Jean-Nicolas Vernin [Madbox] : « La France a tous les ingrédients pour s’inscrire durablement dans le paysage mondial du jeu vidéo »

Jean-Nicolas Vernin, président et cofondateur de Madbox, studio de jeux vidéo mobile était sur la scène des Pégases – la cérémonie qui récompense les meilleures productions de jeux vidéo – pour remettre le prix du meilleur Premier Jeu Vidéo. On en a profité pour l’interroger sur les tendances du secteur. 
 

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Jean-Nicolas-Vernin, président de Madbox
Jean-Nicolas Vernin, président et cofondateur de Madbox, sur la scène des Pégases - ©Jean-Marie Dufour

Vous ne connaissez peut-être pas Madbox, mais vous avez probablement déjà joué à un de ses jeux sur votre smartphone. Spécialisée dans le jeu vidéo mobile, la start-up naît en 2018 de la fusion de deux studios parisiens. « On partageait la même ambition avec mes deux associés Maxime et Jonathan : devenir un studio de production de jeux ultra rapide pour surfer sur la vague, naissante en 2018 de l’hypercasual, avant de construire un studio de création vers des productions plus ambitieuses », raconte Jean-Nicolas Vernin, président et cofondateur de Madbox. Installée à Paris et Barcelone, l’entreprise se définit comme un studio entièrement intégré. « On fait tout en interne de A à Z, et c’est notre vision depuis le début », explique le président. Une stratégie qui a permis à Madbox de s'imposer comme un champion français des jeux vidéo et d’intégrer le French Tech 120 dès 2021. 
 

Big média : Vous étiez sur la scène des Pégases le 10 mars dernier pour remettre le prix du meilleur Premier Jeu. Qu’est-ce que ça représente pour vous ?

Jean-Nicolas Vernin : Cet événement permet de célébrer la passion et le talent. Appartenir à cet écosystème est extrêmement valorisant. En tant que membre du Syndicat National du Jeu Vidéo (SNJV), qui organise cette cérémonie, on soutient d’autant plus cette initiative qui permet depuis trois ans de faire rayonner le jeu vidéo français. Chaque année, le millésime de Pégases s’affine et la cérémonie s’aligne sur les standards des remises de prix les plus connues du monde du divertissement. C’est super de voir cette évolution et nous sommes très heureux de pouvoir contribuer à la démocratisation du jeu vidéo et à la prise de conscience du grand public de son poids dans les industries culturelles et créatives.

« Le marché du jeu vidéo mobile fait à lui tout seul trois fois la taille de celui du cinéma »

BM : Une prise de conscience tardive ?

JNV : Si les gens n’ont plus peur de dire qu’ils jouent aux jeux vidéo, le secteur reste le parent pauvre des industries créatives. Ça fait 20 ans que ce secteur est plus grand que le cinéma mais ce n’est pas encore forcément intégré par le grand public. Rien qu’aujourd’hui, le marché du jeu vidéo mobile fait à lui tout seul trois fois la taille de celui du cinéma. Avec le Covid et les confinements successifs, les gens ont plus joué. On voit que l’appétit des marques pour les jeux vidéo est de plus en plus fort et on est heureux de s’inscrire dans ce qu’on pense être le support culturel et de divertissement majeur des années à venir. 

BM : Comment expliquez-vous le succès des entreprises françaises dans ce secteur ?

JNV : On a la chance d’avoir, en France, un vrai savoir-faire dans la fabrication de jeux, de très bons game designers, artistes ou programmeurs et des écoles d’excellence. Ça crée un cocktail explosif et positif qui nous permet de nous inscrire comme des champions mondiaux du jeu vidéo. Et en alliant la créativité historique de la France avec le tempérament fougueux des jeunes entrepreneurs, on a tous les ingrédients pour s’inscrire durablement dans le paysage mondial du jeu vidéo qu’ils soient destinés aux mobiles, au PC ou aux consoles.

