Alice & Bob, l’ordinateur quantique français qui rivalise avec les GAFAM

Deeptech soutenue par Bpifrance, Alice & Bob est présente dans la course mondiale au développement de l'ordinateur quantique. Face aux géants américains, la France a une carte à jouer. L’enjeu est colossal : l’ordinateur quantique promet de révolutionner de nombreux secteurs.

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Alice & Bob, l’ordinateur quantique français qui rivalise avec les GAFAM

En février 2020, Théau Peronnin et Raphaël Lescanne n’ont même pas encore soutenu leur thèse de physique quantique à l’ENS de Paris et de Lyon quand ils décident de fonder leur société. « Nous avions autour de nous une dizaine de jeunes physiciens français brillants issus de l'Inria, du CEA, du CNRS, de l'école des Mines ou des ENS, avec qui nous avions en commun une vision de l'ordinateur quantique et une élégance de l'approche », raconte le cofondateur de la jeune pousse parisienne, qui comptera bientôt une soixantaine de salariés.

En pleine première vague de Covid, le petit groupe de chercheurs se lance officiellement dans la course mondiale à l’ordinateur quantique, la nouvelle révolution annoncée. Une publication dans Nature Physics, autour de leur concept de « qubit de chat », décuple leur motivation. « On savait qu’on allait rivaliser avec les GAFAM autour de cet enjeu du calcul quantique universel sans compromis, raconte Théau Peronnin, mais on savait aussi que notre approche pouvait permettre d'y parvenir avec une complexité moindre ». La start-up ne cache pas son objectif : être les premiers au monde à fournir un bit quantique (ou qubit) protégé de ses erreurs.


La quête du qubit sans erreur


Le « qubit de chat », référence à l’état quantique du chat de Schrödinger, est une « technologie unique de bit quantique supraconducteur autocorrectif », lit-on sur le site d’Alice & Bob. Un tel qubit permet de multiplier par 100 000 le temps de vie des bits quantiques, et simplifie considérablement la conception d’un qubit « idéal » sans erreur, qui échappe à la « décohérence ». Le Graal. 
Résoudre ce problème ouvrira la voie aux futurs ordinateurs quantiques, dont la puissance de calcul colossale est appelée à bouleverser bien des secteurs : chimie, optimisation, ingénierie… « L'impact économique estimé se chiffre en centaines de milliards d’euros », rappelle Théau Peronnin.

Pour atteindre son Graal, la start-up française a recours à des circuits supraconducteurs refroidis à très basse température, de l'ordre de 10 millikelvin. La deeptech affirme être sur la bonne voie : « Nous avons fait la moitié du chemin vers le qubit logique et nous comptons y parvenir courant 2023 », s’enthousiasme le jeune dirigeant.


Le quantique, une course pour la souveraineté


Derrière cette émulation, c’est aussi une véritable course pour la souveraineté économique et stratégique qui est engagée. Et pour cause, l’ordinateur quantique devrait permettre de développer des applications futuristes, pour la défense ou le renseignement. Théau Peronnin ose la comparaison : « Il s'agit de nouveaux territoires à conquérir comme l'ont été à leur époque le nucléaire ou l’espace ».

La différence notable avec ces exemples ? La course est menée ici par des acteurs privés. « Quand nous levons quelques millions en Europe, les GAFAM en mobilisent cent fois plus », fait remarquer l’entrepreneur. Pour autant, la jeune pousse française reste optimiste. Alice & Bob reste le fruit « d'une décennie de recherche publique française ». A ses côtés, des startups comme Quandela, Pasqal, Qcosmos ou CryptoNext diffusent elles aussi le savoir-faire français. « Le quantique est l’une des rares courses technologiques dans laquelle la France possède tous les ingrédients pour réussir », estime Théau Peronnin. « Mais en l’absence de géants pour tirer la filière, comme aux Etats-Unis, le rôle des acteurs publics sera déterminant. »