Plan Startups et PME Industrielles, ou comment révéler les champions de demain

En soutenant l’innovation et l’investissement, ce dispositif  - ayant pour objectif la création de 100 nouveaux sites industriels par an d’ici 2025 - vise à insuffler un élan durable à la réindustrialisation française.

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Paul-François-Fournier

Opéré par Bpifrance, le Plan Startups et PME Industrielles a été lancé par le gouvernement en janvier 2022 dans  le cadre de France 2030. Il vise à accompagner l’industrialisation des innovations portées par les startups et PME françaises grâce à une batterie de leviers, allant du conseil au prêt, en passant par des subventions. Des outils parfois inédits, en phase avec le pouvoir d’innovation de ces sociétés et avec une filière en pleine mutation, comme nous l’explique Paul-François Fournier, directeur exécutif Innovation de Bpifrance.

Big média : Comment  est né le Plan Startups et PME Industrielles ?

Paul-François Fournier : Ce plan est apparu comme une évidence, à l’été 2021, lorsqu’ont commencé à apparaître les premiers démonstrateurs et usines du Plan Deeptech lancé en 2019. Nous avons constaté que ce plan avait fait naître un nouveau type d’entreprises multifacettes, issu à la fois de la French Tech et La French Fab   et aussi dotées d’une forte responsabilité environnementale. L’ambition étant de soutenir 500 startups par an, nous avons réalisé que cela allait créer un flux important de nouvelles entreprises avec cet ADN Fab/Tech/Green et qu’il s’agissait d’une énorme opportunité pour le pays. Ces entreprises étaient non seulement innovantes mais aussi liées aux deux enjeux sociétaux majeurs que sont la santé et le climat, souvent implantées dans les territoires (80 %) avec des logiques de réindustrialisation et une très forte valeur ajoutée. En pleine logique de souveraineté - ou en tout cas, de maîtrise de nos outils de production -, nous tenions quelque chose de précieux qu’il fallait soutenir à tout prix.
 
En parallèle, nous nous sommes aperçus que cette tendance partait aussi des PME, d’entreprises concevant des technologies plus ou moins de rupture qui permettent de créer des nouveaux types de production très innovants. Mais ces usines, justement du fait de leur côté extrêmement innovant, représentaient un risque que les acteurs historiques du financement de PME n'étaient pas prêts à prendre. Nous avons alors entamé les discussions avec l’Etat afin de créer une nouvelle classe de financements et de soutien  à cet écosystème de capital développement, mais aussi de déployer des solutions de financement destinées aux startups industrielles.

BM : Quelles sont les caractéristiques de ce Plan Startups et PME industrielles ?

P-F F : Il a été lancé dans le cadre de France 2030 et est doté d’un budget de 2,3 milliards d’euros. Il nous permet notamment de développer cette approche systémique où l’ensemble des outils de la maison, qu’ils soient déjà existants ou nouveaux, sont mobilisés - tout comme ses différents services.

Ce nouveau plan s’articule autour de 5 leviers destinés à s’enrichir : aides, prêts et garantie, fonds propres, fonds de fonds et accompagnement. D’abord, des dispositifs autour du financement avec le Prêt Nouvelle Industrie qui vient compléter le Prêt d’Innovation (PI) et l’appel à projets « Première usine ». Ce dernier va permettre de sélectionner les projets innovants d’implantation sur le territoire : soit de toute première usine d’une entreprise, soit d’une nouvelle unité de production d’une PME usinant déjà mais présentant un projet en rupture avec son activité existante, soit les démonstrateurs industriels ou encore les unités de production mutualisées.

La suite concerne les fonds. Sur les fonds directs, nous avons SPI2, le successeur de SPI (Sociétés de Projets Industriels) qui a déjà fait naître de nombreuses usines et qui a été un des premiers dispositifs à démontrer la thèse d’investissement de ces startups ou PME industrielles. Pour le fonds de fonds, nous avons le Fonds National de Venture Industrielle (FNVI), similaire au Fonds National d’Amorçage en son temps et qui vise à favoriser l’émergence de fonds privés. 

