Informatique quantique : quel avantage technologique pour un géant comme Airbus ?

Si l’avènement du quantique est prévu pour la prochaine décennie, les géants industriels sont déjà lancés dans la course à l’innovation. Thierry Botter, chef d’Airbus Blue Sky précise la feuille de route de cette technologie de pointe.

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Bpifrance : Quelle différence majeure existe-t-il entre l’informatique quantique et son homologue traditionnel ? 

 

Thierry Botter: Il s’agit de deux modes de fonctionnement fondamentalement différents. Les ordinateurs classiques traitent de l’information binaire, des 1 et des 0. L’informatique quantique va plus loin, grâce aux qubits, qui peuvent être à la fois 1 et 0. Cette faculté est ce que l’on appelle la superposition, un des avantages premiers de l’informatique quantique.

B : Qu’est-ce que cela signifie ?

T.B : Les qubits possèdent une propriété supplémentaire qui leur est propre : pouvoir interagir à plusieurs, de manière à ce que leur valeur soit intriquée c’est-à-dire indiscernement reliée l’une à l’autre. Si on connait une valeur, on connait alors la propriété des autres. C’est ce que l’on appelle l’intrication, une propriété unique aux ordinateurs quantiques, qui apporte là aussi un avantage supplémentaire.

B : Pourquoi est-ce que ces deux propriétés, l’intrication et la superposition, apportent-elles ces avantages supplémentaires que vous mentionnez ?

T.B : Un qubit peut être à la fois un 1 et un 0 simultanément, avoir une superposition de deux valeurs. Lorsqu’on en met deux ensemble, on détient l’équivalent de quatre bits d’information. Et en en mettant trois, on obtient non pas 6 mais 2 puissance 3 c’est-à-dire 8. C’est une escalation exponentielle qui vient ajouter permet d’encoder et de traiter une quantité nombre beaucoup plus importantede possibilités.d’information qu’avec des bits classiques.

B : Concrètement, dans quelle mesure utiliser le quantique ?

T.B : Pour le traitement de problèmes très complexes pour lesquels on a besoin d’un nombre exponentiel de bits classiques. Pour une nombre relativement restreint de qubits, on pourra traiter une quantité importante d’information, offrant ainsi un meilleur rendement énergétique pour les calculs les plus complexes.

Cette technologie ouvre donc une voie pour les informaticiens. Les problèmes les plus complexes pourront être résolus de manière beaucoup plus rapide car le quantique va offrir un niveau de puissance de calcul sans précédent.

Quantique : des applications concrètes attendues pour la prochaine décennie 

B : Comment un groupe comme Airbus pourrait-il en profiter ?

T.B : Cette technologie représente un véritable avantage stratégique pour Airbus, mais également pour toute industrie qui s’en empare.

Nous avons par exemple lancé le Airbus computing challenge, un concours d’informatique quantique pour transformer le cycle de vie des avions. On y expose plusieurs problématiques et on invite des experts à proposer et développer des solutions de modélisation et d'optimisation complexes, dans l'ensemble du cycle de vie des avions, basées sur les nouvelles capacités informatiques.

Par exemple, comment charger de manière optimale un avion, en respectant un grand nombre de contraintes (gravité, force mécanique…).

B : Si vous parlez de challenge, est-ce que cela signifie que le quantique n’apporte pas encore de réponses concrètes ?

T.B : Nous en sommes encore au stade de la recherche. Mais on peut dores et déjà déterminer des tendances,  et apercevoir des avancées et anticiper des performances plus attrayantes que l’informatique classique. Je pense que nous sommes en droit d’attendre à ce que la prochaine décennie nous apporte les premières de véritables applications concrètes.

B : Justement, d’ici la prochaine décennie, que reste-t-il à mettre en œuvre pour que le quantique prenne tout son sens ?  

T.B : L’une des priorités porte avant tout sur le développement de la technologie elle-même. Il faut poursuivre la recherche pour arriver à de vraies applications. Et cela ne se fera pas sans le maintien de relations solides entre les mondes académique et industriel. Le rôle de l’académique doit aussi se solidifier, à travers la formation. A terme, les entreprises comme Airbus auront besoin de talents, qui ne posséderont pas forcément une formation de pointe en quantique, mais qui sauront surtout utiliser cette technologie. Finalement, plus la technologie va se développer, plus les opportunités vont se dessiner. 

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