Superbanche et ses nanomatériaux contre le cancer : « Tout est affaire de rencontres »

La start-up alsacienne développe des nanomatériaux si petits qu'ils sont capables de circuler dans le sang pour mieux cibler les cellules cancéreuses. Histoire d'un (heureux) mariage de raison entre chimie des matériaux et oncologie.
 

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Comment réussir le mariage de champs de recherche différents pour engager les sauts technologiques de demain ? Dans le monde de la deeptech, les croisements et les alliances ne sont pas rares. Mais encore faut-il se connaître et se comprendre ! A Strasbourg, après dix ans de recherche, la chimiste des matériaux Delphine Felder-Flesch a mis ses connaissances des nanomatériaux au service de la lutte contre le cancer en créant la société Superbranche. Aujourd’hui, sa technologie prometteuse intéresse jusqu'aux Etats-Unis. Interview.

Bpifrance : Comment est née Superbranche ?

Delphine Felder-Flesch : Je suis chercheuse au CNRS et j'ai travaillé une dizaine d'années sur les nanomatériaux avec une collègue professeure de l'université de Strasbourg. Au début, nos recherches étaient orientées sur les cristaux liquides pour les écrans plats, jusqu'au jour où, en 2009, nous avons rencontré le Dr Claire Billotey, une oncologue de Lyon, qui a exprimé de l'intérêt pour une application santé de nos travaux. Il nous a fallu ensuite dix années de maturation en laboratoire avant de nous décider à créer notre entreprise, lancée en 2019.

Bpifrance : Vous mettez les nanomatériaux au service de la lutte contre le cancer notamment. De quoi parle-t-on ?

DFF : Nous produisons des nanoparticules utilisables à des fins tant diagnostiques que thérapeutiques. L’objectif était d’obtenir un design d'objet suffisamment petit (de l'ordre de 20 nanomètres) afin que ces nanoparticules puissent être injectées par voie sanguine. Comme le sang irrigue tout l'organisme, on peut donc potentiellement atteindre n'importe quelle cellule cancéreuse ou métastases et ce, très précocement. C'est unique. Leurs propriétés permettent en outre, sur le volet thérapeutique, de détruire les cellules cancéreuses par hyperthermie magnétique. En d’autres termes, nous les faisons surchauffer pour détruire la tumeur et juste la tumeur.

Bpifrance : Où en êtes-vous dans votre développement ?

DFF : Nous sommes au stade des essais pré-cliniques dans nos deux grands programmes. Le premier concerne le ciblage actif de tumeurs sur le cancer du sein, issu du concours i-Lab gagné en 2019. Le second programme concerne le suivi de thérapies cellulaires dans le cadre de la médecine régénérative, en partenariat avec John Hopkins Hospital, à Baltimore, aux Etats-Unis. C'est sur ce projet que nous allons faire la demande de marquage CE d’une de nos nanoparticules et préparer une levée de fonds de Série A pour la financer.

Bpifrance : Est-ce compliqué de faire se rencontrer des champs d'étude scientifiques si différents que sont la chimie-physique des matériaux et l'oncologie ?

DFF : C'est avant tout une affaire de rencontres. Le plus compliqué ensuite est de se comprendre. Entre disciplines, nous ne parlons pas la même langue ! Il faut du temps pour franchir cette barrière. Pour notre part, nous avons eu la chance de tomber sur une oncologue clinicienne d’emblée très intéressée par nos recherches et qui avait une appétence forte pour la transdisciplinarité. Pour réussir le mariage, il faut une ouverture d'esprit. Nous l'avons aussi trouvée totalement au John Hopkins Hospital.