Caddie, une histoire de reprises

Symbole emblématique du pouvoir d’achat des Français, la marque Caddie a su se réinventer au fil des décennies. Après un rachat inespéré par le groupe Cochez, retour sur l'histoire de la marque française les Ateliers Réunis Caddie.  
 

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Caddie années 50

Mardi 22 mars, Caddie roule depuis deux ans déjà à flanc de falaise.  Après un redressement judiciaire au début de l'année 2022, la Cour de Justice donne son feu vert pour le rachat de l’entreprise par le groupe Cochez.   « Caddie fait partie des marques qui n’ont pas besoin de carte de visite.  C’est ce qui a séduit le groupe Cochez et les a motivés de continuer l’aventure avec nous », explique Stéphane Dedieu, ancien PDG des Ateliers Réunis Caddie et administrateur de la nouvelle société Caddie SAS. Une bonne nouvelle pour l'entreprise qui marque également le début d'un avenir placé sous le signe de l'innovation.  

Un marketing pris en modèle  

En 1928, Raymond Joseph, jeune entrepreneur alsacien, crée une société qui conçoit des articles en métal pour la maison. « De la mangeoire pour les oiseaux aux égouttoirs pour la vaisselle en passant par les porte-savons, Raymond Joseph fonde une société qui ne cesse de s'agrandir.  C’est ce qui l’a poussé à racheter les usines autour de la sienne, d’où le nom des Ateliers Réunis », explique l’ancien PDG.  

La guerre vient stopper net l'entreprise qui doit fermer boutique en 1941.  Raymond Joseph se voit confisquer sa société et se réfugie à Limoges.  Six ans plus tard, enfin de retour à bord des Ateliers Réunis, l'entrepreneur a des idées plein la tête. Mais celle qui révolutionnera la façon de faire ses achats vient de son neveu, Marc Joseph. Le jeune homme, alors étudiant aux Etats-Unis, rapporte à son oncle que là-bas, le libre-service a révolutionné les habitudes de consommation des ménages. Le monde se prépare alors à entrer dans l'ère des supermarchés et de la grande distribution.  

 Après plusieurs allers-retours aux États-Unis, l’Alsacien se rapproche des supermarchés et propose alors de leur concevoir des chariots pour faire les courses. Et c’est dans la ville de Vittel, à la fin des années 50, que les Ateliers Réunis deviennent les Ateliers Réunis Caddie.  « Lors d'une partie de golf, Raymond Joseph trouve l'idée de déposer ses clubs directement dans un de ses propres chariots plutôt que le donner, comme c'est l'usage, à un caddie. Le nom est alors tout trouvé, ce sera caddie ! Il dépose le nom sur tout ce qui concerne le matériel roulant et il le fait sous toutes les écritures possibles », raconte Stéphane Dedieu.  

Un sens du marketing visionnaire qui vaut à l'entrepreneur d'être imité par de nombreux dirigeants. Entre la fin des années 1950 et 1984, Caddie s’exporte dans plus de 70 pays et entre dans le livre des records en créant le plus grand chariot du monde. « C’était une période folle pour l’entreprise. Les magasins ouvraient en fonction de la date de livraison de leurs caddies !  A l'époque, tout était produit au même endroit et nous n’arrivions plus à suivre », développe l’administrateur. Une perte de vitesse qui s'accentuera avec le décès de son fondateur en 1984. 

Caddie roule à contresens  

 « En 1984, la fille adoptive de Raymond Joseph, Alice, reprend l’entreprise, mais malheureusement, attachée au travail de son père, elle ne change rien à la production de l’époque. »  Une erreur qui freine l’évolution de l’entreprise. Avec de nombreuses commandes à travers le monde, les Ateliers Réunis Caddie n’arrivent plus à suivre mais se refusent à délocaliser. Les délais de livraison s’allongent et la société se voit dépasser par ses concurrents. Cette longue décroissance continue jusqu'en 2012, année où Alice Joseph quitte l'entreprise familiale après un premier redressement judiciaire.  

 L’entreprise est sauvée in extrémis par le groupe Altia qui reprend la société. Malheureusement, le groupe automobile ne se porte pas bien. Il fait deux ans après la reprise de Caddie qui est confrontée à un second redressement judiciaire. « J’ai toujours été un salarié de Caddie. En 2014, je me suis donc dit ‘pourquoi ne pas reprendre l’entreprise ? », explique Stéphane Dedieu. Cette reprise inespérée permet à l'entreprise d'échapper de peu à une liquidation judiciaire. Quatre ans plus tard, elle s'allie à l'un de ses concurrents afin de moderniser ses process de fabrication. Un choix judicieux qui vaudra à l'entreprise le label "Entreprise du Patrimoine Vivant" en 2020.  Caddie trouve un second souffle. Malheureusement, la crise du Covid-19 coupe ce nouvel élan. Les problèmes de financements s’enchaînent et, en janvier 2022, l’entreprise fait face à un troisième redressement judiciaire.  

« L’aventure continue »  

« Il ne faut pas se lamenter, il faut tout de suite penser au futur. » C’est la devise de Stéphane Dedieu. Après le rachat par Pascal Cochez, président du groupe Cochez et de la nouvelle entreprise Caddie SAS, celle-ci ne perds pas une minute et se tourne vers l'avenir. « En 2022, nous faisons face à plusieurs enjeux. Celui de l’augmentation du prix de la matière première et nous essayons d’imaginer à quoi ressemblera le caddie de demain », explique l’ancien PDG. Avec l’augmentation des achats en ligne pendant la pandémie, l’entreprise a dû se poser la question de moderniser ses caddies.  
  
« Je pense que les gens ont besoin d’aller en magasin pour voir ce dont ils ont besoin, mais ce qui pose problème, c’est le passage en caisse », partage le dirigeant. Caddie a donc mis au point un chariot qui fonctionne au poids et reconnait les articles déposés afin d’éviter le passage en caisse, et sa longue file d'attente. « Le but est de rendre le chariot intelligent pour gagner en rapidité ». Cette innovation est déjà en place dans plusieurs endroits en France et n’attend que son déploiement dans les quelques 120 pays où l’entreprise est présente. Les Atelier Réunis Caddie comptent bien remonter la pente. « L’aventure continue et c’est important » conclut Stéphane Dedieu.