Quelles opportunités pour les entreprises françaises en Afrique du Sud ?

Le Forum Afrique Australe 2022 organisé par Business France et la Team France Export en juin dernier était l’occasion de rappeler le potentiel des pays de la région, et notamment celui de l’Afrique du Sud. Entre méthodes anglo-saxonnes et Black Economic Empowerment, Marc Cagnard, directeur Afrique Sub-saharienne chez Business France, et Vincent Houdeville, branch manager chez GSDI Afrique du Sud, nous partagent leur expérience de l’export dans ce pays.

  • Temps de lecture: 4 - 5 min
afrique

Troisième PIB d’Afrique après le Nigéria et l’Egypte, premier sur l’Afrique australe, seul membre africain du G20, membre des BRICS (qui compte également le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine), seul pays du continent à être équipé d’une centrale nucléaire – dont les deux réacteurs ont d’ailleurs été construits par les Français Framatome, EDF, Alstom et SPIE, … L’Afrique du Sud enregistre un très beau palmarès à toutes les échelles. Un marché à haut potentiel qui n’a pas échappé à nombre d’entreprises bleu-blanc-rouge : Décathlon, Leroy Merlin, Alstom, … C’est d’ailleurs grâce à cette dernière que GSDI - spécialiste des pellicules adhésives qui décorent nos lignes de métro, nos TGV et leur signalétiques - c’est développé sur ce marché. Arrivée en 2015, l’entreprise choisit de suivre son client Alstom sur l’une des plus grosses commandes de trains au monde. « Certains pays n’ont pas les infrastructures nécessaires et font donc appel à des entreprises françaises pour les équiper, en imposant tout de même leurs contraintes, notamment celle de passer par des fournisseurs locaux. Mais sur certains secteurs clés comme celui-ci, des entreprises comme Alstom arrivent à négocier pour pouvoir faire appel à des prestataires avec lesquelles ils ont l’habitude de travailler, comme nous », relate Vincent Houdeville, branch manager chez GSDI Afrique du Sud. La société se voit ainsi confier la tâche de pelliculer les quelques 600 trains qui viendront moderniser la flotte ferroviaire sud-africaine d’ici 2027. 

« Notre professionnalisme est très apprécié en Afrique du Sud » 

Du retail à l’industrie, en passant par les services ou la formation, l’Afrique du Sud offre un marché attractif dans tous types de secteurs. Sur ses 60 millions d’habitants, 8 millions ont des habitudes de consommation similaires à celles des classes moyennes occidentales. « On trouve plus de 2 000 centres commerciaux, tous plus luxueux les uns que les autres. C’est un vrai potentiel pour le retail. », affirme Marc Cagnard, directeur Afrique Sub-saharienne chez Business France. « Mais c’est l’industrie minière qui explique en grande partie la richesse et le développement de Johannesburg et de sa province Gauteng, la plus riche du pays », pointe-t-il. Gauteng, qui abrite aussi la capitale administrative Pretoria, compte à elle seule pour un quart de la production minière du pays, et en grande majorité de l’or. Attirée par cette industrie majeure, plusieurs grands groupes français y ont trouvé leur place. Mais cette présence ne se limite pas à l’industrie : 400 filiales y sont installées, ce qui représente 65 000 emplois directs. « Leroy Merlin a ouvert cinq magasins, ce qui représente pas moins de 500 emplois directs. Dans un pays durement touché par le chômage, ça amène des choses positives ». Les produits français bénéficient d’une bonne réputation : de qualité, recherché, sophistiqué. « Notre professionnalisme est très apprécié en Afrique du Sud, c’est quelque chose sur lequel on se démarque », note également Vincent Houdeville. 

