Egalité femmes-hommes au sein des enjeux écologiques, la vision de la directrice exécutive d'ONU Femmes France

TRIBUNE. Découvrez, à travers le regard de Fanny Benedetti, directrice exécutive d’ONU Femmes France, le rôle clé des femmes dans la transition écologique et énergétique. 

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fanny B

Les femmes ont un rôle crucial à jouer dans la lutte contre le changement climatique.
Six ans après l’adoption des accords historiques de Paris pour le climat, le monde dans lequel nous vivons continue d'être dévasté par des tempêtes catastrophiques, de graves crises hydriques, et une sécheresse qui bat des niveaux record. Le temps dont nous disposons pour nous attaquer à ces bouleversements qui menacent encore davantage la vie des femmes se réduit, en même temps que se produit un retour en arrière contre leurs droits durement acquis, à des niveaux jamais atteints. 

Les femmes en milieu rural : principales actrices de la transition climatique 

Fait souvent méconnu, les femmes en milieu rural sont des actrices clés de la transformation économique et du changement climatique. Dans le monde entier, ONU Femmes soutient précisément des projets favorisant un meilleur accès des agricultrices à la terre, aux financements, aux informations climatiques et aux techniques agricoles respectueuses de l’environnement.
Selon de nombreuses études des institutions multilatérales (FIDA, FAO, Banque Mondiale, OCDE), les femmes sont en effet en première ligne pour l’adoption de techniques innovantes en agriculture, pour répondre aux situations de crise, pour prendre des décisions et gérer leur foyer. Leurs rôles clés, leurs nombreuses compétences et expertises en font des actrices au cœur de la prévention, de l’adaptation et de la mise en place de solutions.
Elles s’attachent plus fréquemment que les hommes à œuvrer pour des améliorations concrètes pour leurs communautés, sont détentrices de connaissances environnementales locales et sont de fait directement concernées par les stratégies d’adaptation. 

Les femmes ont également un moindre accès aux financements en matière de lutte contre le dérèglement climatique. 70 % des crédits pour l’adaptation au changement climatique en Afrique sont consacrés aux projets technologiques et de grande ampleur, largement dirigés par des hommes. Les crédits restants, destinés aux projets locaux et ruraux n’atteignent que minoritairement des femmes, ne permettant pas de soutenir leurs efforts pour améliorer leurs conditions de vie. On estime qu’environ 0.01 % des financements internationaux en faveur de la transition climatique leur reviennent directement. 
En faisant appel à leurs savoir-faire traditionnels, elles sont capables de s’adapter de manière intelligente dans divers domaines tels que l’agriculture (en élaborant par exemple des cultures durables, comme des plantations de légumes flottants), la gestion des ressources naturelles comme de l’eau, la conservation énergétique et alimentaire quotidienne.
L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) met ainsi en avant le rôle crucial des femmes dans l’agriculture et la gestion des terres et argumente en faveur de l’autonomisation des femmes rurales pour construire des foyers plus résilients. 

La répartition sexuée du travail est aussi à souligner. En effet, les femmes auront des connaissances et expériences différentes des hommes travaillant dans l’agriculture. Elles peuvent, par exemple, être responsables de la conservation des graines et de techniques particulières. Elles sont détentrices de connaissances environnementales locales et sont ainsi directement concernées par les stratégies d’adaptation. 

Des femmes sous représentées

Pourtant, les femmes restent encore trop peu consultées ou présentes lors de la construction de stratégies d'adaptation, de négociations, ou de prises de décisions en lien avec les politiques publiques climatiques. 
Parmi les 150 chefs d’État ayant participé à la Conférence des parties 21 (COP21), seulement huit d’entre eux étaient des femmes. Quant aux conseils d’administrations du “Fonds Vert pour le Climat” et du “Fonds pour l’environnement mondial", ils comptaient moins de 15 % de femmes en 2016. 
Depuis la Cop 25 de 2019, la parité dans les équipes de négociations est devenue un des indicateurs clés de performance (KPI) obligatoires à renseigner par les Etats membres. Le rapport affirme que l'évolution de l'équilibre entre les sexes est irrégulière et tend à varier d'une année à l'autre et d'un organe constitué à l'autre. Sur la base des données actuelles recueillies, en 2021, 3 des 16 organes constitués ont déclaré avoir atteint l'objectif d'équilibre entre les sexes, contre 2 en 2020. Dans l'ensemble, la représentation des femmes au sein des corps constitués était en moyenne de 33 %. 
Une meilleure intégration des femmes et des représentants des communautés les plus impactées par le changement climatique aux groupes décisionnaires permettrait également des décisions plus vertes et une meilleure préservation de l’environnement. C’est la conclusion de plusieurs études montrant que les pays ayant les instances de gouvernance les plus féminisées ont une empreinte climatique plus faible que les autres.

C’est donc l’égalité femmes-hommes au sein de la lutte contre le changement climatique qu’il s’agit de penser, afin que les deux combats soient menés de pair. L’atteinte des objectifs relatifs à chacun de ces grands défis est très largement interdépendante.

 

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Mélanie Bruxer Rédactrice web