Jean-Frédéric Chibret, prix EY de l’entrepreneur de l’année 2022 : “ Être une entreprise familiale et indépendante a été déterminant ”

Après plus de 15 ans à la tête des Laboratoires Théa, Jean-Frédéric Chibret a reçu le Prix EY de l’Entrepreneur de l’Année 2022 après celui d’Auvergne-Rhône-Alpes. Un prix qui vient récompenser toutes les initiatives du président de l'entreprise, de sa prise de fonction en 2008, en passant par l'internationalisation de celle-ci et la création de la société sœur Théa Open Innovation en 2019.  

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L’ophtalmologie en héritage depuis 150 ans. Si les Laboratoires Théa existent depuis 28 ans, la santé oculaire et la pharmacie ont été une réalité quotidienne pour cinq générations successives de Chibret. Dernier en date, Jean-Frédéric Chibret a pris la barre de Théa, il y a 15 ans. L’entreprise familiale a débuté avec quinze salariés en 1994, elle en compte aujourd’hui près de 1 600 répartis dans 35 filiales et distribue ses produits dans plus de 75 pays dans le monde, y compris sur le marché américain. 75 % du chiffre d’affaires est réalisé à l’international. Aujourd’hui, Théa est le premier laboratoire d’ophtalmologie indépendant en Europe.

Big Média : Après avoir succédé à votre oncle Henri, lauréat en 2011 du prix Auvergne-Rhône-Alpes, vous faites mieux et remportez le prix du meilleur entrepreneur français pour les 30 ans de EY. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?  

Jean-Frédéric Chibret : Je ne fais pas « mieux », je capitalise sur les acquis de mon oncle, qui demeure président de la holding Théa. Ce prix est naturellement gratifiant d’un point de vue personnel, mais je le vois d’abord comme une récompense collective. C’est pourquoi je dédie cette distinction à mes collaborateurs. Elle a pour moi plusieurs vertus. D’abord, elle nous confère une visibilité qui va nous rendre toujours plus attractifs pour les potentiels talents qui voudraient rejoindre l’aventure. L’autre atout de cette nomination EY ? Elle consacre le chemin parcouru. En 1994, notre chiffre d’affaires était de 10 millions d’euros. Il devrait atteindre prochainement 800 millions d’euros, notamment du fait de notre récente arrivée sur le marché américain.   

BM : Justement, à quelle point l’entreprise a évolué depuis sa création en 1994 ? 

JFC : Elle a considérablement grandi mais toujours sur la base des deux mêmes moteurs de croissance : l’expansion à l’international mais aussi l’innovation.  En un quart de siècle, nous avons développé près d’une innovation par an, au point de proposer aujourd’hui l’une des gammes de soins ophtalmologiques parmi les plus modernes, et qui s’étend à toutes les classes thérapeutiques. Théa innove en permanence sans trahir sa vocation de généraliste de l’œil : le laboratoire maintient notamment sur le marché des produits de service peu rentables, mais dont l’utilité thérapeutique est plébiscitée par les ophtalmologistes. 

BM : Vous parlez de l’internationalisation de Théa, l’entreprise est passée de PME familiale lors de votre arrivée, à premier laboratoire indépendant d’ophtalmologie en Europe. Quelles ont été les principales évolutions pour en arriver là ?  

JFC : Être une entreprise familiale et indépendante a été déterminant. Un actionnariat stable et une gouvernance familiale permettent la vision long terme, un avantage indéniable dans le domaine du médicament où un produit peut demander jusqu’à dix ans de développement ; mais aussi, la réactivité dont toute entreprise a besoin pour saisir les opportunités.  De surcroit, nous ne subissons la pression d’aucun actionnaire, et sommes libres et enclins à réinvestir nos profits au service des axes de croissance qui sont l’internationalisation et innovation.  

“Continuer d’être le leader en Europe et viser plus haut dans les autres pays”  

BM : Parmi ces évolutions on peut également parler de Théa Open Innovation lancée en 2019. Qu’est-ce que cette nouvelle société a apporté aux laboratoires ? 

JFC : L’objectif avec Théa Open Innovation (TOI), c’est de démultiplier nos démarches de recherche, de collaborer avec des universités, Biotechs, etc. Bref, de nous ouvrir à d’autres talents, d’autres idées pour apporter aux patients et aux praticiens les solutions de demain. Cette nouvelle structure vient compléter une R&D interne très dynamique puisque cette dernière a déjà ouvert le champ de la thérapeutique du « sans conservateur », de la nutrition oculaire et de l’hygiène des paupières, ou encore certaines nouvelles voies dans la dilatation de l’œil. Elle contribue également à des avancées majeures, dans le domaine du glaucome et de la sécheresse oculaire ou de l’infection.    

BM : Depuis l’été 2022 vous vous êtes lancé à l’assaut du marché américain. Quels sont vos objectifs à court terme ?  

JFC : Notre volonté, c’est de continuer à être le leader en Europe et viser plus haut dans les autres pays, comme par exemple, au Canada, au Chili, au Pérou ou encore au Mexique. Parallèlement, depuis trois ans, nous avons franchi toutes les étapes pour entrer aux Etats-Unis, le plus grand marché de la planète. Pour les produits de conseil, Théa s’est allié avec l’entreprise suisse Similasan et commercialise désormais ses propres produits OTC (iVIZIA, cette gamme de produits en vente libre comprend des gouttes oculaires lubrifiantes, un gel oculaire lubrifiant et trois options pour l'hygiène quotidienne des paupières sensibles). Dans la continuité, notre filiale près de Boston a racheté une gamme de traitements sur prescription approuvés par la Food and Drug Administration (FDA), intégrant par ce biais outre ces traitements, une cinquantaine de collaborateurs. Ces derniers préparent activement l’arrivée et la diffusion aux Etats-Unis de nos produits « maison ». Les premières demandes d’autorisation de nouveau médicament ont été déposés auprès de la FDA, dans le domaine du glaucome (maladie chronique de l'œil due à des lésions du nerf optique).  Nous prévoyons dès 2023 une augmentation de notre chiffre d’affaires de 100 millions d’euros, du fait de nos activités aux Etats-Unis. 

Emmanuel Lanoe
Emmanuel Lanoe Rédacteur Web