Côté agroalimentaire, la présence de géants sur le marché semble compliquer la tâche de potentiels exportateurs du secteur. Malgré tout, beaucoup de ces grands groupes souhaitent faire de Marseille et de Paris leurs points d’entrée sur le continent européen, offrant potentiellement un nouveau dynamisme pour les relations franco-sud-africaines. « Le pays est aussi un grand consommateur de vin. Il nous arrive de travailler avec des petits vignerons, des PME françaises qui proposent des produits gourmets, positionnés sur l’art de vivre », indique le directeur Afrique Sub-saharienne de Business France. Autre marché potentiel : la formation. Après l’apartheid, les besoins explosent avec la fin de la ségrégation. Et si de nouveaux profils se sont tournés vers des formations universitaires, les apprentissages menant vers les métiers techniques ont été davantage délaissés.  Ce manque a incité les entreprises à se diversifier : « Beaucoup d’entreprises ont choisi de développer leur propre formation interne. Saint Gobain et Schneider Electric ont monté leur académie, Trace TV a sa Trace Academia, … ». 

Une politique pour inclure les populations historiquement désavantagées pendant l’apartheid 

Si le pays s’est brusquement ouvert après l’apartheid, il reste encore profondément impacté sur plusieurs aspects, jusque dans les affaires. Sur le marché des commandes publiques, le gouvernement a mis en place un système de discrimination positive appelé Broad-Based Black Economic Empowerment. Cette politique « vise à inclure les populations historiquement désavantagées (PHD) lors de l’apartheid dans le développement économique du pays ». Cette discrimination positive accorde un niveau allant de 1 à 8 aux entreprises (1 étant le meilleur niveau) en se basant sur cinq critères liés aux PHD : si elles sont présentes au capital de l’entreprise et dans les fonctions managériales, si l’entreprise contribue à leur formation et à leur ascension sociale, ou encore si l’entreprise fait appel à des fournisseurs issus des populations historiquement défavorisées.  

Ce système peut néanmoins représenter quelques contraintes pour les entreprises qui visent un marché public sud-africain, comme cela a été le cas pour GSDI. « Au tout début, Jacques, le président du groupe, n’avait aucune idée de ce genre de pratiques. Lui qui a créé l’entreprise et possède 100 % de son actionnariat, il a été perturbé d’apprendre qu'il devait céder des parts », se souvient Vincent Houdeville, son branch manager Afrique du Sud. « Il est important de vérifier si le secteur d’activité sur lequel on souhaite se lancer est touché par cette politique ou non ». Marc Cagnard complète : « on trouve deux types de marché : celui de la commande publique qui répond à des normes juridiques et avec des lenteurs comme on en retrouve dans plusieurs pays d’Afrique, et un secteur privé très libéral, à l'anglo-saxonne, très dynamique ». Le privé reprend ainsi un certain nombre de codes de la culture d’affaire anglo-saxonne, que cela soit sur l’importance de la ponctualité (« time is money ») ou sur le besoin de bien s’entourer d’avocats d’affaires sur les aspects contractuels. Vincent Houdeville conseille d’ailleurs de se rapprocher d’entreprises déjà implantées pour avoir les recommandations d'un avocat ou d'un conseiller de confiance, ou bien de demander à Business France et CCI France Afrique du Sud pour avoir les bons contacts. 

Quelques conseils pour se développer en Afrique du Sud  

Pour s’exporter en Afrique du Sud, Marc Cagnard, le directeur Afrique Sub-saharienne de Business France, admet qu’il est préférable d’avoir une première expérience de l’international, qui sera d’autant plus appréciée si elle est en Afrique. L’anglais est aussi un indispensable, notamment sur son site internet. Côté digital justement, la visibilité sur les réseaux sociaux n’est pas à négliger, l’Afrique du Sud bénéficiant d’un fort taux de pénétration du téléphone mobile. Sur les RH, pour assurer un suivi à moyen-long terme, une équipe export dédiée ou en cours de création est nécessaire. Enfin l’innovation est un indispensable. « En Afrique on innove, on aime bien faire « le saut de grenouille » : on saute les étapes pour arriver immédiatement à ce qui se fait de mieux ». Il est ainsi essentiel de mettre en avant le côté innovant et durable lorsque l’on propose son offre sur le marché. La relance l’est tout autant « parce qu’ils vous ont vu, mais ils ont sûrement rencontré des concurrents derrière aussi ». Malgré ces difficultés, Vincent Houdeville tempère : « C’est un marché très ouvert. Les taxes douanières dépassent rarement les 10 %. Je trouve le marché moins concurrentiel que la France également : on peut facilement s’y faire une place ».