Métavers : entre enjeux de créativité et de souveraineté

Jeudi 29 octobre 2021, Marck Zuckerberg a annoncé le changement du nom de son groupe Facebook pour Meta. Cette date marquera les débuts de la course au Métavers pour un grand nombre de groupes technologiques, mais pas que... Damien Launoy, expert Bpifrance en réalité virtuelle et augmentée, nous explique ce qu’est le Métavers et nous évoque les enjeux pour cette nouvelle filière.

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Ready Player One
© Ready Player One de steven Spielberg

Damien Launoy« Il est dans un univers virtuel que son ordinateur projette dans ses lunettes et ses écouteurs. Dans le jargon d’usage, cet endroit imaginaire s’appelle le Métavers. », peut-on lire dans  Le Samouraï Virtuel de Neal Stephenson publié en 1992. Voilà la première définition du terme que tout le monde a à la bouche aujourd’hui. Apparu pour la première fois dans un roman, le mot Métavers n’est plus de l’ordre de la fiction. Damien Launoy, expert Bpifrance en réalité virtuelle et augmentée, nous éclaire sur les Métavers et les filières dans lesquelles ils se développeront.  

  

Big Média : Aujourd’hui, on parle beaucoup de Métavers mais comment peut-on le définir ?   

Damien Launoy : il y a plusieurs définitions qui circulent, mais celle que je préfère est simple et c'est pour moi la meilleure :« le Métavers c'est un espace virtuel partagé ». Je pense que la première question à se poser, est « Sous quelle forme verra-t-on naître les premiers Métavers ?». La seconde serait « Dans quels environnements voit-on les premiers émerger ?»

Là-dessus il y a déjà une première dichotomie possible entre les Métavers en réalité augmentée et ceux en réalité virtuelle. Le Métavers en réalité augmentée consiste à ajouter de la donnée sur le monde réel, comme si on l'observait avec des lunettes de réalité augmentée (AR) par exemple. Cela voudrait dire un monde, qui a été préalablement cartographié en 3D, dans ses moindres détails, avec lequel on pourrait interagir. Le Métavers en réalité virtuelle lui est différent. C'est le Métavers qui coupe complètement du réel. On s’immerge donc dans un monde pleinement virtuel.  

BM : Quel type de Métavers sera disponible au grand public en premier ?    

DL : Le Métavers en réalité augmenté pose énormément de difficultés donc ce n’est pas l’hypothèse la plus simple, ni la plus crédible. On est moins avancé qu'en réalité virtuelle en termes de technologie. Les difficultés qui se posent ne sont pas liées au hardware, c’est à dire au matériel, mais plus à l’acceptation et l’usage de ce matériel par le grand public. On se souvient des Google Glass qui ont été un échec commercial il y a quelques années. Plus récemment, on a eu une nouvelle vague de lunettes avec les Snapchat spectacles ou les lunettes de Facebook. Là encore, le succès n’a pas été celui attendu. Pour la réalité virtuelle, c’est plus facile, car plusieurs casques connaissent déjà un succès commercial fort auprès du grand public, c’est le cas notamment des casques de la marque Oculus, justement détenus par le groupe Meta, et on a des exemples grand public de Métavers en réalité virtuelle comme Fortnite ou The sandbox. Historiquement, ce sont essentiellement des Métavers ludiques ou axés sur la formation et l’entraînement. Plus récemment, on peut aussi citer l’événementiel,  

BM : Qui va investir dans les futurs Métavers ?

DL : Aujourd'hui, et notamment depuis l’annonce de Facebook qui s’est transformé en Meta, se sont essentiellement les GAFAM qui investissent dans cette technologie. Il est possible qu’ils construisent des Métavers capables d'intégrer d’autres acteurs, à la manière des magasins d’application type App store qui ont permis aux développeurs d’exprimer toute leur créativité. A côté de ça, il va y avoir d’autres groupes, plus traditionnels, qui voudront avoir la main sur leur propre Métavers. Par exemple, dans le luxe il y a des acteurs qui développent leur propre univers virtuel. Ces univers pourront être un podium de défilé, pour présenter une nouvelle collection, ou des salles de spectacle dans lesquelles on pourra se connecter, via un smartphone ou un ordinateur, pour voir en direct un show ou un concert en virtuel.  

BM : Tous les Métavers pourront-ils communiquer entre eux ?  

DL : A l'heure actuelle, ce n'est pas vraiment le cas. Chaque Métavers est lié à une application ou un environnement et ces derniers ne communiquent pas  entre eux. Si j’achète Fortnite, je peux accéder à son Métavers. Mais connecter deux Métavers issus de deux applications différentes, c’est et ce sera probablement un des gros enjeux du secteur. Je pense que les grands groupes technologiques qui créeront des univers virtuels vont vouloir que les plus petits passent par leurs Métavers. Il est probable que naissent de cette course et de cette problématique d’interopérabilité des enjeux de souveraineté, de contrôle des données et de modèles économiques (qui captera la valeur ajoutée ?) et ce, autant pour les groupes technologiques que pour les Etats.

BM : Vers quel secteur les entreprises qui créeront les Métavers de demain vont devoir s’orienter ? 

DL : Je pense qu’ils ont tout intérêt à se concentrer sur les secteurs dans lesquels la virtualisation a déjà montré un certain potentiel. Dans une étude que nous avons réalisé chez Bpifrance sur les opportunités économiques de la réalité augmentée, nous avons observé qu'il y avait des opportunités sur plusieurs segments de marché. Dans l’industrie par exemple, il y a jusqu'à 40 % de productivité en plus sur certaines chaînes de production quand l'opérateur est formé à l’utilisation de dispositifs digitaux. Dans l'univers du bâtiment, c’est jusqu'à 50 % de réduction des défauts de construction sur les chantiers. Pour le tourisme, on a jusqu'à 15 % de visites en plus sur les sites des musées qui sont équipés. On peut aussi imaginer qu’avec plus de moyens, le secteur de l’évènementiel, que je citais précédemment, sera un marché très fort.