France 2030 : comment l’aéroport de Lyon se prépare à recevoir l’avion à hydrogène

Avec le plan France 2030, l’Hexagone se dote de plusieurs milliards d’euros pour développer l’hydrogène. Éric Delobel, directeur technique de VINCI Airports et référent du pôle de compétence hydrogène de VINCI Concessions, nous éclaire sur son déploiement au sein de l’aéroport de Lyon.

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« Devenir le leader de l'hydrogène vert, c’est notre objectif avec France 2030 ! ». Voilà ce qu’on peut lire le site de l’Elysée depuis le 16 novembre dernier. Avec l’annonce de ce plan par le Président de la République, la France ambitionne de devenir leader de l’hydrogène décarboné et pousse de nombreux projets dans ce sens. Mi-septembre, VINCI Airports (filiale de VINCI Concessions) a annoncé un partenariat avec Airbus et Air Liquide afin de lancer le tout premier avion à hydrogène et d’adapter les infrastructures aéroportuaires pour l’accueil d’un tel aéronef. Avant de pouvoir accueillir le premier avion à hydrogène décarboné, les aéroports doivent s’équiper d’infrastructures et de matériel spécifiques pour alimenter ces avions et c’est l’aéroport de Lyon qui servira de « premier de série ». Eric Delobel, le directeur technique de VINCI Airports et référent hydrogène de VINCI Concessions nous explique comment l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry se prépare à passer à l’hydrogène. 

Big Média : Récemment l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry a été choisi pour accueillir les premiers tests de l’aéroport hydrogène. Comment expliquer ce choix ? 

Éric Delobel : Il a été choisi car c’est notre aéroport d’expertise, d’innovation et de test en France. De dimension internationale, ni trop grand ni trop petit, il nous permet d’évaluer et de faire des tests à des dimensions pertinentes avant de les mettre en place sur nos autres infrastructures. Il paraissait donc assez logique et naturel que Lyon St Exupéry soit le « premier de série » pour nos futurs aéroports à hydrogène. 

BM :  Quels sont les grands défis de ce projet ? 

ED : Le premier est d’ordre règlementaire et sécuritaire. Introduire une molécule d’hydrogène dans un domaine ultra-normé, ultra-réglementé comme celui de l’aéroportuaire est un sujet que l’on traite avec la plus grande attention. Pour cela, nous pouvons nous appuyer sur les expertises d'Airbus et Air Liquide. Il y a ensuite un défi opérationnel : l’hydrogène liquide se conserve à -253°C, ce qui nécessite une attention particulière. Par exemple, nous réfléchissons avec Airbus à une solution pour alimenter les futurs aéronefs via des tuyaux cryogéniques, c’est-à-dire capable de conserver une telle température tout le long de la distribution à l’avion. Il est important de pouvoir faire un plein en parallèle des opérations de déchargement/chargement des bagages et de débarquement/embarquement des passagers en cabine. Ces manipulations doivent être réalisées en simultané pour assurer la promesse de services des compagnies aériennes qui impose une rotation de l’avion en moins de 30 minutes. 

BM : Ce projet demande certaines qualifications pour la maitrise de l’hydrogène. Vos équipes ont-elles été formées ou bien avez-vous choisi de créer des postes spécifiques ? 

ED : C’est tout l’enjeux du partenariat avec Air Liquide. Nous devons nous acculturer, c’est-à-dire comprendre et apprendre comment intégrer la molécule d’hydrogène dans notre travail au quotidien, d’abord sous forme gazeux puis liquide. Cela entrainera des élargissements du panel de compétences dans nos équipes. Nous entrevoyons des créations de postes dans le cadre du développement de nos aéroports et nous y intègrerons naturellement la dimension de l’hydrogène. 

BM : Comment s’organise-t-on pour accueillir un tel projet ? 

ED : On s’organise à la fois au niveau local, avec les équipes de Lyon, et au niveau du siège de VINCI Concessions. Les équipes de Lyon réfléchissent à l’aménagement, au concept et au  design des futures installations. Pour les équipes de Nanterre, en Ile-de-France, le travail porte sur le développement de l’aéroport qui doit être en cohérence avec le projet et les enjeux règlementaires, sécuritaires et opérationnels. Notre volonté est de passer par des unités de production locales alimentées en grande partie par des énergies renouvelables. 

BM : Qu’est-ce que cela représente de passer à l’hydrogène ? 

ED : Cela représente de nombreux investissements d’installations autant pour l’hydrogène gazeux que pour l’hydrogène liquide. Pour ce dernier, la finalité est de pouvoir produire, liquéfier, stocker et distribuer l’hydrogène sous forme liquide au sein l’aéroport. Celui-ci ne sera réservé aux seuls usages de l’aéroport, qui regroupe de nombreux acteurs de la mobilité, mais sera disponible pour son écosystème, c’est-à-dire pour toutes les entreprises et les industries qui sont présentes autour. 

L’un des principaux enjeux est de massifier les besoins. Nous devons obtenir un volume de demande suffisant afin d'amortir le coût des installations d’hydrogène, qui nécessitent par ailleurs des investissements connexes comme les fermes photovoltaïques comme source d’énergie des installations H2. Deux grandes étapes sont nécessaires à ce projet. La première est l’implantation de l’hydrogène gazeux, avec l’installation d’un électrolyseur qui sera raccordé à une centrale photovoltaïque afin de décarboner l’hydrogène. La seconde étape sera le passage à l’hydrogène liquide afin notamment de pouvoir proposer ce nouveau carburant à la nouvelle génération d’aéronefs développée par Airbus. 

BM : Les préparatifs au sein de l’aéroport commencent en 2023. Quand pourrons-nous y voir le premier avion à hydrogène ? 

ED : Airbus a annoncé une livraison pour 2035 avec un développement phasé des différents modules d’aéronefs. Dans un premier temps, un module court-courrier entre 80 et 120 sièges, avant de passer à un modèle moyen-courrier autour de 150 sièges. De notre côté, après 2030 on entrera dans la phase de l’hydrogène liquide et de son installation au sein de l’aéroport de Lyon. On espère ensuite pouvoir dupliquer ce modèle dans d’autres aéroports du réseau VINCI Airports afin de promouvoir la décarbonation de la mobilité aérienne à l’échelle française, européenne et mondiale.