à travers un modèle économique basé sur la publicité. C’est épaulé par son frère qu’il convainc les communes de France d’adopter son modèle, tandis qu’à partir des années 1980, ses fils Jean-François, Jean-Charles et Jean-Sébastien Decaux déploient l’entreprise à l’international.

Paris : vitrine grandeur natures des innovations de l’entreprise

A 15 ans, Jean-Claude Decaux est déjà attiré par l’affichage publicitaire. Un été, alors que ses parents, propriétaires d’un magasin de chaussures à Beauvais, partent en vacances, il décide de coller des affiches dans un rayon de 30 km pour promouvoir la boutique et augmenter son chiffre d’affaires. Cette première expérience fonctionne, même si ses parents ne le félicitent pas pour autant. A 18 ans, alors qu’il n’est même pas majeur (à l’époque, la majorité était à 21 ans, ndlr), il crée son entreprise et devient colleur d’affiches pour des commerçants. « Mais son obsession est de se différencier de ses concurrents. Pour ça, il sait qu’il doit apporter une nouvelle proposition de valeur et de service », indique Jean-Charles Decaux, actuel Président du Directoire et co-Directeur Général de JCDecaux.

En pleine période des Trente Glorieuses où l’urbanisation devient une priorité, Jean-Claude Decaux observe les habitants des villes et remarque qu’ils passent beaucoup de temps à patienter à l’arrêt de bus, y compris sous la pluie. En 1964, il crée un modèle inédit : l’abribus publicitaire. Le maire de Lyon, qui est le premier à se laisser convaincre par cette innovation, lui en commande 40. Jean-Claude Decaux et son frère Jean-Pierre ont dû, au démarrage, assurer la production, puis la promotion auprès des annonceurs. Ils défendent l’idée d’une publicité qui se présente à hauteur d’homme et qui bénéficie des meilleurs emplacements, là où circulent les piétons, à portée de vue des automobilistes, et visible 24h/24 grâce à son éclairage. « Quand il a cette idée, assez vite elle décolle parce qu’elle intéresse les villes et les compagnies de transport qui n’ont plus à payer les abribus ni à les entretenir », assure Jean-Charles Decaux.

En 1971, 7 500 abribus JCDecaux équipent 165 villes de province et 140 communes de la région parisienne. Plus de 90 % des villes de plus de 30 000 habitants sont convaincues. Il ne reste à l’entreprise qu’un défi : Paris. Pour déployer ses services dans la Capitale, Jean-Claude Decaux décide de diversifier son offre de mobiliers urbains. Il imagine un dispositif qui permettrait aux villes de diffuser des informations pratiques. Le mobilier urbain pour l’information (MUPI), surnommée « sucette », est inventé en 1972. Quelques années plus tard, JCDecaux conçoit des panneaux de signalisation ainsi que le journal électronique d’information et d’autres innovations comme les sanitaires publics à entretien automatique.

Internationaliser l’entreprise : le défi de la 2e génération

A travers une gamme de produits toujours plus diversifiée, Jean-Claude Decaux réussit à convaincre une grande majorité des villes de l’Hexagone. Dès les années 1970, l’entrepreneur pense déjà à s’internationaliser notamment en Belgique, à Bruxelles. Mais ce sont surtout ses trois fils, Jean-François, Jean-Charles et Jean-Sébastien, qui font de l’entreprise un fleuron français à l’international. Pourtant, porter le nom Decaux ne rend pas la tâche plus aisée. « Entrer dans l’entreprise n’était pas un dû. Notre père a eu l’intelligence de nous mettre en situation de réussir. Le parcours, qui était long et initiatique, a forgé notre légitimité. Pour intégrer la société, il fallait développer un business à l’étranger », explique Jean-Charles Decaux. Le premier à se lancer est Jean-François, le fils ainé, en Allemagne. Deux semaines après la chute du mur de Berlin, il fait de JCDecaux la première société autorisée à exploiter de la publicité sur le domaine public, à Leipzig, en Allemagne de l’est, avant la réunification. Il déploie aussi l’entreprise dans les pays scandinaves, avant de s’implanter en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.

En 1990, c’est au tour de Jean-Charles Decaux de développer la marque à l’étranger. Il s’envole pour l’Espagne. « En arrivant sur place, nous avons dû tout construire pas à pas ». Il conquiert d’abord la ville de Saragosse, avant de convaincre Madrid puis Barcelone, jusqu’à devenir leader dans le pays. L’entrepreneur investit également l’Italie et le Portugal, dont l’expansion de ces zones sera reprise par le frère cadet, Jean-Sébastien Decaux à partir des années 2010. Mais Jean-Charles Decaux a en tête l’idée de développer JCDecaux en Asie, et principalement en Chine. « A partir de 1992, je décide de m’y rendre quatre fois par an. Ce n’est qu’en 1999 que nous obtenons nos premiers contrats en Asie », souligne-t-il. Aujourd’hui, JCDecaux est leader de la communication extérieure dans les transports dans l’Empire du Milieu. L’entreprise est présente dans plus de 80 pays et plus de 3500 villes dans le monde générant une audience quotidienne de plus de 850 millions de personnes.

Le nouveau millénaire comme passage de témoin

En 1999, à l’ère de l’an 2000, la deuxième génération veut accélérer la diversification de l’entreprise. Jean-Charles et Jean-François Decaux amorcent le lancement d’une activité d’affichage grand format et de publicité dans les aéroports en rachetant la société Avenir, le pôle de communication extérieur d’Havas Media Communication. Jean-Charles prend la direction de l’entreprise en France afin de structurer la nouvelle entité, tandis qu’en parallèle, Jean-François assure la transition en Grande-Bretagne.

En 2000, la structure de JCDecaux est modifiée. Les deux frères prennent la tête du Directoire de l’entreprise, avec une Présidence alternée d’une année sur l’autre. Ils ont en tête de continuer d’accélérer la croissance de la société en l’introduisant en bourse. C’est chose faite en 2001, en plein éclatement de la bulle internet, tandis que tout le monde leur disait qu’il valait mieux attendre une embellie. L’entreprise est numéro 1 mondial de son secteur depuis 2011 : « L’objectif était à la fois de garder le meilleur de l’entreprise familiale, tout en prenant le meilleur des sociétés cotées ».

Aujourd’hui, JCDecaux continue d’innover en diversifiant ses activités. Le mobilier urbain représente 52,5% de son chiffre d’affaires à fin 2021 avec une part du digital en forte croissance par rapport à 2016. Sur le marché global des médias, la communication extérieure est le seul média, avec le web mobile, à être structurellement en croissance. « Nous voulons désormais enrichir toujours plus notre offre. Nous allons poursuivre notre transformation digitale et accélérer notre stratégie de mutation par la Data en partenariat avec toutes nos parties prenantes. Enfin, nous sommes aussi en train d’explorer des univers potentiellement rupturistes comme les métavers », explique Jean-Charles Decaux. Un défi dont pourrait s’emparer la troisième génération Decaux. « On prépare les générations futures à être en capacité de faire des choix. Avant tout, on leur donne des valeurs, un respect du travail, une volonté d’engagement. ».