Le New Space français, à la conquête des étoiles

Depuis 2015, la France emboite le pas des Etats-Unis et de la Russie dans la course à l'espace, un secteur qui fascine autant qu'il interroge le grand public. Pour en savoir plus sur la situation du New Space dans l'Hexagone, Abdelkader Berkane Krachai, expert en aérospatial chez Bpifrance et Olivier Dubuisson, dirigeant de Karista, une société de capital-risque, ont fait un état des lieux du secteur.

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Image New Space

« Il faut montrer que le New Space n’est pas seulement un sujet hype qui fait rêver, mais qui peut être un vrai business », explique Olivier Dubuisson, le dirigeant de Karista. L’Université de Paris définit le New Space comme un « terme désignant des sociétés autres que des entreprises spatiales gouvernementales établies. » En somme, de nouveaux acteurs qui souhaitent démocratiser l’accès à l’espace et investir dans ce nouvel eldorado. En 2020, ce sont plus de 3 282 entreprises qui exerçaient dans le domaine. A la fin de cette même année, ces entreprises réalisaient un chiffre d'affaires de 92 004 millions d'euros dont 86 620 millions dans l'aéronautique et 5 384 millions dans le spatial selon l'Insee. Une hausse qui, selon Abdelkader Berkane Krachai, s'explique par l'arrivée de nouveaux acteurs « issus des filières numériques et du milieu des startups ». 

Les enjeux du New Space 

La France est motrice dans le secteur du New Space. Malheureusement, face à des grandes entreprises étrangères, elle ne semble pas compétitive.  « En France, on a des visionnaires comme Bernard Arnaud ou Xavier Niel, et depuis peu il y a l’Alliance New Space France. Mais ça reste des petits acteurs qui ont du mal à rivaliser avec SpaceX ou Blue Origin », explique l'expert Bpifrance. La solution de l'expert ? Doter la France d'un lanceur indépendant, afin de ne plus être tributaire d’acteurs non européen.  
 
Pour le moment, le marché spatial cherche à envoyer des nanosatellites en orbite basse (entre 350 et 1 400 km d’altitude), à l'opposé de ce que propose le nouveau lanceur européen Ariane 6. Pour le dirigeant de Karista, « le lanceur VEGA, qui est un lanceur italien, répond parfaitement à la demande du marché, plus orienté vers les nanosatellites ». Aujourd’hui le marché a évolué, « l'espace est accessible à tout le monde moyennant un vecteur d'accès [ndlr : une fusée] », précise Abdelkader Berkane Krachai, expert en aérospatiale chez Bpifrance. Il ajoute « qu’il faut soutenir l'écosystème qui est en train de se créer. Il est impératif que la France maintienne la création de startups, car il faut que l'écosystème vive ».  

Faire émerger des challengers français 

C’est dans le but d'investir dans les nouveaux acteurs du New Space que CosmiCapital, un fonds d’amorçage dédié à la filière par Karista, voit le jour en octobre 2021. Olivier Dubuisson, fondateur de CosmiCapital, souhaite faire émerger des entreprises en investissant tôt dans la vie de ces entreprises. Aujourd’hui, la stratégie du fonds français se décline en deux parties. Investir dans des sociétés du New Space qui traitent « l’ Upstream », c’est-à-dire les technologies qui regroupent l’ensemble des moyens permettant de fabriquer et lancer un satellite, et dans le « downstream », c’est-à-dire les acteurs qui traitent les données issues des satellites. « Nous allons investir dans des sociétés qui utilisent ces données pour disrupter certains secteurs de l’économie », conclut-il. 

De nombreux projets pourraient émerger et rendre la France plus compétitive dans ce secteur. Le projet Dark Space en est un. L’entreprise souhaite faire décoller une fusée à partir d’un avion, qui diminuerait les coûts de lancement tout en réduisant l’impact environnemental du lancement. « L’enjeu, c'est de moins polluer l’espace. Les nanosatellites ont une durée de vie de 5 ans. A l’issue de cette période, ils sont censés entrer dans l’atmosphère et se désintégrer. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas », regrette Abdelkader Berkane Krachai. En 2019, on a recensé plus de 2 063 satellites opérationnels, selon le site Futura Sciences, des satellites fréquemment accompagnés de débris spatiaux. En prenant en compte ces débris, l'Agence Spatiale Européenne estime qu'il y a plus de 34 000 objets de plus de 10 cm en orbite, et plus de 128 millions inférieurs à 10 cm. Un problème que la filière semble aujourd'hui prendre à bras le corps. Lors de la 4e édition du Forum de Paris sur la Paix, de nombreux acteurs du domaine spatial ont lancé l'initiative « Net Zero Space » afin « d’atteindre une utilisation durable de l'espace extra-atmosphérique d’ici 2030 ».