BM : Et comment expliquez-vous le succès de Madbox ces dernières années ?

JNV : Certains studios sont spécialisés dans la distribution de jeux. Ce sont des partenaires commerciaux qui proposent et développent des technologies marketing et big data pour accompagner les studios indépendants. Nous, on a décidé de tout faire en interne pour maîtriser l’intégralité de notre chaîne de valeur, de la création à la distribution, afin d’engager de l’expérience à tous les niveaux et en recherchant l’excellence sur tout notre processus. On détient tous ces savoir-faire, c’est la clé de notre succès.

BM : Un succès qui s’explique aussi par l’explosion des jeux mobiles ?

JNV : Oui et ce n’est pas vraiment une surprise. C’est l’évolution logique liée à la diffusion des smartphones à travers le monde. Le support, par définition, est beaucoup plus large puisqu’on s’adresse aux milliards de personnes détentrices de smartphones. Nous avons la chance de toucher, avec nos jeux, des personnes qui n’ont pas forcément accès à des PC ou des consoles. Et puis, aujourd’hui on s’adresse autant aux joueurs déjà confirmés qui prolongent leur expérience console et PC sur leur mobile qu’aux personnes à la recherche d’expériences beaucoup plus accessibles et « casual ». Avoir autant de liberté et de styles d'audience sur mobile, c’est vraiment une chance.

Jeu vidéo mobile : un marché porté par la Chine et les Etats-Unis

 

BM : Cette croissance du marché est-elle la même partout dans le monde ?

JNV : Si les téléchargements sont assez homogènes à travers le monde, le marché des jeux vidéo mobiles est ultra dominé par les Etats-Unis et la Chine qui cumulent près de 70 % de valeur. Si on ajoute les pays occidentaux – l’Europe, le Commonwealth et le Japon – vous obtenez 85 % du marché mondial. C’est pourquoi, en général, on attaque d’abord les gros marchés et, si ça marche, on sait que ça marchera partout. 

BM : Est-ce qu’être présent à Paris et Barcelone est une force pour atteindre ces marchés ?

JNV : Ces deux villes sont reconnues comme deux grandes villes de développement de jeux mobiles, mais le lieu de fabrication n’a aucun impact sur la distribution du jeu. Cependant, notre présence en France et en Espagne nous permet de proposer de la mobilité à nos équipes et d’attirer les meilleurs talents mondiaux. Il y a des personnes qui rêvent de France et d’autres qui rêvent de températures un peu plus douces avec un pouvoir d’achat un peu meilleur qu’à Paris.

BM : Quelles sont vos ambitions pour les années à venir ?

JNV : On a la taille et la densité de talents dont on rêvait depuis quelques années. Désormais on travaille pour faire évoluer Madbox vers la production de jeux plus riches en termes de contenus et d’expériences. Ça implique de recruter davantage des talents avec des expériences complémentaires à celles de nos équipes actuelles, capables d’opérer des jeux live pour leur garantir une plus longue durée de vie. Le tout, en restant à l’écoute des évolutions du marché.  

BM : En parlant de marché, quelles sont les tendances que vous voyez émerger sur celui des jeux mobiles ?

JNV : Le jeu mobile se réinvente très régulièrement car la technologie est plus accessible que celles des consoles ou des PC. Plus agile, il se réinvente tout d’abord dans les styles de jeux. On observe une vraie richesse créative et une émergence de nouveaux genres régulièrement. Pour ce qui est du modèle économique, le modèle des jeux free to play est arrivé à maturité. Mais il va y avoir de nouvelles opportunités, notamment avec le Web3, dans les années à venir. Le play to earn émerge de plus en plus, même si nous restons prudents car les mécaniques économiques sont encore très controversées. Enfin, chez Madbox, on croit beaucoup à l’interconnectivité et au cross platform. Comme on l’observe avec des jeux comme Fortnite ou Among us, le mobile devient une extension et permet de prolonger les expériences sur PC et console et réciproquement.