Daher : d’armateur à industriel en passant par logisticien, retour sur 160 ans de transformation

Daher, l’un des pionniers du secteur industriel français, va souffler ses 160 bougies cette année. Pour l’occasion, Big média a rencontré Patrick Daher, arrière-petit-fils du fondateur de la société, qui est revenu sur le parcours et les ambitions de l’entreprise familiale.

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Daher
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« Le fait que Daher ait plus d'un siècle et demi montre que nous sommes engagés et prêts à tout », raconte Patrick Daher, arrière-petit-fils du fondateur de l’entreprise et actuel président du groupe. Fondée à Marseille en 1863, Daher est une société qui vise à aider les grands groupes industriels notamment sur le transport de marchandise. « On est au début de l'ère industrielle et à l'époque où les entreprises passent par Marseille pour s’exporter », explique l'arrière-petit-fils du fondateur. Dès 1880, la société se spécialise dans le transport de matériel lourd. « Les grands industriels ont des besoins logistiques, c'est pour ça que Daher va les accompagner dans leurs besoins. A cette période, il faut transporter des marchandises comme le ciment, l'acier ou les engins de chantier. Nous sommes donc devenus armateurs », détaille-t-il. Dans cette continuité, le groupe français commence son internationalisation dès 1920 et s’ancre dans plusieurs pays. « Au fur et à mesure, le secteur commence à se consolider et à s'internationaliser. Et une fois installés dans un nouveau pays, les industriels ont naturellement eu besoin de partenaires sur place. C'est pourquoi nous avons décidé de développer des antennes dans différents pays ».

Durant les 50 premières années de sa vie, l’entreprise est reconnue comme l’un des plus grands armateurs de son temps. Mais progressivement, l’évolution des tendances fait prendre un autre chemin à la société. « Entre 1970-1980, on sort du métier d'armateur », détaille Patrick Daher. « Avec l’arrivé des conteneurs, plus économiques, les grandes industries n'ont plus eu besoin de nous ». En 1973, une crise mondiale explose. C’est le premier choc pétrolier. A la suite d’un pic de production de la part des Etats-Unis et l’abandon des accords de Bretton Woods (accords financiers qui donne les grandes lignes du système financier international NDLR), la France se lance dans la production de central nucléaire. « Ces sites se construisaient principalement en bordure de mer ou rivière, il fallait donc quelqu’un pour transporter ces gros morceaux de béton. Mais une fois arrivé à destination, il faut encore construire la centrale et à cette époque nous sommes les seuls à avoir des grues assez puissantes pour le faire », raconte le président de Daher. C’est à cette période que l’entreprise, tout juste centenaire, devient une véritable entreprise de logistique. Mais ce n’est que quelques années plus tard qu’elle connaîtra une véritable transformation. 

Daher se lance dans l'industrie

En 1998, Daher, rencontre la société Lhotellier Montrichard, entreprise logistique et industrielle experte de l’emballage. « Nous avons choisi de rentrer à 75 % au capital de l’entreprise en 1999 pour son côté logistique », raconte Patrick Daher. « A l’époque je pensais me séparer de la branche industrielle de cette nouvelle entreprise mais avec les pertes des années passées nous nous sommes demandé s'il n'était pas judicieux de nous industrialiser ». C’est ainsi qu’à 136 printemps, l’entreprise qui emploie déjà près de 500 personnes, décide de se lancer dans l’aéronautique. « Si nous devions nous lancer dans ce secteur, il fallait miser sur cette branche et le savoir-faire français qu'elle véhicule ». Trois ans seront nécessaires à l'entreprise pour se lancer enfin dans l'aventure industrielle.

« A partir de 2003, nous avons commencé à acquérir plusieurs entreprises du secteur afin de consolider notre activité.  », explique le président. En 2008 Airbus décide de céder plusieurs sociétés dont Socata, « l’héritière de Morane-Saulnier, l'un des plus grands avionneurs de l’époque » que l’entreprise rachète un an plus tard. Daher alors logisticien et industriel devient également avionneur. Depuis, l’entreprise continue de grandir avec, en ligne de mire, l'ambition de s'imposer en France et à l'international. 

« Nous sommes convaincus qu'il faut retrouver des filières industrielles fortes en France »

« Notre plan stratégique baptisé “Take off 2027” n’est pas une projection de ce que nous sommes aujourd’hui mais plutôt un moyen de transformer le groupe », détaille Patrick Daher. A travers ce plan, le groupe souhaite devenir une entreprise internationale rentable, « ce qui n'est pas simple, car cela nécessite de s’approprier les codes et les cultures des différents pays ». Dans ce but, le groupe a récemment racheté deux entreprises américaines avec l'ambition de devenir un acteur majeur aux Etats Unis.  
L’autre grand objectif de Daher concerne l’écologie. « Il y a de nombreuses discussions sur notre rapport à la planète et au fait de proposer des modes de transport plus vertueux », partage le président du groupe. C’est pourquoi l’entreprise souhaite créer l’avion de demain afin de faire baisser l’empreinte carbone du secteur de l’aviation et ainsi participer au ralentissement de la catastrophe écologique « vers laquelle nous nous dirigeons ». C'est pourquoi l’entreprise souhaite devancer les puissances émergentes qui ont moins de ressources, selon le dirigeant, que les pays développés. Ainsi, l’entreprise aimerait centraliser les demandes de construction vers les pays disposant des moyens nécessaires afin « de ralentir le désastre environnemental ».

Daher, dans son plan stratégique, ambitionne également de sensibiliser les jeunes sur la transformation de l’industrie, notamment en invitant régulièrement des étudiants à visiter ses usines. Pour Patrick Daher, il est important de montrer que « l’époque de Zola » est finie et que l’industrie d'aujourd’hui est pourvoyeuse d'emplois, d'innovations et de défis environnementaux.  Une démarche qui séduit, lorsqu’on constate que 72 % des lycéens, en parcours scientifique, ont une bonne image de l’industrie, d’après une étude de Bpifrance et d’Arts & Métiers ParisTech. « Dans les années 90, on ne raisonnait que par rapport au tertiaire. En tant qu’industriel, nous sommes convaincus qu'il faut retrouver des filières industrielles fortes en France. C’est pourquoi je trouve formidable que nos jeunes se sentent de nouveau concernés par ce secteur », conclut Patrick Daher.