La Samaritaine, 16 ans et 750 millions d’euros de travaux plus tard

A l’occasion des journées du patrimoine, Bpifrance est parti à la rencontre d’Eleonore de Boysson, la présidente Europe et Moyen-Orient du groupe DFS à la tête de la Samaritaine pour parler concurrence, culture et tourisme.

  • Temps de lecture: 5 min
samaritaine

Exit le temps de la concurrence où les grands magasins rivalisaient de décoration merveilleuses et féériques à coup de vitrines animées et de sapins de Noël géants. En 2021, la compétition s’est étendue à l’espace digital. Les Galeries Lafayette, le Bazar de l’Hôtel de Ville et autres temples du commerce, symboles de l’art de vivre à la française, doivent faire face aux changements des habitudes de consommation. Avec 8,5 % de hausse en 2021 par rapport à 2019, les achats en ligne s’installent de plus en plus dans le quotidien des Français (Blog du modérateur : 2021). 

Dans ce contexte, comment attirer les clients (de plus en plus exigeants) sur le point de vente physique et faire de leur visite une véritable expérience qui prévaut sur l’achat en ligne. Eleonore de Boysson, présidente Europe et Middle East de DFS Group, leader mondial du duty free d’aéroport et choisi par LVMH pour gérer la Samaritaine, nous dévoile les leviers mis en place pour capter, et surtout captiver, les visiteurs. 

Art et culture, clé de voute de l’expérience à la Samaritaine 

« C’est d’abord une expérience culturelle qu’on va chercher à la Samaritaine », explique Eleonore de Boysson. Le caractère patrimonial du bâtiment est un argument de vente et c’est en partie sur cela que mise DFS pour attirer sa clientèle, notamment par « des visites organisées avec des médiateurs culturels », souligne-t-elle. Véritable héritage art déco avec ses fresques peintes dans un style floral et son escalier recouvert de feuilles d’or, sa verrière montée sur un squelette en fer typique de l’architecture du début du siècle dernier s’inscrit dans le style du Crystal Palace de Londres, du Grand Palais ou encore de la Tour Eiffel. Sanaa est le cabinet d’architecture japonais retenu par LVMH pour dessiner le nouveau bâtiment Rivoli. Il rend hommage par un éloge de la transparence avec le déploiement d’un voile de verre en façade de la rue de Rivoli à la construction originelle des architectes Frantz Jourdain et Henri Sauvage.  

Eleonore de Boysson dirige depuis le début cet immense chantier, elle qui fut précédemment à la tête des travaux de réouverture du Fondaco dei Tedeschi de Venise, première implantation de DFS en Europe. Deux défis ont coexisté sur le projet de la Samaritaine : « Pour la cible internationale, nous avons voulu offrir une expérience française et parisienne, tandis que pour la cible locale, le défi est de permettre la réappropriation d’un magasin cher au cœur des riverains », explique la dirigeante. « Ce bâtiment iconique suscite l’intérêt des Français et des touristes et a été entièrement restauré dans la splendeur d’antan ». 

Des zones identifiables par le client pour un parcours fluide 

« On vient passer un moment de vie à la Samaritaine », affirme-t-elle. Le complexe est muni de services de beauté, avec un spa dernier cri et un salon de coiffure. Ce sont toutes ces « capsules d’expérience » qui rendent la visite unique. « La Samaritaine est une promenade ponctuée de petites surprises ». Les zones sont clairement identifiées pour que le client ne se perde pas. Dans le parcours conçu par Eleonore et ses équipes, on découvre beaucoup de marques Made in France et de nombreux produits exclusifs. Avec plus de 600 enseignes présentes, les concepteurs ont voulu faire cohabiter grands créateurs et marques moyennes gammes.  

« Ce qu’on ne trouve pas sur internet, c’est la sélection qu’on fait en amont. Nos équipes de curateurs sélectionnent ce qui se fait de plus tendance et de plus responsable, pour offrir la meilleure expérience à nos visiteurs. » 

Si dans les années 70, « on trouve tout à la Samaritaine », fameux slogan publicitaire qui fera date dans l’histoire, aujourd’hui on se promène entre Dior, Chanel et Balenciaga, tout en découvrant de nouveaux créateurs dans les nombreux espaces multimarques jouxtant ces marques iconiques. Pour les promeneurs, de nombreuses animations sont à découvrir. « C’est également une stratégie pour capter le visiteur, lui offrir des découvertes », explique-t-elle. Ainsi, on peut visionner au détour d’un escalator d’anciennes publicités des années 70 et 80, observer des œuvres d’arts sur les murs du corner Perrotin, ou déjeuner dans l’un des douze points de restauration. Pour les addicts du shopping en famille, des parcours mère-fille sont prévus avec des personnal shopper. Une expérience qui se poursuit sur les réseaux sociaux, précise bien la dirigeante. 

Un pôle d’attractivité touristique (en peine) au cœur de Paris 

Ressuscitée par LVMH, la Samaritaine a ouvert ses portes après seize ans de fermeture et 750 millions d’euros de travaux, inaugurée par Bernard Arnault et Emmanuel Macron. Ce complexe de 22 000 m2 à l’architecture hybride comprend un grand magasin, 72 logements sociaux, une crèche, les locaux de DFS, et va prochainement abriter le siège social de Guerlain.  

Même si le magasin est idéalement situé, en face du Pont Neuf et au cœur du 1er arrondissement de Paris, la chute drastique du trafic touristique dans la capitale estimée à moins 60 % sur l’été 2021 selon la directrice générale de l’office du tourisme et des congrès de Paris (Le Point : 2021) fait souffrir le magasin. Selon Eleonore de Boysson, le trafic a tout de même été « plus important que prévu, avec un pic d’activité atteignant 35 000 personnes par jour au mois de juillet, malgré la baisse estivale ».