L'IA va-t-elle bouleverser le rôle du manager ?

Sophia Galière, maîtresse de conférences en sciences de gestion et enseignante-chercheuse au sein de l’Université Côte d’Azur, nous parle de l’intérêt de l’intelligence artificielle (IA) dans l’évolution du poste de manager. 

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L'IA va-t-elle bouleverser le rôle du manager

« En 2013, les chercheurs Carl Benedikt Frey et Michael Osborne déclaraient qu’en 2023, la moitié des métiers américains auraient disparu à cause du numérique et de l’intelligence artificielle », déclare Sophia Galière, maîtresse de conférences en sciences de gestion et enseignante-chercheuse au sein de l’Université Côte d’Azur. Pourtant, dix ans plus tard, nous sommes très loin de ces prévisions. « Au contraire, l’utilisation croissante de l’intelligence artificielle a plutôt multiplié les petites tâches car il faut la nourrir et la traiter. » Si une étude du cabinet américain McKinsey révèle que de plus en plus d’entreprises ont adopté l’IA entre 2017 et 2019 (20 % contre 58 %), ces chiffres stagnent depuis et tournent autour de 50 % en 2022. « Il y a eu un pic d’intérêt il y a deux, trois ans et aujourd’hui ce dernier s’est stabilisé, assure l’enseignante-chercheuse. Pourtant, les investissements en IA ne cessent d’augmenter. » Alors que cette solution n’a pas encore tenu toutes ses promesses, les entreprises restent néanmoins confiantes en son potentiel et « sont persuadées que l’on se dirige vers des solutions de plus en plus efficaces. »

Aider les managers à prendre des décisions justes et éclairées

Bien loin d’avoir pour objectif de remplacer les collaborateurs, cette solution est destinée, entre autres, à les soulager de leurs tâches répétitives, ne leur laissant que celles à valeurs ajoutées : créativité, relationnel, opération … « Coté managérial, il y a de nombreux atouts inhérents à l’utilisation de l’intelligence artificielle, déclare la maîtresse de conférences. Notamment l’aide à la prise de décisions, qui nécessite de prendre en considération un maximum d’informations, pas toujours exhaustives, ni faciles à trouver ». Le manager dirige et agit ensuite via ses propres biais psychologiques. Dans ce cas, l’IA permet de trier des données et de les rassembler afin de l’aider à faire un choix juste et éclairé. « La prise de décision n’est cependant pas totalement délégable à l’IA. Je pense qu’elle devra toujours se faire via l’humain car elle est synonyme de responsabilité, d’engagement et d’éthique », tempère Sophia Galière. Dans certains domaines comme l’encadrement du personnel ou encore l’évaluation des performances, l’intelligence artificielle permet d’obtenir des données fiables en temps réel. Malgré tout, l’enseignante-chercheuse insiste sur le besoin de maintenir des relations humaines. « Une notification vous informant que vous avez bien travaillé ne suffira jamais, selon moi, à motiver les collaborateurs. Insuffler un esprit d’équipe, une vision au travail, un sens, resteront du domaine du manager. »

« Pour l’instant on est plutôt sur une forme d’acculturation à l’IA »

« Je ne pense pas que son rôle soit amené à disparaitre car il est très faiblement automatisable », ajoute Sophia Galière. Pourtant, certains mythes persistent et jouent en sa défaveur. En pole-position la crainte que la machine pourrait surpasser l’homme qui l’a créée. Ou encore que l’IA finisse par nous rendre incompétent à terme, ou altérer notre capacité de jugement. « C’est important pour moi, qui forme les managers de demain, de montrer comment intégrer l’intelligence artificielle et de leur faire part de sa plus-value », assure l’enseignante-chercheuse.

De nombreuses universités et écoles sont déjà en train d'inclure l’IA dans leurs différents cursus.« C’est important d’inculquer cette culture aux futurs managers afin d’éradiquer les craintes qu’on peut avoir et de comprendre comment elle fonctionne », assure la maître de conférences. Et, malgré quelques croyances persistantes, de plus en plus de dirigeants et d’étudiants voient dans cette solution de nombreux avantages. « Pour le moment, on est plutôt sur une forme d’acculturation à l’IA. Les artefacts sont assez limités avec le tri d’informations ou le sourcing de CV par exemple. Mais avec tous les investissements actuels, je ne doute pas qu’elle prendra plus de place dans les années à venir », conclut Sophia Galière.

 

Julie Lepretre
Julie Lepretre Rédactrice web