Médecine génomique : une cartographie du secteur pour "donner envie aux entreprises françaises de se lancer sur ce marché"

En partenariat avec le CRefIX (Centre de Référence, d’Innovation, d'expertise et de transfert), Bpifrance a publié une cartographie des entreprises présentes sur le secteur de la génomique en France. Violette Turon, cheffe de projets du CRefIX, nous partage les conclusions de cet état des lieux de la filière.

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Medecine génomique

Etudier le génome pour mieux traiter les patients. Voilà le rôle des 44 entreprises françaises du secteur de la génomique identifiées dans cette cartographie. Elle regroupe des sociétés mettant à disposition des outils et services pour le déploiement de cette médecine, tant du côté laboratoire de biologie moléculaire que du côté bio-informatique / IT, c’est à dire utilisant le next-generation sequencing (NGS), une méthodologie qui permet le séquençage rapide de milliers à des millions de molécules d'ADN ou d'ARN simultanément. L’ambition de Bpifrance et du CRefIX avec ce mapping : identifier d’autres sociétés qui participent ou souhaitent s’engager dans cette filière nationale. Violette Turon, cheffe de projets du CRefIX, nous en dit plus.

Big média : Comment peut-on définir la médecine génomique ?

Violette Turon : On peut la définir de plusieurs façons mais pour nous, c’est l'utilisation de l'information, contenue dans le génome, pour mieux diagnostiquer puis mieux traiter les patients. Elle permet de proposer une thérapie adaptée à l'information génomique de ces derniers.
Aujourd’hui, la médecine génomique s’intéresse, par exemple, à la recherche de biomarqueurs pour adapter le traitement de certaines formes de cancers. Cette médecine est aussi utile dans le cas des maladies rares qui peuvent nécessiter de passer par une approche génomique pour poser un diagnostic, voire pour des maladies plus communes comme le diabète par exemple.

« Il y a vraiment des choses à faire pour consolider et amplifier la position de la France en matière de médecine génomique »

BM : Pourquoi avez-vous décidé de réaliser une cartographie de l’écosystème biotech de la médecine génomique ?

VT : Au CRefIX, nous avons pour mission de participer au développement de la filière génomique française. Dans ce cadre, nous avons rencontré près d’une centaine d’entreprises du domaine. Il nous a rapidement paru évident qu’une première valorisation de ce travail serait de faire une cartographie. Une rencontre opportune avec Bpifrance nous a conforté de l’importance de réaliser ce travail en commun. Avec cette cartographie on voulait donner envie aux entreprises françaises de se développer et de se faire connaitre sur ce marché. Il y a vraiment des choses à faire pour consolider et amplifier la position de la France en matière de médecine génomique. On l'a vu avec la crise du Covid, notamment marquée par les difficultés d’approvisionnement en consommables, il est essentiel de regagner une certaine souveraineté dans le domaine de la santé. 

BM : Justement comment se positionne la France sur ce marché ?

VT : Il faut se rappeler que dans les années 1990, la France était leader dans tout ce qui était carte génétique et physique du génome humain. Désormais, les entreprises majeures du secteur viennent plutôt des Etats-Unis qui dominent largement le marché du séquençage à haut-débit (NGS).

BM : C’est pour renverser cette tendance que le Plan France Médecine Génomique 2025 a été lancé en 2015 ?

VT : En partie, oui. C'est un plan très ambitieux qui a pour objectif d'amener la génomique directement dans le parcours de soins. Si d'autres plans ont vu le jour, notamment au Royaume-Uni ou aux États-Unis, ils étaient plus axés sur la recherche. Le Plan France Médecine Génomique 2025 (PFMG25) couvre l’aspect clinique sans oublier autant l’aspect recherche.

Depuis son lancement, deux plateformes de séquençage diagnostic à très haut-débit, SeqOIA ou AURAGEN , ont été mises en place et visent à couvrir l’ensemble des premiers besoins du territoire national. Elles doivent alimenter le Collecteur Analyseur de Données (CAD). Celui-ci vise à aider les praticiens à interpréter les données des patients, mais aussi à offrir à la communauté de chercheurs la possibilité de mener des études sur ces informations collectées dans le cadre du soin. Aujourd’hui, près de 15 000 personnes, 12 000 en maladies rares et 3 000 en cancers, ont déjà alimenté cette base de données nationale. 

« Avec la baisse des coûts du séquençage, nous allons pouvoir analyser des génomes de façon plus précise et à plus grande échelle »

BM : Le CRefIX pour lequel vous travaillez est, avec les plateformes de séquençage et le CAD, la troisième structure clé de ce plan. Quelles sont ses missions ?

VT :  On dit souvent qu'on est le centre R&D du plan France médecine génomique 2025. Notre mission principale est d’accompagner son développement en essayant de lever les verrous opérationnels qui peuvent exister. On évalue également les standards, côté laboratoire ou bio-informatique, comme par exemple les matériels de référence utilisés couramment pour étudier les kits de préparation d’échantillons jusqu’au séquençage. Enfin, notre dernière mission est de collaborer avec les acteurs concernés, publics et privés, pour participer à la structuration d’une filière industrielle française. C’est d’ailleurs dans ce cadre que nous nous sommes rapprochés de Bpifrance pour construire la cartographie des acteurs de la médecine génomique.

BM : Quelles sont les principales informations que l’on peut retenir de cette cartographie ?

VT : La bonne nouvelle, c’est qu’il existe un certain nombre d’entreprises françaises positionnées sur ce marché. Après, sans être trop pessimiste, on voit que, bien que présentes sur toute la chaîne de valeur, ces entreprises ne sont pas aujourd’hui des leaders du secteur. On remarque également qu’elles sont plus présentes au niveau de la bio-informatique que dans le domaine des Life Sciences.

BM : A quoi peut-on s’attendre en matière de médecine génomique dans les années qui viennent ?

VT : Avec la baisse des coûts du séquençage, nous allons pouvoir analyser des génomes de façon plus précise et à plus grande échelle, donc avec plus d’opportunités pour les patients d’en bénéficier. Et bien que des problèmes de stockage verront le jour, une plus grande quantité de données servira les intérêts de la recherche biomédicale. Cette démocratisation de la médecine génomique va aussi permettre de mettre au point des nouveaux traitements toujours plus adaptées à chaque patient.

Consulter la cartographie sur le site de Bpifrance Le Hub