Secrets du succès de Michelin ? Jacques Jordan dissèque Bibendum

Après avoir conclu sa carrière au poste de senior vice-président du groupe, Jacques Jordan connaît tout de l’histoire de ce fleuron de l’industrie française. Aux éditions Baudelaire, son ouvrage « l’empreinte Michelin » énumère treize leviers de performances.  

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Bibendum
Bibendum

Du père, François Michelin, au fils Édouard, en passant par Jean Dominique Senard ou le directeur actuel Florent Menegaux, Jacques Jordan les a tous côtoyés. À leurs côtés, il a contribué à faire de Bibendum un centenaire, et de l’entreprise un leader mondial sur son marché. Retraité quand il n’intervient pas dans de grandes écoles, c’est pour inspirer les futurs créateurs d’entreprise qu’il écrit son ouvrage. « C’est une entreprise qui a démarré toute petite en Auvergne, qui est devenue leader mondial dans le domaine du pneumatique et dont les enseignements me paraissent pouvoir s'appliquer à de nombreuses autres entreprises. Car, pour moi, la réussite du groupe est plus liée à sa gestion, qu'à l'évolution du marché des pneumatiques ». 

« La Famille Michelin avait un grand nombre de principes auxquels elle croyait beaucoup»

Au-delà de conseils « techniques », on découvre le portrait des directeurs successifs au travers de leurs convictions personnelles. « La Famille Michelin avait un grand nombre de principes auxquels elle croyait beaucoup, une certaine philosophie et une culture du respect », souligne Jacques Jordan, pour qui la transmission des valeurs du père au fils a donné une continuité à la vision stratégique du groupe. Dans L’empreinte Michelin, l’ex-senior vice-président revient sur treize leviers, pour Big média il aborde trois d’entre eux.

I. Conquérir par l’innovation, fidéliser par la qualité

« Une modification discontinue et irréversible débouchant sur un usage commercial d’un produit ou d’un service n’ayant jamais était exploité auparavant ». Telle est la définition que Schumpeter propose de l’innovation, « et c’est précisément sous cette conception que la famille Michelin l’a toujours entendue », analyse Jacques Jordan. D’après lui, c’est d’ailleurs cet attrait pour le progrès qui fait de l’industriel un véritable market transformer. Invention du premier pneu démontable, ou du pneu vert qui permet de réduire la consommation des véhicules, malgré les coûts et l’incertitude de la recherche, l’entreprise n’a cessé d’être pionnière dans le domaine du pneumatique. « Quand vous sentez bien le marché et que vous pouvez mettre sur pied une innovation qui provoque une rupture ; là, vous emportez des parts sur vos concurrents », résume-t-il.  

D’un autre côté, il est impensable de soutenir de lourds investissements de R&D, si les processus qualité de l’entreprise ne sont pas la hauteur, avertit Jacques Jordan. Il spécifie d’ailleurs que soigner sa production est d’autant plus important, qu’en plus de permettre de fidéliser sa clientèle, c’est un véritable levier de cohésion en interne. « Il faut que les employés croient au produit, pour qu’ils puissent en être fiers ». 

II. Remettre sans cesse en question son organisation

Dans les risques pouvant être nécessaires, la réorganisation des services d’une entreprise peut se révéler indispensable pour répondre aux nouvelles problématiques liées à son développement. Historiquement, à l’international, chaque unité du groupe s’occupait de la vente de tous les produits (tourisme, agriculture, camions, aviation, etc.). «Rapidement, on y a vu des limites. En 1996, considérant l’organisation trop globale, Edouard Michelin provoque une grande réforme où il abandonne la division du groupe en fonction de sa géographie, au profit d’une répartition centrée sur les cœurs de cible », rapporte Jacques Jordan en précisant que cette décision a vraiment permis à Michelin de se rapprocher de ses clients.  

Évidemment un tel bouleversement organisationnel ne va pas sans quelques réajustements. En l’occurrence, la réforme d'Edouard Michelin avait l’énorme inconvénient de multiplier par le nombre de services fonctionnels de l’entreprise, le nombre d’unités produit. Rapidement, une deuxième réforme, le projet Tonus, permet d’optimiser l’ensemble des branches du groupe. Elle se traduit par la création d’unités fonctionnelles centrales regroupant les meilleurs savoir-faire de l’entreprise. « C’était malin. Sur un produit comme le pneumatique, entre le tourisme et le camion, on comprend bien qu’il existe forcément des problématiques communes », commente l’auteur qui rappelle que, remettant en cause l’autonomie acquise par les business unit, le plan était compliqué à mettre en place.  

III. Définir clairement la raison d’être de l’entreprise  

En charge de la communication et des marques lors de ses années de senior vice-président, Jacques Jordan défend la place de la raison d’être comme un pilier d’autant plus central, qu’au cœur des préoccupations du moment. « Vous pourriez me dire que la raison d’être de Michelin, c’est de "faire des pneus". En fait pas du tout ! Sa raison d’être, c’est de "contribuer au progrès de la mobilité des personnes et des biens" ». Ainsi, on entraperçoit le fil rouge que relie la production de pneumatiques et toutes les productions Via Michelin - l’ensemble des cartes et des guides, qui elles aussi participent au progrès de la mobilité.

Martin Ferron
Martin Ferron Rédacteur Web