 

BM : Il s’agit de « dérisquer » l’industrie en quelque sorte ?

P-F F : Oui, créer une impulsion, c’est notamment le cœur du FNVI. C’est un moyen d’accompagner le secteur privé vers des endroits un peu plus risqués. L'objectif est que les investisseurs n'aient plus d’appréhension. C’était la même chose pour la French Tech, il y a quelques années. Les doutes étaient très forts quant à sa rentabilité et la rentabilité du Fonds National d’Amorçage, lancé pour la soutenir. Or, les résultats aujourd'hui montrent que, quand les moyens sont là et les soutiens puissants, nous sommes capables de créer des nouvelles thèses qui sont rentables et qui peuvent drainer de plus en plus d’argent privé.

On parle ici d’usines qui sont nouvelles à chaque fois, pas la réplication d’un procédé existant qui en général est, lui, correctement financé. Il n'y a pas que le risque du marché ici : il y a aussi le risque de la technologie qui est une des composantes importantes - non seulement la technologie du produit en lui-même mais aussi celle du procédé pour le produire. Quand on a un tout nouveau produit, dans beaucoup de cas, on a besoin d’une usine qui est elle-même très innovante.

 

BM : Le plan comporte donc un cinquième levier : un outil de diagnostic, qui n’est pas d’ordre financier mais qui vous a semblé indispensable pour appréhender l'étape d'usinage de nombreuses entreprises. Pourquoi ?

P-F F : Le parcours d’accompagnement de première industrialisation permet à ces startups de se préparer en amont à bien intégrer ce qu’entraîne l’ouverture d’une usine. Que ce soit pour une startup, une PME ou même un grand groupe, un projet d’usine vraiment très innovant s’accompagne de beaucoup de questions qui ne sont pas forcément « traditionnelles » en termes de technologies, de maîtrise, de problèmes de qualité, d’impact environnemental, ou même de réglementation, de gestion, de localisation, etc. L’entreprise doit se préparer, acquérir les compétences, et s’assurer qu’elle possède l’ensemble des outils en termes de savoir-faire au sein de l’entreprise.

Ce diagnostic fait intervenir un Expert Industrie Bpifrance spécialisé dans le secteur d’activité de l’entreprise durant 10 jours. Il comporte deux étapes : l’analyse et l’évaluation des enjeux de l’industrialisation qui vont permettre de définir l'organisation industrielles et la stratégie, puis le déploiement de cette dernière et les premières étapes de mise en œuvre.

BM : Vous parliez d’entreprises multifacettes mais cette dynamique de réindustrialisation en elle-même implique plus largement une synergie des filières Fab et Tech…

P-F F : En effet, nous pensons qu’il faut créer de plus en plus de synergies entre Tech et Fab. C’est pourquoi nous parlons aujourd’hui du mouvement Tech et Fab que nous allons concrétiser prochainement via un site. Ce mouvement peut prendre de nombreuses formes : des entreprises de la Tech qui vont construire des usines et donc faire de la Fab, des entreprises de la Fab qui vont faire des usines de Tech très innovantes, des entreprises de la Tech qui vont aider à la construction de ces usines très innovantes... Il y a un vrai lien entre Tech et Fab et l’enjeu est de dépasser ces clivages qui existaient entre elles, de démontrer leur complémentarité. 

 

BM : Le plan prévoit notamment de créer 100 sites industriels innovants par an d’ici à 2025. Cela vous paraît-il réalisable ?

P-F F : Effectivement c’est très ambitieux. En France actuellement, nous sommes à environ 100 nouveaux sites industriels par an, qu’ils soient innovants ou pas. En effet, avec la composante innovation, nous allons devoir passer quasiment au double. Il s’agit d’une croissance importante mais il faut être ambitieux car il nous faut répondre à un besoin fort, à une très grande attente.  Nous avions dit aussi que nous ferions 25 licornes en 2025 et cela semblait énorme. Finalement, nous avons atteint ce chiffre fin 2021 ! Nous allons mettre tous les moyens pour parvenir à cet objectif du plan – et nous allons y arriver.

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