Prisunic : des boulevards au musée

Prisunic, magasin populaire crée en 1931 et disparu en 2003, revient sur le devant de la scène à l’occasion d’une exposition au musée des Arts Décoratifs à Paris. Christian Pimont, dernier dirigeant de l’enseigne, revient sur les années phares de Prisunic. 

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Prisunic
Magasin Prisunic -©DR

« Le beau au prix du laid », ce slogan vous dit peut-être quelque chose ? En 1931 le groupe Printemps créait le magasin d’alimentation et de design Prisunic. Jusqu'en 1980, elle sera l'enseigne la plus connue de France métropolitaine avant d'être rachetée, en 1997, par le groupe Monoprix. Christian Pimont, actuel président de l'alliance du commerce et ancien PDG de Prisunic, nous explique ce rachat, et son point de vue sur l'actualité de la marque. 

Big Média : Prisunic a fait son retour durant le mois de décembre sur la plus belle avenue du monde. Que pensez-vous du retour en grâce de cette enseigne populaire ? 

Christian Pimont : Aujourd’hui il y a un recentrage sur le commerce de proximité. Avec les problèmes actuels liés au déplacement, les consommateurs retrouvent de l'appétence pour les commerces de centre-ville. Le phénomène de la proximité n’est pas nouveau, mais il prend de plus en plus d’ampleur. De plus, l’attraction des magasins – qui avait diminué avec le début du e-commerce - est en train de revenir. J’ai trouvé très malin de la part de Monoprix d’innover et de raconter la belle aventure du design des années 70.  

BM : Est-ce que cela vous surprend que l'enseigne soit passée du boulevard populaire au musée national avec l'exposition « de Prisunic à Monoprix » actuellement proposée aux Arts Décoratifs de Paris ? 

CP : Ce n’est pas la première fois que nous sommes au musée ! Il y a 15 ans on avait fait une exposition au centre Pompidou. Malheureusement, il n’y a pas eu une suite flamboyante pour Prisunic puisqu’en 1997 Monoprix, avec l’appui de Casino, a racheté l’enseigne. Néanmoins c’est quand même ses collections, ses produits, et cette philosophie qui ont créé une innovation sans précédent dans le domaine du mobilier et de l’art de la table. Comme symbole de cette rupture avec ce qui se faisait à cette époque-là, on remet à l’honneur ces produits, ses créations et les gens qui les ont faits. Je trouve donc qu'il est essentiel pour les générations futures, que Pisunic soit aujourd'hui dans un musée. 

BM : Quelle était la recette du succès de Prisunic ? 

CP : Pour être tout à fait juste les produits « designs » n’ont pas été un très grand succès commercial. Dans les années 70, les hypermarchés faisaient leur apparition et la collection “design” a été inventée pour redonner de l’appétence aux consommateurs. Jacques Gueden, PDG de Prisunic de 1946 à 1972, pensait que mettre un style chic et exigeant à la portée de tous avec de la création, pouvait redonner une image à ces magasins populaires. Malheureusement à l’époque, ça n’a pas très bien marché. 

BM : Etes-vous nostalgique de cette époque ? 

CP : Je suis arrivé chez Prisunic en 1974, et le dernier catalogue de meubles date de 1976, donc on ne peut pas vraiment dire que j’ai été partie prenante dans cette aventure extraordinaire menée par Denise Fayolle, directrice du bureau de style chez Prisunic et Jacques Gueden. Mais je suis bien évidemment nostalgique de cette époque car quand il y a une telle créativité au sein d'une entreprise, ça devient un environnement formidable pour travailler et grandir ! On mettait en avant des produits extraordinaires. Je trouve cela formidable que Monoprix ait continué de mettre en avant certains produits et de créer des évènements avec des collaborations.   

BM : Qu'avez-vous appris en tant que dirigeant de cette enseigne ?  

CP : Il y a deux choses que j’ai retenues. La première c’est qu’il faut être l’allié du consommateur. C’est quelque chose de très fort, que beaucoup de gens oublient. Il ne faut jamais le trahir. La deuxième, c’est l’innovation. C’est le moteur du développement de l’activité, qui permet notamment l'augmentation de la fréquentation. Une fois que ces deux choses sont bien assimilées, normalement ça doit rouler !  

BM : Comment s'est opérée la fusion entre Prisunic et Monoprix ? 

CP : Je dirais que ça a été assez simple. On connaissait presque tout l’un de l’autre, nos forces comme nos faiblesses, nous avons donc fait le pari d'additionner nos compétences pour perdurer. Pour Prisunic c’était le système informatique, et pour Monoprix c’était “le terrain” avec du personnel omniprésent pour accompagner le consommateur. L’association des deux a fait des merveilles. Le jour de la fusion, je me rappellerai toujours que Philippe Houzè, PDG de Monoprix de 1994 à 2013, avait dit « Nous prendrons le meilleur des deux », et je crois qu’il a appliqué cette maxime jusqu’au bout. 

BM : Comment avez-vous vécu la vente de Prisunic par Monoprix 

CP : Toute vente est un peu traumatisante. Il faut maintenir les équipes et l’entreprise à flot. D’un point de vue stratégique, c’était une excellente idée, car la fusion de deux grands magasins populaires, qui n’était pas assez forte l’un et l’autre pour se reconstruire a permis une association particulièrement réussie. 

BM : Est-ce que vous retrouvez un peu de Prisunic dans Monoprix ?  

CP : La révolution que nous avons faite chacun de notre côté et que nous avons terminé ensemble a été d'installer notre marque dans le cœur des gens. La fusion que nous avons effectué a été opérationnelle grâce à une culture et des valeurs qui étaient les mêmes. C’est pourquoi je trouve que Monoprix incarne bien la relève. Je trouve ça formidable de voir qu’aujourd’hui encore cette belle aventure continue. Cela montre bien l'importance des magasins de centre-ville dans le cœur et le quotidien des gens.